Luxe : relancer Gucci, le grand défi de Kering pour revenir dans la course

A rebours de son concurrent LVMH, le groupe de François-Henri Pinault a affiché une baisse de sa croissance et de son bénéfice en 2023. Les problèmes structurels de sa marque phare Gucci ont pesé sur les résultats de Kering qui souhaite maintenant lui faire opérer une montée en gamme.
Maxime Heuze
Le groupe de François-Henri Pinault a affiché un chiffre d'affaires organique en baisse 4% à 19,57 milliards d'euros
Le groupe de François-Henri Pinault a affiché un chiffre d'affaires organique en baisse 4% à 19,57 milliards d'euros (Crédits : Charles Platiau)

« On se demande quand cela va s'arrêter ». Cette réaction d'un analyste face à la publication, ce jeudi, des résultats financiers de Kering, en dit beaucoup sur les difficultés rencontrées par le groupe de François-Henri Pinault. Le groupe de luxe a fait état d'une chute de 15% du bénéfice opérationnel, à 4,75 milliards d'euros, et d'une baisse de 4% du chiffre d'affaires, à 19,57 milliards d'euros. Des résultats non seulement négatifs mais surtout en dessous des attentes des analystes qui, selon FactSet, anticipaient un bénéfice opérationnel courant de 4,84 milliards d'euros. Une performance qui dénote fortement avec celle de son concurrent LVMH, lequel a vu  son bénéfice opérationnel bondir de 8% pour un chiffre d'affaires en croissance organique de 13%.

Pour autant, les perspectives de la direction ont rassuré  les investisseurs qui s'attendaient à pire. Au point d'acheter massivement des actions de Kering, qui ont fait grimper le cours de Bourse du groupe de 6% à la clôture, à 413 euros. Des actes d'achat facilités par la faiblesse du cours de Kering, qui a  chuté de près de 30% depuis un an quand LVMH a réussi à maintenir son cours de Bourse (+0,46%), dans une année difficile pour le secteur du luxe.

Pleine restructuration de ses activités?

Dans l'empire de François-Henri Pinault, une marque est à l'origine de la débâcle boursière du groupe : Gucci.

« Kering est très concentrée sur quelques marques dont Gucci, ce qui signifie que quand cette maison va mal, tout le groupe va mal », confie à La Tribune Thibault François, président de la société de gestion Fastea capital. Justement, en 2023, la marque emblématique qui représente plus de la moitié du chiffre d'affaires de Kering a vu ses ventes s'effondrer de 6%, à 9,9 milliards d'euros.

« Aujourd'hui, Gucci doit trouver une nouvelle énergie et de nouvelles idées pour enthousiasmer les consommateurs », relevait auprès de l'AFP mi-janvier, Luca Solca, analyste chez Bernstein. Et pour cause le segment sur lequel surfe la maison phare de Kering est celui de l'entrée et du milieu de gamme du luxe « qui est exposé à une clientèle sensible aux problématiques inflationnistes et de baisse de pouvoir d'achat et qui ont diminué leurs achats de produits de luxe », après avoir beaucoup consommé ces dernières années explique à La Tribune Charles-Louis Scotti, analyste chez Kepler Cheuvreux, responsable de la recherche dans le secteur du luxe.

En réponse à la baisse des ventes de sa marque phare, le groupe a notamment annoncé entrer en phase de transition. «Au cours de cette année difficile pour le groupe, nous avons renforcé notre organisation et pris des mesures décisives », a déclaré ce jeudi le PDG de Kering, François-Henri Pinault. Une référence directe à la nomination, il y a quelques mois, de Jean-François Palus, à la tête de Gucci. Ce jeudi, ce dernier n'a d'ailleurs pas caché la mission qui lui a été confiée. « Notre priorité est de remettre Gucci sur les rails », a-t-il indiqué.

Vers une année 2024 de transition

Ce changement de cap pourrait-il porter ses fruits en 2024? C'est peu probable...

« Je ne suis pas très optimiste sur l'évolution du cours de l'action en 2024 », confie à La Tribune Emeric Blond, gérant action chez Taylor AM.

Depuis plusieurs trimestres, le luxe souffre de l'impact sur la consommation de l'inflation et de la baisse de la croissance. « Le super cycle que le secteur a connu pendant la reprise post-pandémie semble toucher à sa fin et nous allons vers une normalisation de l'activité » note de son côté, l'analyste de Kepler Cheuvreux qui table sur croissance annuelle des ventes de 7% pour le secteur du luxe entre 2023 et 2026 contre 11% entre 2019 et 2023.

Lire aussiGros coup de blues aux Etats-Unis pour les géants du luxe français LVMH, Kering, Hermès

Dans ce contexte de moins en moins porteur, Kering va devoir faire face à des difficultés supplémentaires. « Il faut qu'ils redressent Gucci, et qu'ils s'attellent ensuite à acheter d'autres maisons pour se diversifier », détaille Emeric Blond. Concernant son premier défi, le groupe a indiqué vouloir mettre en place « une stratégie d'élévation (montée en gamme, Ndlr) qui implique de continuer à investir pour nos marques dans le long terme », et non à chercher le retour à la croissance l'année prochaine, a expliqué la directrice financière de Kering Armelle Poulou, lors d'un échange téléphonique avec les agences de presse. « Ce type de stratégie est vertueuse pour les marques à moyen-long terme mais requiert généralement beaucoup de temps et d'investissement avant de porter ses fruits », commente Charles-Louis Scotti.

Une stratégie quitte ou double

La montée en gamme devrait en effet passer par une augmentation de la qualité de produit, des investissements en marketing et en communication importants et une diminution de son exposition aux clients les moins aisés. En clair, « notre investissement continu dans nos Maisons pèsera à court terme sur nos résultats » a prévenu François-Henri Pinault, avant d'ajouter que « le résultat opérationnel courant annuel du groupe devrait s'afficher en retrait par rapport au niveau publié en 2023, particulièrement au premier semestre ».

Des perspectives peu réjouissantes pour les investisseurs donc, mais « qui sont déjà intégrées au cours de l'action », avance Thibault François qui s'attend à un retour de la croissance des activités du groupe fin 2024 et une confirmation en 2025, suivi, peut-être, d'un rebond du cours de Bourse. Cependant, les analystes mettent en garde contre le risque d'une nouvelle détérioration de la croissance au deuxième semestre. « Le groupe aura beaucoup investi donc s'ils ne retrouvent pas une bonne dynamique dès la fin 2024, les investisseurs commenceront à perdre patience et pourraient fortement sanctionner le titre », prévient le président de Fastea Capital.

Maxime Heuze

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 09/02/2024 à 7:47
Signaler
Arnaud avait un meilleur réseau faisant qu'il a acheté les marques les plus porteuses. Ne pas oublier quand même que la DGSI l'a servi gratuitement durant des années ! Forcément Pinault pouvait pas lutter. Mais qu'est-ce qu'on s'ennuie au sein de leu...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.