C'est un exemple de réussite de R&D et d'optimisation des méthodes de management. Après des années de travail, Yann et Jean-François Brazeau ont trouvé la bonne formule pour maximiser les performances de leur atelier de reconditionnement de véhicules avant de fonder la startup Stimcar, à Couëron, dans la banlieue de Nantes. Le quatrième constructeur automobile mondial, Stellantis, entre au capital à hauteur de 60%.
Inédit, ce concept permet de réduire les délais de livraison d'un véhicule d'occasion de 90 (45 jours en moyenne) à 6 à 10 jours pour les concessionnaires automobiles. « Du jamais vu », estime Yann Brazeau, qui a roulé sa bosse quinze ans chez Stellantis, six ans chez Toyota au Japon avant d'entrer au comex d'Aramis Auto, leader de la vente de voitures neuves et d'occasion. Il y a fondé la première usine de reconditionnement de véhicules.
Mais « ce qui manquait, c'est la digitalisation des process et l'application des nouvelles méthodes de travail et de management », affirme Yann Brazeau, inspiré par le modèle de Toyota. Pour aller plus loin, l'expert en reconditionnement lâche l'industrie, se rapproche de son frère, informaticien chez CapGemini et le spécialiste de la modélisation de systèmes complexes Obeo et fonde RefitNgin, une société de conseil auprès de distributeurs automobiles (importateur suisse Emil Frey...) pour créer des usines de reconditionnement en France et réfléchir à leur propre modèle.
Un process industriel novateur
Très vite, l'idée prometteuse des frères Brazeau est sélectionnée par l'incubateur des écoles Centrale-Audencia-Ensa, à Nantes. Ce dernier va leur apporter les moyens de se structurer financièrement, juridiquement, d'éviter les écueils des jeunes pousses et de se rapprocher de jeunes diplômés et de chercheurs.
« Industrialiser ce process est très complexe. D'abord parce que, contrairement à un constructeur, qui travaille sur un même modèle, ici chaque voiture est unique, différente... Les travaux ont porté sur les manières d'écraser cette variabilité due à la mécanique, aux carrosseries, aux peintures, aux usures et de gérer ces aléas. C'est là, le véritable enjeu. Mais ce n'est pas que de l'IT, le problème du reconditionnement, c'est qu'il se casse les dents s'il repose sur les pratiques traditionnelles de l'automobile. Il impose d'avoir des méthodes de management où l'on privilégie la responsabilité, l'autonomie et les poly-compétences. Notre vision, c'est de faire grandir les gens. Et nous n'avons d'ailleurs recruté aucun chef d'équipe, en préférant la promotion interne», précise Jean-François Brazeau.
Accélérer les rotations dans les concessions
En 2019, PSA Retail (Stellantis) qui avait sollicité le duo pour monter une usine de reconditionnement entre Nantes et Rennes, lui confie, finalement, le local d'une ancienne concession automobile près de Nantes pour roder le concept. Stimcar ouvre, en février 2020, un mois avant le premier confinement. Au lieu des traditionnels 15.000 véhicules reconditionnés sur 5000 m², la startup promet de traiter une flotte 8.000 à 9.000 véhicules sur 1.000 m² par an. Soit cinq à dix plus rapidement qu'ailleurs.
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Chaque véhicule est ausculté. Une liste de préconisation, à faire ou non, est établie selon l'état et le kilométrage de la voiture. La prestation, réparation comprise, reviendrait en moyenne à 400 euros par véhicule, auquel on fournit une fiche technique, les réparations réalisées, une photo à 360°.... Une transparence devenue nécessaire pour des véhicules vendus essentiellement en ligne. « Sur un marché de l'occasion qui explose, c'est un moyen d'accélérer les rotations dans les concessions et d'alléger la pression financière de véhicules immobilisés », note Yann Brazeau.
Stellantis monte à bord
Un an après le lancement de Stimcar, qui emploie aujourd'hui cent personnes dont cinquante à Nantes, un distributeur bordelais proposait un bâtiment pour déployer le concept à Bordeaux. Même demande, en mai 2021, à Toulouse, cette fois.
Au delà de la prise de participation, Stellantis a promis une charge de travail de 100.000 véhicules à Stimcar. La jeune-pousse aurait été sollicitée par de nombreux industriels, désarmés face aux flottes de V.O. Recapitalisée, la startup, qui n'est soumise à aucune exclusivité, vise désormais l'ouverture d'un réseau de douze ateliers de reconditionnement en France en 2022. Un investissement moyen de 600.000 euros que Stellantis se serait engagé à accompagner. Ni le chiffres d'affaires de Stimcar, ni l'investissement de Stellantis ne sont communiqués.
« Le développement du VO est une priorité stratégique long terme pour Stellantis, et pour le groupe de distribution Stellantis &You, Sales and Service. Nous avons identifié Stimcar comme le meilleur acteur indépendant du domaine de reconditionnement VO, levier essentiel de la création de valeur dans le commerce VO. (...) cet accord crée les conditions de notre indépendance stratégique en matière de reconditionnement VO, tout en permettant à Stimcar de poursuivre de façon autonome un développement ambitieux, selon un modèle de partenariat qui a déjà fait ses preuves », déclare Marc Lechantre, Senior vice-résident Pre-Owned vehicles Business Unit.
Dès 2023, Stimcar projette de s'implanter en Espagne, au Portugal, en Italie et en Allemagne. « Les ventes de V.O explosent un peu partout dans le monde. Face au développement des véhicules électriques ou hybrides qui génèrent très peu de marges pour les constructeurs, les V.O et le réemploi sont devenus stratégiques », observent les co-fondateurs de Stimcar, eux aussi friands de réemploi et de seconde main pour les pièces de rechange, qui se disent « finalement assez peu concernés par la pénurie de composants électroniques, touchant plutôt les véhicules neufs.»
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