L'ONERA, ce bijou technologique délaissé par l'Etat

Dans un rapport au vitriol, la Cour des comptes critique la gestion, la gouvernance ainsi que le manque d'implication de l'ONERA dans le domaine de l'aéronautique civile. Mais son nouveau patron Bruno Sainjon est en train de remettre en tension le centre de recherche de l'aérospatial français.
Michel Cabirol
L'ONERA est au coeur des enjeux aérospatiaux du futur

Trop tard ou trop tôt. Le rapport de la Cour des Comptes sur l'ONERA, qui couvre la période 2008-2013, tombe plutôt à plat... Car depuis l'arrivée le 30 mai 2014 du nouveau PDG, Bruno Sainjon, cet organisme public de recherches est en train de se réveiller et de retrouver un réel dynamisme. Pour autant, ce rapport n'est pas non plus inutile. Notamment il montre l'incapacité de l'État à valoriser un bijou technologique, envié dans le monde entier et, surtout, il pointe son manque de vision dans la recherche et, par conséquent, dans l'avenir de la filière aérospatiale civile et militaire française, en réduisant considérablement sa subvention au fil des années.

Depuis 2010, le budget de l'ONERA a pris le bouillon, passant de 257,9 millions d'euros à 207 millions en 2014, selon les derniers chiffres disponibles. Soit une chute de près de 20%, essentiellement liée à la réduction de la subvention accordée à l'ONERA, qui est tombée à 96,4 millions (contre 123,9 millions en 2010). Elle représentait 46,6% de son budget, contre 48% en 2010. Et ce contrairement à ce qu'affirme la Cour des comptes, qui estime que "les financements publics sont relativement stables, au moins ceux de la DGA". Une remarque qui a fait bondir le PDG de l'ONERA dans sa réponse aux sages de la rue Cambon;

"Cette observation est inexacte, c'est même précisément la baisse des moyens publics qui explique en grande partie la situation financière actuelle de l'ONERA", qui traine effectivement en 2014 un déficit de 16 millions d'euros, a expliqué Bruno Sainjon. Dans le budget initial 2015, le conseil d'administration de l'ONERA a voté un déficit de 3 millions d'euros.

En 2015, son budget prévisionnel s'élève à 228,9 millions. A suivre...

La DGAC a lâché l'ONERA

Parmi les critiques soulevées par la Cour des Comptes, les relations très distantes entre la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et l'ONERA. Ce qui s'est notamment traduit par l'arrêt par la DGAC d'une subvention à l'ONERA à partir de 2001 (contre 3,8 millions en 2010). De même, elle a réduit pratiquement à zéro son activité contractuelle avec l'ONERA, qui est passée de 24 millions d'euros 2010, à 0,3 million en 2014.

Pourquoi une telle défiance? Selon la Cour des comptes, "les causes sont multiples : réduction du budget de la DGAC, volonté de la DGAC de cibler son soutien et d'encadrer l'utilisation de sa subvention afin d'éviter une contrariété potentielle aux règles du commerce international et du droit de la concurrence, perte de pertinence de l'ONERA aux yeux de la DGAC et dégradation des relations". Pourtant l'ONERA travaille sur ce que seront les avions du futur, et plus précisément sur le programme "Nova" (Next-generation Onera Versatile Aircraft), qui pourrait remplacer les actuels moyen-courriers. Il est destiné à transporter 180 passagers à 900 km/h sur une distance de 5 à 6.000 km. Par ailleurs, les relations avec la DGAC sont en train de se réchauffer...

En outre, la DGAC estime, selon la Cour des Comptes, que l'Office "ne s'est pas adapté aux évolutions profondes du secteur de l'aéronautique civile depuis les années 1980, notamment l'émergence de nouveaux sujets structurants : gestion de l'énergie, avionique, cockpit et navigation, nouveaux procédés de production". Enfin, elle "regrette la faible participation de l'ONERA aux programmes européens et aux initiatives locales".

Bruno Sainjon fait pourtant part dans sa réponse à la Cour des Comptes des succès remportés récemment par l'ONERA dans le cadre de trois appels d'offres lancés au titre du programme européen Cleansky 2 pour un montant de plus de 30 millions d'euros étalés sur huit ans. Tout comme il rappelle l'implication de l'ONERA "beaucoup plus affirmée" dans le Conseil pour la recherche aéronautique et civile (CORAC).

Pourquoi un tel désintérêt de l'État?

Dans sa réponse à la Cour des Comptes, le Premier ministre, Manuel Valls, assure pourtant que "l'action de la tutelle a été conduite dans un souci de préservation de la position de l'ONERA". On a vu mieux comme soutien financier à un organisme public... Car quand l'État le veut, les subventions suivent. Comme le montrent les dotations aux Établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), CNRS inclus, qui sont passées de 4,9 à 5,7 milliards d'euros entre 2008 et 2014.

