Régulation des meublés touristiques : le Parlement pousse des propositions concrètes au gouvernement

Face à l'actuelle crise du logement, trois députés de trois groupes politiques différents : le socialiste Iñaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques) et l'écologiste Julien Bayou (Paris) - et un de la majorité - l'Horizons Christophe Plassard (Charente-Maritime) - viennent de dévoiler sept propositions visant à encadrer les locations touristiques de courte durée. Sollicité par La Tribune, le ministre Olivier Klein, qui dévoilera bientôt les conclusions du Conseil national de la refondation dédié à l'habitat, fait un premier pas vers ces parlementaires.
César Armand
« Toute initiative visant à réguler la spéculation immobilière dans les territoires aura notre soutien », a affirmé Sébastien Jumel, de la Gauche démocrate et républicaine.
« Toute initiative visant à réguler la spéculation immobilière dans les territoires aura notre soutien », a affirmé Sébastien Jumel, de la Gauche démocrate et républicaine. (Crédits : Charles Platiau)

C'est à n'y rien comprendre. Depuis la campagne présidentielle, associatifs, grands patrons, économistes, responsables politiques locaux et nationaux multiplient les prises de parole et les rapports pour alerter sur la « bombe sociale » à retardement de la crise du logement. Le ministre dédié Olivier Klein doit prendre la parole le 9 mai prochain pour présenter « une vingtaine », selon l'AFP, de propositions tirées des travaux du Conseil national de la refondation (CNR), mais les mauvais chiffres, trimestre après trimestre, de la construction neuve et de l'immobilier ancien montrent qu'il y a déjà urgence.

Dans ce contexte, trois députés de trois groupes politiques différents de l'Assemblée nationale, soutenus par un sénateur LR, viennent de dévoiler sept propositions visant à « encadrer les locations touristiques de courte durée ». Autrement dit, trouver des solutions pour maintenir un parc de logements accessible aux locaux, particulièrement dans la capitale et sur les littoraux, aujourd'hui largement capté par les sites types Airbnb, Abritel ou Booking.

Lire aussiCrédit immobilier : le taux moyen franchit la barre des 3% en mars

Une proposition de loi portée en février mais jamais examinée...

Dans le sillage d'une proposition de loi portée en février dernier par le groupe PS du Palais-Bourbon, mais jamais examinée, le socialiste Iñaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques), avec l'écologiste Julien Bayou (Paris), l'Horizons Christophe Plassard (Charente-Maritime) et le Républicain Max Brisson (Pyrénées-Atlantiques), plaident  pour la suppression de la niche fiscale dont bénéficient les locations saisonnières de meublés touristiques de longue durée. Encouragée par des mesures de défiscalisation des investissements et/ou des revenus de la location, la création de meublés, notamment de tourisme, ou de résidences de tourisme, bénéficie d'un abattement de 71% tant que les recettes n'excèdent pas 176.200 euros par an, comme le rappelle le site des impôts.

« Il ne s'agit pas de pénaliser les petits propriétaires de petites maisons aux petits revenus qui sont loin d'être des riches propriétaires fonciers », a tempéré le député de la majorité Christophe Plassard, lors d'un petit-déjeuner de presse ce 2 mai.

Des inspecteurs généraux de trois administrations mandatés sur « l'attrition des résidences principales dans les zones touristiques » recommandent, depuis mi-mars, d'accélérer « l'extinction définitive » des incitations fiscales en faveur des meublés de tourisme, mais le gouvernement renvoie au groupe de travail lancé en novembre dernier et qui doit rendre ses conclusions avant l'été 2023. Autrement dit, pour venir nourrir le projet de loi de finances 2024 qui arrivera à l'automne prochain en Conseil des ministres. Toujours est-il que dans l'intervalle et selon nos informations, cette suggestion, pas encore arbitrée en haut lieu, trouve déjà écho dans les couloirs de l'exécutif.

Lire aussiImmobilier : le gouvernement songe à revoir la fiscalité des meublés touristiques

Vers une réforme globale de la fiscalité sur les résidences secondaires ?

