Automobile : qui va sauver le français Novares ?

L'équipementier automobile français qui emploie 12.000 personnes dans le monde a été placé en redressement judiciaire, victime de la chute des commandes d'un secteur automobile durement frappé par la crise du coronavirus. Novares échoue de nouveau au tribunal de commerce huit ans après y avoir été une première fois déposé, malgré une mue réussie dans l'innovation et l'internationalisation.
Nabil Bourassi
(Crédits : DR)

C'était probablement l'une des plus belles success story de cette dernière décennie dans le secteur automobile français. L'entreprise spécialiste des pièces en plastique pour les moteurs, les tableaux de bord ou l'extérieur des voitures qui avait frôlé la faillite pendant la crise des subprimes était parvenue non seulement à renaître mais avait pris une nouvelle envergure et ambition au point de devenir un acteur industriel majeur en Europe et aux Etats-Unis à coup d'acquisitions tout en se repositionnant sa stratégie sur l'innovation.

115 millions d'euros avant fin mai

Mais la crise du coronavirus a totalement cassé cette dynamique, au point que Novares, lesté d'une dette considérable (400 millions d'euros), a été contraint de se mettre sous la protection du tribunal de commerce de Nanterre le 24 avril dernier. Les repreneurs ont jusqu'à ce mercredi pour déposer une offre. Le PDG, Pierre Boulet, a indiqué que Novares devait impérativement trouver 115 millions d'euros avant la fin mai pour assurer la trésorerie de l'entreprise.

Pour l'heure, les actionnaires (le fonds Equistone à 71% et BPI France à 15%) ont consenti à apporter 45 millions d'euros de prêts afin de pourvoir à une partie du cash immédiatement nécessaire. Une demande de prêt garanti par l'Etat est en cours auprès des banques pour compléter les 70 millions manquants. Les discussions se poursuivent mais les banques semblent exiger une recapitalisation de Novares afin de ne pas alourdir sa dette.

Pierre Boulet a rappelé que près de 40 usines sur 45 étaient fermées du fait de la crise du coronavirus qui a provoqué la fermeture de l'ensemble des usines automobiles européennes, américaines et chinoises. Soit autant de revenus en moins pour cette entreprise. Novares c'est 12.000 salariés dans le monde dans 22 pays, dont 1.350 en France.

L'ancien Mecaplast totalement transformé

C'est un sévère retour de bâton pour l'équipementier qui s'était déjà retrouvé au tribunal de commerce en 2012. A l'époque, l'entreprise qui s'appelait encore Mecaplast affrontait une grave crise de trésorerie, et consommait près de 200.000 euros par jours pour un chiffre d'affaires de 660 millions d'euros. Pierre Boulet arrive alors et décide de réorganiser une entreprise encore configurée autour de silos d'ingénieries totalement hermétiques et qui n'avaient pas su investir ni dans l'innovation, ni même dans l'appareil de production. "Mecaplast engrangeait des commandes sans pouvoir financer leur production, tant et si bien qu'en 2010 et 2011 notre carnet de commandes représentait près de 150% de ce que nous étions capables de produire", expliquait Pierre Boulet, rencontré par La Tribune, quelques mois avant la crise du coronavirus.

Celui-ci a décidé de restructurer l'entreprise et de mettre au coeur de la stratégie de l'entreprise l'innovation afin d'aller chercher de la valeur ajoutée. En 2014, il présente SMT1, un concept car qui présente toutes les innovations de Novares. Ce modèle fait le tour du monde des clients: "c'est plus parlant qu'un Power Point", résume Pierre Boulet. En 2017, il présente SMT2. Entre temps, il a racheté le groupe américain KeyPlastic qui lui permet d'acquérir de nouvelles innovations, mais également de planter son drapeau sur le deuxième marché automobile du monde. C'est en mars 2018, que la société enfin rebaptisée présente la Novacar et suscite une véritable dynamique d'intérêt de la part des clients.

A l'instar d'un Valeo, Novares est parvenu à transformer son entreprise en la recentrant sur l'innovation et pas seulement sur de la simple fourniture de pièces plastiques. Pour conforter cette stratégie d'innovation, Novares lance en février un incubateur doté d'une enveloppe de 50 millions d'euros et qui permet d'investir dans quatre start-up. Enfin en février 2019, il rachète MPC et se renforce encore aux Etats-Unis.

ETI innovante

En 2018, Novares a enregistré un chiffre d'affaires de 1,4 milliard d'euros, soit plus du double de celui enregistré en 2012, et consacre 5,4% de ses recettes à la R&D à travers seize sites dédiés. "Nous sommes la cinquième ETI française en termes de dépôts de brevets", revendiquait non sans fierté Pierre Boulet. Cerise sur le gâteau, Novares enregistrait une marge opérationnelle supérieure à 9%, d'après la direction, rejoignant les standards des grands équipementiers automobiles rompus au modèle d'industrie technologique comme Valeo ou Faurecia.

