L'automobile américaine freine des quatre fers, contre toute attente

Alors que les analystes s'attendaient à un marché en légère hausse cette année, les immatriculations sont plutôt orientées à la baisse depuis le début de l'année avec une accélération en avril. Les constructeurs pourraient avoir construit des hypothèses de croissance trop optimistes pour 2017... Ils se retrouvent avec de nombreux invendus, et ce, malgré d'importantes campagnes de promotions commerciales...
Nabil Bourassi
General Motors est parvenu à limiter les pertes grâce à la dynamique sur les SUV.

Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel... Cette maxime qui circule régulièrement sur les marchés financiers pourrait s'appliquer au marché automobile américain. Après s'être violemment effondré en 2008 sous la barre des 10 millions de voiture, ce marché était rapidement revenu à ses niveaux d'avant-crise, bien avant l'Europe. Tant et si bien qu'il avait même dépassé ses plus hauts historiques. Récemment encore, les analystes pariaient encore sur un marché soutenu cette année sans toutefois imaginer le même rythme de croissance des années de rattrapage, sans pour envisager de correction. Or, il semblerait que le marché automobile américain soit bien moins dynamique qu'attendu.

Les SUV préservent leur dynamique

Ainsi, depuis le début de l'année, le marché enregistre une baisse de 2,4% des ventes, avec une contraction de quasiment 5% en avril. Dans le détail, ce sont surtout les berlines qui souffrent puisque la baisse dépasse les 11% sur ce segment sur quatre mois, tandis que le segment des SUV et pick-up augmente de 4%, même s'il freine en avril (-0,1%).

Cette situation impact ainsi différemment les constructeurs automobiles. General Motors est relativement épargné par la contraction du marché puisque ses ventes n'ont baissé que de 1,1% sur quatre mois tandis que celles de Ford ont baissé de 5%. Cette différence traduit le poids des berlines et des SUV dans leurs catalogues respectifs. C'est également ce qui explique les difficultés de Fiat Chrysler automobiles qui voit ses ventes totales baisser de 8% sur quatre mois. Il faut dire que le groupe italo-américain compte des marques peu légitimes sur le segment des SUV comme Chrysler. En outre, sa marque Jeep, pourtant spécialisée dans les SUV, affronte des vents contraires en partie dus au renouvellement en cours du plan produit.

Ford réajuste ses effectifs

Cette situation contraint certains groupes à réajuster leurs effectifs. Ainsi Ford vient d'annoncer une baisse de 10% de ses effectifs en Amérique du Nord. Le groupe espère économiser jusqu'à 3 milliards de dollars de coûts (en ajoutant la restructuration dans les activités asiatiques).

Bertrand Rakoto, analyste indépendant basé à Détroit, n'est pas surpris par les chiffres enregistrés par le marché américain :

« Les analystes et les constructeurs américains se sont laissé déborder par leur propre euphorie. En réalité, le marché automobile américain a commencé à montrer des signes de ralentissement dès septembre dernier », explique-t-il à La Tribune.

Selon lui, la modélisation de leurs perspectives était d'emblée altérée par le fait qu'elle avait été conçue à un moment où le marché était notamment soutenu par des offres commerciales. « Ils ne se sont pas assez méfiés d'une apparente stabilité qu'ils ont eux-mêmes contribué à façonner en inondant le marché de promotions commerciales », rappelle-t-il et d'ajouter : « aujourd'hui, malgré les ristournes, les stocks ne cessent de grossir ».

Des prix en baisse pour tenter de soutenir le marché

Ainsi, General Motors fait état d'un stock d'invendus représentant 100 jours de ventes fin avril, alors que ce stock n'était que de 70 jours fin décembre... D'après les cabinets J.D Power et LMC Automotive, les ristournes ont pourtant atteint plus de 11% chez General Motors, en moyenne. Même les SUV font l'objet de baisse de prix puisque ces mêmes cabinets ont calculé que ce segment a vu ses prix baisser de 2% sur un an.

Il semblerait donc que les constructeurs ne parviennent plus à soutenir leurs ventes avec des politiques commerciales agressives. A se demander s'ils s'acharnent à chercher de la croissance là où le marché est totalement saturé. « A 17,5 millions de voitures, le marché est clairement trop haut, je pense que l'équilibre se situe plutôt aux alentours de 16,5 millions », estime Bertrand Rakoto. « Si on atteint les 17 millions de voitures cette année, ce sera déjà bien », ajoute l'analyste.

Les constructeurs pourraient donc cesser de casser les prix afin de préserver leurs marges. Celles de Ford ont déjà bien été entamées avec un premier trimestre catastrophique du point de vue de sa rentabilité (bénéfice net en chute de 35% malgré un chiffre d'affaires en hausse de 3,9%).

Le risque d'une bulle sur les crédits auto

L'autre grand dossier à surveiller et qui est potentiellement explosif est le marché des crédits auto. Le nombre de défauts est extrêmement haut. D'après Fitch Rating, il aurait même atteint un pic jamais enregistré depuis... 1996 ! Les marchés s'inquiètent d'une éventuelle bulle qui pourrait dégonfler plus ou moins brutalement, en fonction du rythme du resserrement monétaire engagé par la Réserve fédérale américaine.

Ce ralentissement du marché pourrait en outre contrarier les plans de rapatriement de production engagé par certains constructeurs automobiles, sous la pression politique de Donald Trump.

Nabil Bourassi

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Commentaires 2
à écrit le 18/05/2017 à 13:49
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A noter que Ford est en situation de faillite depuis 2 ans, ce qui explique ses decisions et la guerre des prix. Chez GM c est pire encore ce qui predit une fusion prevue de longue date avec FCA pour tenter d organiser le brouillard. Des marques anne...

à écrit le 18/05/2017 à 10:15
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la Fed de NY disait en novembre que les crédits auto sont une préoccupation majeure ("significant concern"). Bloomberg disait hier que les banques vont ralentir sur les prêts auto du fait de l'augmentation des problèmes de remboursement. article du ...

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