Réputé pour sa faisselle, Rians est passé de la ferme à l’ETI fromagère internationale

SÉRIE D'ÉTÉ : LES ENTREPRISES FAMILIALES EN CENTRE VAL DE LOIRE (1/4). Installée depuis 120 ans dans le petit village berrichon éponyme, la fromagerie Rians continue à cultiver les valeurs héritées du fondateur Désiré Triballat. L’ancrage sur le territoire constitue la première d’entre elles pour son arrière-petit-fils, Hugues, à la tête de l’entreprise qui emploie 1.500 salariés dont plus de la moitié dans le Berry.
Hugues Triballat, à 63 ans, verra ses enfants lui succéder d’ici quelques années, la 5e génération à la tête de l’entreprise.
Hugues Triballat, à 63 ans, verra ses enfants lui succéder d’ici quelques années, la 5e génération à la tête de l’entreprise. (Crédits : Reuters)

Fromage blanc égoutté au lait cru de vache, spécialité typique du département du Cher, la faisselle constitue encore en 2021 le produit phare de Rians. Immédiatement reconnaissable à son étiquette rouge et verte, elle affiche toujours fièrement son origine rurale. Sa conquête des crémiers parisiens à la fin des années 1960 signe le point de départ de l'expansion de ce groupe familial, devenu en deux décennies l'un des premiers acteurs français de l'industrie fromagères. Rians exporte sa gamme de spécialités dans 40 pays et a réalisé 300 millions d'euros de chiffres d'affaires l'année dernière. L'ETI doit en grande partie son développement à sa stabilité familiale depuis quatre générations.

L'aventure de Rians, du nom d'un village de 985 âmes situé à 25 kilomètres de Bourges, démarre en 1901 à la ferme de Pétereau. Désiré et Francine Triballat, qui affinent leurs fromages fabriqués à partir du lait des vaches de la petite exploitation, les vendent dans les villages alentours. Leur fils Maxime développe l'affaire dans les années 1930 mais sans sortir du département du Cher. Pour cause de conflit mondial, la laiterie cesse son activité, et c'est Hubert Triballat, père du dirigeant actuel, qui la relance en 1952. « Il est reparti avec trois salariés et 700 litres de lait en tout et pour tout, raconte son fils, Hugues. A partir des marchés du Berry où l'aventure a redémarré, on lui doit la forme actuelle de l'entreprise ». Hubert, diplômé d'une école de laiterie normande, développe patiemment la société qui ne porte pas encore le nom de Rians. Il construit de nouveaux bâtiments à l'emplacement de la ferme familiale. Grâce au rachat d'une dizaine de laiteries, l'entrepreneur peut augmenter la production. Les fromages sont désormais distribués dans toute la région centre et jusqu'à Clermont Ferrand. La découverte au milieu des années 1960 de la faisselle par un important crémier parisien allait faire basculer le destin la PME qui devient un de ses fournisseurs attitrés.

Ère industrielle et grande distribution

Le fromage blanc berrichon, moulé à la louche la veille dans la campagne berrichonne, arrivait encore frais le lendemain dans les magasins de la Capitale grâce à une liaison quotidienne en camions réfrigérés. Le succès est tellement rapide qu'il faut trouver un nom à la faisselle. Ce sera Rians, du nom de son village d'origine. Créée en 1968, la nouvelle marque laitière intègre quelque 1.000 crèmeries parisiennes. Elle en profite pour y implanter également son autre spécialité emblématique, le crottin de Chavignol.

L'arrivée en force des nouveaux modes de consommation portés par la grande distribution à partir de 1980 constitue un nouveau virage pour l'entreprise. Rians devient un industriel du Fromage et développe des gammes qui essaiment dans l'Hexagone. Grâce aux 19 ateliers de transformation et d'affinage qu'elle a acquis en France à la fin des années 1970, la société produit au total une dizaine de fromages d'appellations contrôlées, Sainte Maure de Touraine, Picodon, Rocamadour, Epoisse ou encore Pouligny Saint Pierre. « Mon père a développé Rians sans jamais sacrifier à l'exigence de qualité qui constitue l'ADN de la laiterie depuis sa fondation, assure Hugues. D'une part, les ingrédients nécessaires à la fabrication sont peu nombreux et issus pour la plupart du territoire de production. D'autre part, la qualité rime toujours avec gourmandise ».