Plus généralement, les députés Echaniz, Bayou et Plassard ainsi que le sénateur Brisson poussent à une réforme de la fiscalité portant sur les résidences secondaires. Sauf en cas de difficultés financières aggravées par la crise énergétique, les édiles rechignent à augmenter la taxe foncière, car ils ne souhaitent pas léser leurs habitants propriétaires qui vivent à l'année. Interrogé ce 2 mai lors des questions au gouvernement par le député (Liberté, indépendants, Outre-Mer et Territoires-LIOT) de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva, le ministre du Logement, Olivier Klein, a promis, l'extension, « dans quelques semaines », du nombre de communes autorisées à majorer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. « La liste est en cours d'élaboration et sera bientôt communiquée. On va passer de 1.000 à 4.000 communes concernées » déclare, à La Tribune, le ministre Olivier Klein.

« C'est un sujet de santé et d'attrait de médecins, mais aussi de développement économique pour attirer les cadres et les investisseurs. Dans ma circonscription, j'ai beaucoup de PME dont les patrons partent à la retraite. Sauf que faute de pouvoir loger ses salariés, une entreprise vient de se délocaliser », a martelé Christophe Plassard (Horizons, Charente-Maritime)

Quid des passoires thermiques toujours disponibles sur les plateformes ?

Troisième idée-phare des quatre parlementaires : l'interdiction sur les plateformes touristiques de la location des passoires thermiques, ces logements qui consomment trop d'énergie et qui laissent entrer le froid en hiver et le chaud en été. Depuis le 1er janvier 2023, les pires habitats sont déjà exclus à la location traditionnelle, suivis des logements classés G, F et E en 2025, 2028 et 2034. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ces logements peuvent encore être proposés à la location de tourisme. Dès octobre 2023, le ministre du Logement, Olivier Klein, avait promis de les intégrer à la prohibition, mais le décret d'application se fait toujours attendre... Aujourd'hui, le représentant du gouvernement Borne promet, auprès de La Tribune, une mesure intégrée à la proposition de loi du groupe Renaissance visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, déposée le 28 avril, à la suite d'un rapport en ce sens. « J'y suis absolument très attentif », confie-t-il.

Quatrième piste : mettre en œuvre un « agrément meublé de courte durée », c'est-à-dire faire certifier par un organisme extérieur la conformité du logement à un usage locatif de courte durée. Cinquième : réduire de 120 à 90 le nombre de nuitées autorisées pour la location de sa résidence principale et étendre cette règle aux résidences secondaires. Rien que dans le troisième arrondissement de Paris, a illustré le député EELV Julien Bayou, 2.600 logements sont en ligne sur les plateformes touristiques, contre 55 à louer sur le marché traditionnel. Un écart de 1 à 30 « catastrophique » selon le parlementaire.

Le rapport de l'Assemblée sur les zones tendues sera-t-il suivi ?

Sixième levier et non des moindres: accroître l'autonomie de régulation pour les collectivités, « meilleur échelon pour réaliser les arbitrages entre politiques du tourisme et du logement, en première ligne face aux réglementations et aux contrôles », insistent les parlementaires. Par exemple, les élus locaux doivent « avoir les moyens » d'exiger les documents nécessaires pour vérifier les demandes de changement d'usage, c'est-à-dire lorsque des bureaux/commerces/locaux d'activité sont transformés en habitats.

Ultime demande : le renforcement de la lutte contre les pratiques frauduleuses pour favoriser l'accès au logement et lutter contre l'augmentation des prix en zones tendues. Lors des questions au gouvernement ce 2 mai, le ministre Olivier Klein a salué la proposition de loi du groupe Renaissance visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, déposée le 28 avril, à la suite d'un rapport en ce sens. Sans attendre l'inscription de ce texte à l'ordre du jour au Palais-Bourbon, les députés appellent à s'attaquer aux baux mobilités « illégaux », c'est-à-dire à ses contrats locatifs courts que certains bailleurs dévoient en virant leurs locataires juste avant la haute saison. « Des personnels soignants sont obligés de dormir dans leur voiture l'été », a témoigné le député PS des Pyrénées-Atlantiques, Iñaki Echaniz. Mais aussi aux congés pour ventes « abusives », en réalité fléchés vers la location touristique plutôt que la location traditionnelle.

