Immobilier : Hervé Legros (Alila), le franc-tireur du logement social

À L'AFFICHE- Dans la matinée du 16 janvier, le président-fondateur d'Alila, promoteur immobilier spécialisé dans le logement social et intermédiaire, a été placé en garde à vue. Dans l'écosystème, le personnage est réputé pour son franc-parler, quitte à déplaire.
(Crédits : La Tribune)

Il revendique d'être dans le Top 10 des promoteurs immobiliers, à moins de 40 ans - il les aura le 6 avril -, et fait partie de ces professionnels de la « fabrique de la ville » qui n'ont pas la langue dans leur poche. Après un CAP de plomberie, son seul diplôme qu'il brandit en étendard, puis des débuts de carrière dans l'immobilier commercial dans sa ville natale de Lyon, Hervé Legros joue à fond le mythe du « self made man », rappelant volontiers qu'il ne lui aura pas fallu plus de huit mois pour lancer une, puis deux agences immobilières. La première pierre de son modèle actuel sera, elle, posée en 2003 avec la création de sa société de promotion immobilière HPL, qui visait à « dénicher des terrains inexploités afin de bâtir des maisons groupées ». Avant de se spécialiser dès 2007 dans le logement social, martelant très vite à ses homologues que « le logement social ne se construit pas pour des investisseurs qui cherchent un produit de défiscalisation. »

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Dans la matinée du 16 janvier, le président fondateur d'Alila, ainsi que son épouse, Géraldine Mazier, directrice régionale Auvergne-Rhône-Alpes et directrice juridique France du groupe, ont été placés en garde à vue pour des faits de harcèlement moral et d'abus de biens sociaux, selon le parquet de Lyon cité par l'AFP. Des perquisitions ont eu lieu au siège de l'entreprise ainsi qu'à leur domicile. Aucune information supplémentaire n'a pour l'instant filtré.

Le lendemain, le couple a fait savoir, par communiqué, qu'ils « avaient pleinement coopéré avec les autorités » avant de retourner au siège « rassurer les équipes du groupe et en poursuivre le développement ».

De ses débuts à Lyon, l'entrepreneur se dit aujourd'hui implanté dans dix régions, via des antennes à Annecy, Bayonne, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Montpellier, Nantes, Orléans, Paris, Strasbourg et Tours. Écouté sur la scène locale et nationale, il n'hésite jamais à attaquer les bailleurs sociaux - ses clients -, les maires - qui délivrent les permis de construire -, et les promoteurs - ses confrères. Tant et si bien qu'écrire un article dans lequel il est cité ou publier une interview, c'est s'exposer - le dimanche matin ! - à un coup de téléphone d'un grand dirigeant d'une société cotée.

« Les promoteurs sont responsables de l'image fausse du logement »

Et pour cause, l'écouter parler, c'est l'entendre asséner que « les promoteurs sont responsables de l'image fausse du logement ». « Ils ont financiarisé le secteur. Ce n'est pas avec une énième loi de défiscalisation qu'on résoudra la crise du logement ! », assène-t-il à l'envi. D'autant que l'ensemble du secteur est un « bordel » dans lequel « il faut remettre de l'ordre ». Sans oublier le président Macron « qui ne s'intéresse pas au logement » - mais à qui il envoie des notes quand même.

Car au-delà des petites phrases, le promoteur sait aussi faire preuve d'audace et d'imagination. Il défend par exemple une loi SRU « à l'envers ». La loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) de 2000 impose, pour certaines communes, de disposer d'un nombre minimal de logements sociaux, proportionnel à leur parc résidentiel.

Dans son esprit, il ne s'agit pas d'arrêter de produire du logement social et intermédiaire (85% de son activité), mais d'instaurer des quotas pour tous types de logement dans les grandes villes, c'est-à-dire là où la demande est supérieure à l'offre.

« Dans la métropole de Lyon, 14.000 logements ont été produits en 2017 contre 2.900 en 2021, et ce, alors que 14.000 à 15.000 personnes arrivent chaque année sur ce territoire. Je plaide donc pour une SRU à 75% de logements en accession libre », explique-t-il.

Une communication offensive aussi à Lyon

Dans son fief lyonnais, le promoteur évoque en effet des « querelles politiques », à tel point que, malgré l'objectif ambitieux affiché par le nouvel exécutif écologiste de relancer la construction de 6.000 logements accessibles par année à l'échelle du mandat en cours, « certains élus de la métropole ne jouent pas le jeu et prennent en otage les ménages qui ont besoin d'un logement ».

Sur la scène nationale, il affirme « défendre les maires » et « comprendre les problématiques de création d'écoles et d'infrastructures », mais, chassez le naturel, il revient au galop. La maire d'Ormesson dans le Val-de-Marne qui a fait signer à sa population des pétitions contre ses opérations malgré l'avis favorable du préfet de département ? « Il faudrait des sanctions financières ! » Le maire de Villemomble en Seine-Saint-Denis qui pose des plots devant les chantiers ? « Au bout d'un moment, il faut le destituer ! »

Un équilibre entre le logement social et d'autres activités

Alors qu'il connaissait une croissance ininterrompue depuis sa création, le promoteur aura cependant connu un léger coup de frein de son chiffre d'affaires de 733 millions d'euros, lors de son dernier exercice en 2021 (soit - 2,79% par rapport à 2020), acté néanmoins de plein gré au quatrième trimestre avec le retrait de plusieurs opérations « jugées trop coûteuses ». Hervé Legros avait en effet veillé à protéger fermement la rentabilité du groupe qu'il a bâti de toutes pièces, avec un résul­tat net qui atteignait encore selon lui « plusieurs dizaines de millions d'eu­ros ».

Pour celui qui n'a de cesse d'appeler à « un grand plan Marshall du loge­ment », tout est en effet question d'équilibre entre son cœur de métier qui demeure le logement social, et les à-côtés développés dans le domaine de l'ac­ces­sion libre (qui atteint jusqu'à 10% de sa production) et du loge­ment inter­mé­diaire (environ 25%).

De fait, du haut de ses quasi 2 mètres, le promoteur n'a pas peur d'affronter quiconque se met en travers de son chemin. Et, en tant que promoteur quasi exclusivement tourné vers le logement social, il continue de bâtir lui-même sa propre légende, en se définissant lui-même comme « un Robin des bois des temps modernes ».

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