La fin des trente glorieuses est également l'époque où l'industriel berrichon débute parallèlement l'exportation, en Belgique et au Royaume uni. Présent dans 40 pays en 2021, il y réalise désormais 30% de ses recettes et a ouvert des filiales en Espagne et aux Etats unis.

Valeurs familiales et transmission

La recette de la crème brulée d'Odile Triballat, une des deux sœurs d'Hugues, allait à nouveau encore changer le destin de Rians en 1992. « Pour la première fois, nous avons ajouté des œufs dans le lait. Le succès a été au-delà de nos espérances, se souvient le dirigeant, diplômé de l'ENSAIA de Nancy, entré dans l'entreprise deux ans auparavant. Cette première diversification dans les desserts sera suivie d'autres comme la pana cota nappée de coulis. Elle est la parfaite illustration de la force des sociétés familiales. En raison de valeurs partagées et cultivées ensemble, les décisions sont pesées mais rapides. » Représentant la quatrième génération, Hugues s'est vu passer le flambeau par son père en 1995, date à laquelle il a pris la présidence de Rians. La transmission capitalistique de l'entreprise ne s'est achevée elle qu'en 2015. « Il s'agit d'un processus long qu'il faut financer et mettre en exécution, explique Hugues Triballat. Cela n'a rien d'évident quand cette opportunité, mais aussi les devoirs qu'elle induit, est proposée aux enfants à 25-30 ans ».

A l'instar de la réflexion à longue terme et des investissements dans la durée, la responsabilité sociale sur son bassin d'emploi constitue ainsi une autre caractéristique majeure des entreprises familiales. Elle est synonyme, dans la plupart des cas, d'ancrage fort sur son territoire. Chez Rians, le lieu de production n'a pas varié depuis plus d'un siècle : de quoi s'attacher des générations de collaborateurs qui, à l'image des dirigeants, travaillent dans le groupe de père en fils ou filles. A la sortie de leur école de commerce, deux des enfants d'Hugues, Marie et Henri, ont eux-mêmes intégré la société créée par leur arrière grand-père, l'une à la communication interne et aux ressources humaines, l'autres aux relations fournisseurs laitiers. Le troisième, Marc, est lui présent depuis peu au conseil de surveillance.

La cinquième génération de la famille Triballat se prépare d'ores et déjà aux responsabilités d'ici moins de dix ans. « Je ne leur ai rien imposé, à l'instar de mon père Hubert il y a trois décennies, assure Hugues. Il s'agit d'un choix de vie et mes trois enfants y ont adhéré naturellement.» Les priorités du président de Rians restent à court terme la relance du canal de la restauration, suspendu avec le Covid 19, ainsi que le renforcement des nouvelles gammes de produits bio et de desserts « fabriqués en pleine campagne », comme le vante l'étiquette depuis 55 ans.

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Commentaires 4
à écrit le 26/09/2023 à 12:04
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Bonjour, je suis un grand consommateur de la Faiselle RIANS. Si ce produit est fabriqué en France, comment se fait-il que ce ne soit mentionné sur l’emballage ? La fabrication Française est une valeur ajoutée.

à écrit le 23/08/2021 à 14:21
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De Rians ou pas, avec un peu de crème liquide et du sirop de cassis ça reste un must comme on disait dans les 70"s

à écrit le 23/08/2021 à 12:15
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A tout prendre, je préfère la fromagée en faisselle d'ORVAL, plus artisanale, plus goutue,et d'une meilleure tenue. De plus, le lait pour la fabrication provient à 100 % du BERRY

à écrit le 23/08/2021 à 11:46
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On dit "en Berry" plutôt que "dans le Berry". Comme on dit "en Savoie".

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