Les autres groupes politiques prêts à suivre leurs collègues

Dans le sillage de ce petit-déjeuner de présentation de cette plateforme de propositionsqui pourrait faire l'objet d'une loi la semaine du 12 juin en semaine transpartisane à l'Assemblée nationale, les groupes politiques du Palais-Bourbon tenaient leur conférence de presse hebdomadaire. Sollicités par La Tribune, les autres partis semblent prêts à les suivre. « Toute initiative visant à réguler la spéculation immobilière dans les territoires aura notre soutien », a affirmé Sébastien Jumel, de la Gauche démocrate et républicaine, ex-maire de Dieppe (Seine-Maritime). « Nous sommes preneurs de toute démarche tant qu'on ne véhicule pas de rustine », a renchéri son collègue (Liberté, indépendants, Outre-Mer et Territoires-LIOT) de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva, auteur d'une question au gouvernement ce 2 mai.

Reste désormais à savoir ce dont le gouvernement accouchera le 9 mai lors de la restitution du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au Logement... D'ici là, le ministre Olivier Klein, qui n'a « pas assez étudié » ces préconisations, fait savoir à La Tribune qu'il va « probablement » les associer à son travail au regard de « la volonté politique transpartisane évidente » sur ces thèmes.

César Armand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 12
à écrit le 03/05/2023 à 14:53
Signaler
et si le regime generale ne supportait pas les regimes defficitaires du publique non financer par les differents gouvernements de droite ou dit de gauche par pure demagogie de court terme on ne serait pas avec plein de gens dans la rue a just...

à écrit le 03/05/2023 à 8:27
Signaler
Gouverner c'est prévoir. Hors quand un bateau coule au début l'orchestre continue de jouer et ensuite tout s’accélère, nous y sommes. J'observe hélas qu'il n'y a pas que le domaine du logement en souffrance et que nous devrions nous interroger sur ce...

le 03/05/2023 à 23:34
Signaler
Gouverner c'est avant tout décider et surtout avoir le courage de décider même quand cela ne plait pas, car plaire ce n'est pas gouverner. C'est acheter des voix.

à écrit le 03/05/2023 à 6:51
Signaler
tout ce bon peuple de gauche hypertolerant qui allume des incendies se plaind des incendies et de la lenteur des secours! peut etre qu'avant de faire des lois et des normes, il faut se poser les bonnes questions! oui parce que quand airbnb sera inter...

le 03/05/2023 à 13:33
Signaler
C'est comme les retraites en moyenne deux fois trop élevées eu regard du potentiel économique du pays, la droite a tendance à aggraver le problème par clientélisme électoral et la gauche ne tient pas ses promesses de s'y attaquer car l'impact négatif...

le 03/05/2023 à 14:34
Signaler
Arrêtez de tout juger sous l'angle politique droite gauche alors que ce sont de multiples groupes de pression ( lobby ) qui poussent ou freinent dans le but préserver ou accroitre leurs seuls intérêts sectoriels . .

à écrit le 03/05/2023 à 6:45
Signaler
Réduire les locations saisonnières c’est aussi réduire le tourisme l’activité des stations. Excellente idée Qu’en pensez vous? Restons chez nous

le 03/05/2023 à 10:47
Signaler
avant airB&B les gens partaient en vacances... Ils allaient a l hotel, au camping ... Mais oui, c est sur que ca va etre une perte seche pour certains qui avaient achete pour faire de l air B&B au lieu de la location a l annee car c est bien plus r...

à écrit le 03/05/2023 à 3:06
Signaler
@Cigidu. Pas d'inquietude, le mur approche. Vous aurez la chienlit, la guerre civile et pour finir une gouvenance tres autoritaire. Tout fini pour celui qui sait attendre.

à écrit le 02/05/2023 à 22:12
Signaler
L'inflation immobilière est une aubaine pour les détenteurs de biens, mais le moyen le plus sûr et le plus efficace pour plomber la compétitivité d'un pays : les coûts des entreprises augmentent plus vite que la productivité et ça recréé des détermin...

à écrit le 02/05/2023 à 19:26
Signaler
C est vrai qu avec des recerttes annuelles à 176000€ -8 fois mon salaire annuel- ce dont des petits propriétaires qui louent … on se moque vraiment du monde … pas étonnant que Macron-Borne freine des 4 fers comme pour les augmentations de salaires / ...

le 02/05/2023 à 22:44
Signaler
L'électorat actuel de Macron est surtout constitué d'ex-LR ayant généralement été en situation d'acheter des biens à bas prix dans les années 70, puis de capter indument l'argent des APL en l'absence de contrôle des loyers, etc, etc.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.