"L'avenir de Novares passera par une cession ou une fusion", Pierre Boulet (PDG)

ENTRETIEN. Le redressement spectaculaire de ces dernières années n'a pas empêché l’assèchement de la trésorerie de l'équipementier automobile Novares au plus fort de la crise du coronavirus au printemps dernier. Avec le soutien des banques et de ses actionnaires, le PDG est parvenu à restructurer sa dette et à se refinancer. Mais dans un contexte de concurrence exacerbée, Pierre Boulet estime que l'adossement de Novares à un industriel ou à un nouveau fonds d'investissement sera nécessaire dans les années à venir.
Pierre Boulet, PDG de Novares.
Pierre Boulet, PDG de Novares. (Crédits : Novares)

LA TRIBUNE - Malgré plusieurs années de croissance et une stratégie de repositionnement réussie, Novares a été contraint de déposer son bilan au printemps dernier... Comment en êtes-vous arrivé là ?

PIERRE BOULET - Novares était tout à fait prêt à affronter un ralentissement de marché, puisque ce scénario était écrit dans toutes nos prévisions de marché dès la mi-2019. Mais la crise du coronavirus a précipité, et surtout amplifié les choses, au point que notre groupe s'est retrouvé avec 40 usines arrêtées sur 44 dès la fin mars. Perdant 4 millions d'euros de facturation par jour, nous avons immédiatement identifié les difficultés de trésorerie à venir pour assurer le redémarrage de nos usines. Les premières étapes du processus d'obtention du prêt garanti par l'État [PGE, ndlr] et les premiers échanges avec nos banques et nos actionnaires sont rapidement apparus incompatibles avec le planning de reprise des livraisons à nos clients. C'était donc essentiellement un problème d'agenda que j'ai décidé de résoudre fin avril en choisissant de placer la holding du groupe en redressement judiciaire, avec obligation pour toutes les parties de trouver une solution sous 30 jours. C'est ce qui a été fait puisque nous avons pu proposer au Tribunal de Commerce de Nanterre un plan de continuation signé par toutes les parties, 29 jours après le début de la procédure. Ce plan a eu pour conséquence la restructuration de notre dette bancaire de 261 millions d'euros, l'obtention d'un refinancement de 146 millions d'euros dont 71 millions d'euros de PGE et 75 millions d'euros auprès de nos actionnaires, et le redémarrage de toutes nos usines dans le courant de Juin 2020.

En optant pour le redressement judiciaire, vous preniez le risque de vous faire racheter, et d'ailleurs, plusieurs groupes se sont montrés sérieusement intéressés...

Ce n'était pas un risque, c'était au contraire une option sur laquelle nous avons beaucoup travaillé, car elle était de nature à favoriser la manifestation d'une solution rapide. Le véritable tour de force fut d'ailleurs d'obtenir six offres de rachat dont quatre crédibles sur l'ensemble du groupe en 15 jours, alors qu'il n'était possible d'organiser ni visite de site, ni réunion physique.

Selon vous, l'avenir de Novares passera par une absorption par un autre groupe ?

Notre actionnaire majoritaire actuel, le fonds Equistone, a toujours été ouvert au fait d'étudier toute proposition de cession. Cela fait bientôt cinq années qu'il accompagne le développement de Novares, en soutenant nos projets d'innovation et nos décisions d'expansion internationale avec le rachat des sociétés américaines Key Plastics en 2016 et MPC en 2019. Il est donc très probable que « quelque chose » se produise dans les années à venir. Ce pourra donc être une cession à un autre fonds, à un industriel, une fusion, ou toute autre solution, pour autant que cela permette la poursuite du développement du groupe.

Pourtant, Novares a su se positionner sur des produits à forte valeur ajoutée avec un portefeuille client diversifié. Pourquoi remettre en cause votre indépendance ?

Le marché est très concurrentiel et il l'est de plus en plus. Même en enregistrant une croissance de 5% à 7% par an, il faudra beaucoup de temps pour atteindre une taille critique de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Le concept d'indépendance est de toute façon relatif lorsqu'on appartient à un fonds d'investissement.

Vous n'avez pas confiance en l'avenir ?

Nous restons résolument optimistes et prudents, d'autant plus avec la crise sanitaire actuelle. Notre programme d'innovation n'est pas modifié, nous avons largement limité la baisse de nos effectifs grâce aux dispositifs de chômage partiel, notamment en France, et nous restons très attentifs à l'évolution des volumes. La Chine est encore plus forte que l'année dernière, le marché américain est resté stable, et l'Europe est en baisse raisonnable. Nous considérons que la voiture ressortira renforcée de cette séquence sanitaire. Il y aura bien sûr des évolutions, et nous travaillons beaucoup sur la génération d'après, c'est là que se jouera l'avenir. Selon moi, cette crise ne change pas la tendance de fond d'un secteur qui continuera à croître les prochaines années, et nous nous tenons prêts à y répondre.

Lire aussi : Automobile: qui va sauver le français Novares ?

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Commentaire 1
à écrit le 03/12/2020 à 18:30
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Cession ... aux chinois, ou aux turcs ?

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