8% du marché automobile, la voiture électrique ? Les chiffres du mois de janvier ont fait exulter les constructeurs automobiles tout heureux d'annoncer cette incroyable percée de la voiture électrique qui avait jusqu'ici plafonné à 2% des ventes. D'aucuns proclamaient que le marché européen avait enfin basculé dans l'électromobilité.
Des chiffres pas significatifs
Il fallait pourtant revenir sur une vicieuse mécanique de chiffres. D'un côté, les concessionnaires ont immatriculé un maximum de voitures thermiques en décembre, ce qui a réduit leur proportion en janvier. D'un autre côté, les constructeurs ont repoussé les livraisons de voitures électriques au mois de janvier afin de les faire figurer dans l'exercice 2020, celui qui inaugure les nouveaux objectifs CO2. "Le début d'année n'est pas réellement significatif, il faudra attendre le deuxième trimestre pour avoir une meilleure visibilité sur la tendance réelle", confirme José Baghdad, responsable du secteur automobile chez PwC.
Pourtant, les constructeurs vont continuer à assurer la promotion de la voiture électrique... A dessein bien entendu, contraints par ces objectifs qui leur promet une amende de 95 euros par gramme de CO2 supérieur à 95 grammes et par voiture. Des milliards d'euros d'amendes si on en croit une étude Jato qui avait transposé cette réglementation aux ventes 2018. Renault lance une Twingo électrique, tandis que Peugeot accélère avec ses 208 et 2008 électrique. Volkswagen déroule son plan électrique avec l'arrivée imminente de l'ID3 qui sera suivie par l'ID4, un SUV électrique présenté début mars. Chez Fiat aussi on s'y met enfin, avec l'arrivée d'une Fiat 500 électrique. Chez les premiums aussi l'offensive est réelle. Mercedes a lancé l'EQC l'an passé, et Audi son E-Tron. BMW arrive avec une nouvelle gamme pour compléter sa vieillissante I3. Bref, les consommateurs auront l'embarras du choix... Mais est ce que cela suffira ? D'après une étude Deloitte, 8% des Français affirment que leur prochain achat sera une voiture électrique... Cela peut paraître peu, en réalité, c'est un doublement en un an... Preuve qu'il y a bien quelques choses qui se passe.
Qu'est ce qui coince alors ? Car pour José Baghdad, le marché de l'électromobilité reste encore largement dépendant des incitations des Etats et des constructeurs. "Tous les pays où la voiture électrique a émergé ont fait l'objet d'une politique d'incitation forte", souligne-t-il. Pourtant, l'autonomie des voitures électriques a été doublé en deux ans de sorte qu'elle correspond désormais aux usages du quotidien sans passer par la case recharge pendant plus de cinq jours. En outre, les taux d'intérêts très bas ont permis de développer des formules de financement LLD, beaucoup plus pertinents car ils combinent le coût d'achat et le coût d'usage. A ce propos, José Baghdad estime que la voiture électrique va probablement accélérer ce mode de financement, voire changer le rapport à l'automobile: "ce type de financement va accélérer l'idée qu'il n'est plus utile d'être propriétaire de sa voiture pour consommer de la mobilité".
L'infrastructure de recharge, gros point noir
Il existe un gros point noir qui est l'infrastructure de recharge. La suspension du réseau Corridor annoncée le 28 février, (un réseau de bornes de charge rapides sur les grands axes autoroutiers) a suscité beaucoup d'inquiétudes. Pour Frédéric Renaudeau, fondateur de Zeplug, leader des bornes de recharge à domicile, le sujet n'est pas posé de la bonne façon. "C'est l'histoire de l'oeuf ou la poule, en France, on est assez bon contrairement à ce qui est dit... Notre réseau de bornes électrique est supérieur à celui disponible en Norvège. La question n'est pas tant sur le nombre de bornes, mais sur la pertinence de leur localisation qui reste le domicile. De ce point de vue, il existe effectivement un gros frein".
Autrement dit, les réunions de copropriété restent les principaux points de blocage. Mais la Loi d'Orientation des Mobilités, la fameuse LOM, a fait sauter ce verrou en empêchant tout syndic de s'opposer à l'installation d'une borne de recharge électrique. D'autant qu'il existe désormais des formules tout compris pour disposer d'une infrastructure à prix coûtant: un abonnement entre 20 et 30 euros par mois chez Zeplug. Ainsi, les planètes sont assurément toutes alignées pour que la bascule du marché s'accomplisse...
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