La seule entorse du parcours de Sphynx de cet ancien condamné, a probablement été le double raté de l'introduction en Bourse. Le premier en 2017 un partenaire chinois conteste les chiffres livrés par Novares dans le document certifié par l'AMF, de sa joint-venture initialement nouée par KeyPlastic. Après avoir cette fois validé les comptes, Novares tente une nouvelle IPO en février 2018 et espère lever 300 millions d'euros. Cette fois, ce sont les conditions de marché particulièrement défavorables qui auront raison de cette initiative. Pierre Boulet parvient néanmoins à obtenir les fonds attendus à travers un pool bancaire.

Novares se retrouve une nouvelle fois au tribunal de commerce, mais ce n'est évidemment plus la même entreprise qu'en 2012: plus grosse, plus innovante, plus structurée, plus internationale. Une proie de premier choix... Pour un groupe étranger ?

Nabil Bourassi

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 15
à écrit le 12/05/2020 à 13:57
Signaler
L'origine et la "part" françaises de Novares ne sont plus qu'un très très lointain souvenir. Qui s'en souvient encore ?

à écrit le 12/05/2020 à 11:45
Signaler
Pour sauver l'industrie en general et des sous traitants vous devez premieremen vendre vos automobiles.Par exemple pourquoi en Wallonie ou en Suisse Romande la police utilise des voitures allemandes ou japonais.Vous les francais n'utilisez pas tout l...

le 12/05/2020 à 13:55
Signaler
Oh là oh là, mon ami, c'est un peu plus compliqué que cela. Et si nous parlions des distorsions de concurrence et de marchés au sein de l'UE avec la volonté de ne pas harmoniser la fiscalité et les travailleurs détachés, bulgares entre autres, escl...

à écrit le 12/05/2020 à 11:44
Signaler
Il faut espérer que ce soit des fonds privés, les Français auraient augmenté leur bas de laine de 55 milliards pendant le confinement, alors un petit effort. Pourquoi ne pas lancer un emprunt obligatoire et obligataire d'Etat , comme pour la séc...

à écrit le 12/05/2020 à 11:18
Signaler
Pour sauver Novares, aux origines Monégasques, peut être que l'ultra riche Monaco peut faire un effort ... Pour sauver l'industrie en général, il convient de taxer lourdement les importations venant de loin, d'asie, du maroc, de la turquie, de la ...

le 12/05/2020 à 20:16
Signaler
@ Evidence ; 112000 emplois dans le monde et 1200 en France...Pour moi ce n'est pas un pb Français . Aux autres pays de s'en préoccuper .

à écrit le 12/05/2020 à 9:31
Signaler
Qui va sauver Novares ? Mais la reponse est dans la question. L'etat est la pour pourvoir les entreprises les pieds dans le cambouis, les contribuables savent tres bien qui va payer l'ardoise. Le secteur auto va mourir de ses exces, qu'importe, on ...

à écrit le 12/05/2020 à 9:29
Signaler
Économie sous perfusion, que l'Etat soit obligé de l'alimenter abondamment avec l'argent public via ces primes à la casse, faussant encore une fois le marché de l'offre et de la demande, n'était déjà pas bon signe. Et toujours aucun constructeur ...

à écrit le 12/05/2020 à 9:21
Signaler
@11 libre Oui il faudrait ré-industrialiser en France, mais avec quelle demande de consommateurs en face? Avec quelles commandes? Cela va être très compliqué. Et en parallèle il faudrait rendre cette ré-industrialisation compétitive, c'est à dire la...

le 12/05/2020 à 13:51
Signaler
... Et la concurrence intra-europeenne,savamment entretenue par l'UE ultralibérale et mondialiste.

le 12/05/2020 à 23:45
Signaler
véritable stratégie française* pas européenne.

à écrit le 12/05/2020 à 8:46
Signaler
C'était un faux géant hissé sur des échasses de dette, combien y a-t-il de ces "réussites" en France ? Nous allons vers les 20 % de chômage vitesse grand V et le secteur automobile ne va pas tenir, avec ses modèles surdimensionnés trop chers et trop ...

à écrit le 12/05/2020 à 8:03
Signaler
Il faut faire le max pour sauver les équipement ers automobiles français et rapatrié les équipements de fabrication electroniques. Trump veut relocaliser ses fabrication des processeurs et microprocesseurs. Notre dépendance à l'Asie est beaucoup trop...

le 12/05/2020 à 9:38
Signaler
@ 11 libre. Je ne voudrai pas doucher votre optimisme, mais avec la recession qui s'annonce, je ne vois pas qui va etre volontaire pour rapatrier en France. Ce qui est dehors va le rester. Vos politiques depuis + de 30 annees ont vendus a tour de ...

le 12/05/2020 à 13:29
Signaler
Toutes les factures que les boomers ont créés vont devoir être règlées tôt ou tard, mais l'échéance se rapproche un peu chaque jours.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.