Dans une interview accordée en juin à La Tribune, Bruno Sainjon avait tenté d'expliquer le désintérêt de l'Etat vis-à-vis de l'ONERA : "travailler majoritairement sur des sujets de défense n'incite pas à une communication tous azimuts. Et surtout la recherche fondamentale même à visée applicative n'a pas été mise en évidence ces dernières années. Pourtant sans la science et la recherche, il n'y a pas de technologie ni de programme". C'est vrai que l'ONERA est complètement sorti des radars de la plupart des responsables politiques français. A tel point que la plupart d'entre eux ne savent pas ce que cet organisme fait exactement. Un peu désolant...

L'ONERA au cœur des enjeux aéronautiques

En dépit des critiques de la Cour des Comptes sur son isolement, l'expertise de l'ONERA a été à plusieurs reprises plébiscitée dans de nombreux domaines, dont certains liés à une actualité très brûlante. Ainsi, en avril dernier, un consortium piloté par l'Office a été sélectionné par l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) pour la lutte anti-drone. En 2014, l'ONERA, à la demande de la direction générale de l'armement (DGA), a commencé à travailler sur le projet d'étude amont DEMPERE, dont l'objectif est de développer un démonstrateur de simulation numérique destiné à évaluer le degré de perturbation d'un radar par les parcs éoliens.

En outre, l'ONERA s'est récemment rapproché de plusieurs organismes de recherche à la fois concurrents et partenaires. Ainsi, l'Etat a mandaté l'ONERA comme pilote de la nouvelle filière aéronautique Carnot, baptisée AirCar (Air Carnot) et financée pendant six ans à hauteur de 10,5 millions d'euros. L'objectif de ce consortium multidisciplinaire et complémentaire sera de comprendre les besoins des PME et ETI de la filière aéronautique afin de booster leur capacité d'innovation et répondre ainsi au mieux aux besoins industriels.

Par ailleurs, l'ISAE-SUPAERO et l'Office ont renforcé en mars dernier leur coopération en signant une convention de partenariat scientifique créant deux équipes de recherche communes (ERC). Enfin, le Cetim et l'ONERA ont renforcé leur coopération en vue de développer une offre technologique commune, innovante et performante dans le contexte de ré-industrialisation de la France et des enjeux liés à la filière matériaux.

Michel Cabirol

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Commentaires 36
à écrit le 13/09/2015 à 19:36
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La création récente d'un centre de recherche interne chez Safran/SNECMA et le développement de nouveaux centres de recherche en région (plus particulièrement l'IRT St Exupery de Toulouse) correspondent à un redéploiement de l'activité de recherche aé...

à écrit le 10/09/2015 à 14:58
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Et bien moi je suis étonné de la faiblesse du budget d'un tel organisme. Il devrait être 10 fois plus élevé.

à écrit le 09/09/2015 à 11:19
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Travaillant à l'Onera, je suis interloqué par les commentaires qui accompagnent cet article. L'Onera a évidemment des liens avec l'industrie et effectue des transferts vers celle-ci pour ce qui concerne les résultats de ses recherches (codes de calcu...

le 10/09/2015 à 8:34
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Ben on voit le résultat. Pas de blabla, seul le résultat compte.

le 19/09/2015 à 13:34
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Carrément @aero. S'il servait à qqch, l'Onera aurait: - permis la construction d'avions comme l'A380, - été utilisé pour tester tous les avions civils et militaires Airbus et Dassault, - permis de faire une Ariane V qui n'explose pas à chaque vol,...

à écrit le 08/09/2015 à 21:55
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La maquette présentée a les ailes de la mouette de Gaston Lagaffe, une queue de poisson, un nez de requin et des moteurs en forme de soutien gorge bonnet D....Finalement ils ont inventé quoi?... Copieurs! Plus sérieusement, tant que ces organismes d...

à écrit le 08/09/2015 à 18:56
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ce n'est pas la bonne question c'est que nos dirigeants se foute de tout que se soit l'industrie l'agriculture ou le commerce seul leur fonction a de l'interet le reste il taxes et retaxe

à écrit le 08/09/2015 à 16:50
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Bonjour; est-ce l'avion du future? Des hublots qui servent à quoi? L'éternel problème de la queue de l'avion (oui je sais cela a un autre nom) dont l'utilité est discutable, le coût certain. Les vitres du cockpit et même le cockpit. Ailes repliables?...

à écrit le 08/09/2015 à 15:49
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Pour les lecteurs de Spirou: http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/les-incroyables-pepites-meconnues-de-l-onera-483392.html

à écrit le 08/09/2015 à 14:21
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Étonnants commentaires. S'il faut fermer un organisme subventionné par l'Etat parce qu'il fait de la recherche fondamentale, la prudence demande cependant que nous n'agissions pas avant nos concurrents afin de ne pas nous priver de l'avantage concurr...

le 08/09/2015 à 15:16
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Le problème est bien la : il n'y a aucun transfert de techno de l'ONERA vers les industriels. Les industriels sont vus par les chercheurs de l'ONERA comme des méchants du privé. Une bande de parasites qui ne fait ni bonne recherche fondamentale ni tr...

à écrit le 08/09/2015 à 14:15
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Quand on se balade sur le site de l'ONREA, il est difficile de comprendre ce que fait cet organisme. Si ce bijou technologique était envié dans le monde entier, il n'y aurait aucun problème pour obtenir des subventions, même du privé. Il est possib...

le 08/09/2015 à 15:23
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Ce dont on parle, c'est d'améliorer la situation de la France. Pas de se faire encore entourlouper par les Allemands. J'espère que les cabris auront un jour la monnaie de leur pièce, le retour du boomerang en quelque sorte...

le 10/09/2015 à 11:43
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Allons bon...encore une coopération Européenne? Vous savez comment nos "partenaires" Européens voient la coopération avec la France? En fait ça se résume à ceci: "Chic, on va pouvoir leur piquer leur technologie. Et s'ils ne se laissent pas faire c...

à écrit le 08/09/2015 à 13:44
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On a Airbus qui rapporte des milliards d'euros, mais où va cet argent ? Pas dans les caisses de l'état ? On a besoin d'argent pour construire des écoles, avoir des profs, des hoipitaux ! Alors quelqu'un peut m'expliquer ??? Miterrand avait raison ou...

le 08/09/2015 à 20:06
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argenttropcher = commentaire anachronique...

le 10/09/2015 à 4:10
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Non pas anachronique...attendons une vraie réponse sérieuse, au lieu de botter en touche quand on a pas de réponse interessante !

à écrit le 08/09/2015 à 13:29
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Commentaires affligeants de stupidité dans leur indigence, même si l'article n'est pas toujours très clair....

le 08/09/2015 à 15:49
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@Oreste: sûr que le monde a besoin des conseils grecs pour ne pas tomber dans l'indigence :-)

à écrit le 08/09/2015 à 12:51
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Alors il faut fermer ce bazar sur le champ

à écrit le 08/09/2015 à 11:00
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Bonne question, cette boîte à fabriquer quoi?,,, dans quel grands programme est telle impliquer?,, quel est les recherche mener? ... Bon car il est bien se donne de l'argent , mais il nous faut des résultâts.... Bon, il est important de voir ou son...

le 08/09/2015 à 15:53
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... Un peu... Toi apprendre écrire parler...

le 11/09/2015 à 8:45
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Bonne remarque, mais je suis comme l'éducation de mon pays m'a instruit... J'ai tous réussi, saut a apprendre notre orthographe, sûrement que mes professeur de l'éducation nationale etre trops performent, trops travailleur, trops inverstic dans leur ...

le 11/09/2015 à 16:43
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Oui Rogger, c'est toujours de la faute des autres, jamais de ta faute. Avec les memes profs que toi, certains sont devenus excellents en orthographe, alors ?

à écrit le 08/09/2015 à 10:30
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À la lecture de cet article, je n'ai toujours pas compris ce qu'est l'onera... bravo pour la clarté et la pédagogie !

le 08/09/2015 à 11:14
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Je me suis fais la même remarque. J'image que c'est un Organisme National ... à la fonction floue qui vit de subventions !!

le 08/09/2015 à 11:58
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Bah faut lire Spirou... C'est plus facile à comprendre

le 08/09/2015 à 12:33
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Office Nationale d'Etude et de Recherche Aérodynamique. Ils travaille principalement sur l'aspect mécanique du vol et aérodynamique de l'industrie aérospatiale, et font de la recherche fondamentale dans ce domaine, entre autre. Voir les sites de ...

le 08/09/2015 à 12:46
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mais c'est bien sur ONERA est un sphère avec deux trous un grand ou c'est l'enrée de l'argent et un petit tout petit trou oi on ne voit rien mais rien. Au sujet de l'avion "révolutionaire sorti des élucubrations des Géotrouvetout c'est de n'importe q...

le 08/09/2015 à 14:12
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qui sont les clients d'ONERA ? Bon ok ... je vais lire spirou ... merci Totoff !

le 08/09/2015 à 16:56
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@Totoff Vous lisez tellement Spirou que vous n'avez pas compris que je m'adresse à l'auteur de l'article et à son manque de clarté. C'est au journaliste d'expliquer les choses, pas à moi de les deviner. Cela a au moins la vertu de vous faire poster ...

le 08/09/2015 à 17:03
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Interview du PDG de l'ONERA Bruno Sainjoin accordée à la Tribune en juin et mise en lien dans l'article ci-dessus... mais il fallait être un peu curieux : Quelle est la mission de l'Onera ? A la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, au cours de laq...

à écrit le 08/09/2015 à 9:13
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" manque de vision dans la recherche et, par conséquent, dans l'avenir" " l'ONERA est complètement sorti des radars de la plupart des responsables politiques français." Y a-t-il encore quelque chose dans ces "radars" à part des comptes de bouti...

à écrit le 08/09/2015 à 8:26
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L'ONERA ? trop onéreux.

le 08/09/2015 à 14:00
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Onera ou Onera pas !! :-))

le 09/09/2015 à 9:51
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ONERA où tu voudras

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