
C'est à n'y rien comprendre. Depuis la campagne présidentielle, associatifs, grands patrons, économistes, responsables politiques locaux et nationaux multiplient les prises de parole et les rapports pour alerter sur la « bombe sociale » à retardement de la crise du logement. Le ministre dédié Olivier Klein doit prendre la parole le 9 mai prochain pour présenter « une vingtaine », selon l'AFP, de propositions tirées des travaux du Conseil national de la refondation (CNR), mais les mauvais chiffres, trimestre après trimestre, de la construction neuve et de l'immobilier ancien montrent qu'il y a déjà urgence.
Dans ce contexte, trois députés de trois groupes politiques différents de l'Assemblée nationale, soutenus par un sénateur LR, viennent de dévoiler sept propositions visant à « encadrer les locations touristiques de courte durée ». Autrement dit, trouver des solutions pour maintenir un parc de logements accessible aux locaux, particulièrement dans la capitale et sur les littoraux, aujourd'hui largement capté par les sites types Airbnb, Abritel ou Booking.
Une proposition de loi portée en février mais jamais examinée...
Dans le sillage d'une proposition de loi portée en février dernier par le groupe PS du Palais-Bourbon, mais jamais examinée, le socialiste Iñaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques), avec l'écologiste Julien Bayou (Paris), l'Horizons Christophe Plassard (Charente-Maritime) et le Républicain Max Brisson (Pyrénées-Atlantiques), plaident pour la suppression de la niche fiscale dont bénéficient les locations saisonnières de meublés touristiques de longue durée. Encouragée par des mesures de défiscalisation des investissements et/ou des revenus de la location, la création de meublés, notamment de tourisme, ou de résidences de tourisme, bénéficie d'un abattement de 71% tant que les recettes n'excèdent pas 176.200 euros par an, comme le rappelle le site des impôts.
« Il ne s'agit pas de pénaliser les petits propriétaires de petites maisons aux petits revenus qui sont loin d'être des riches propriétaires fonciers », a tempéré le député de la majorité Christophe Plassard, lors d'un petit-déjeuner de presse ce 2 mai.
Des inspecteurs généraux de trois administrations mandatés sur « l'attrition des résidences principales dans les zones touristiques » recommandent, depuis mi-mars, d'accélérer « l'extinction définitive » des incitations fiscales en faveur des meublés de tourisme, mais le gouvernement renvoie au groupe de travail lancé en novembre dernier et qui doit rendre ses conclusions avant l'été 2023. Autrement dit, pour venir nourrir le projet de loi de finances 2024 qui arrivera à l'automne prochain en Conseil des ministres. Toujours est-il que dans l'intervalle et selon nos informations, cette suggestion, pas encore arbitrée en haut lieu, trouve déjà écho dans les couloirs de l'exécutif.
Vers une réforme globale de la fiscalité sur les résidences secondaires ?
Plus généralement, les députés Echaniz, Bayou et Plassard ainsi que le sénateur Brisson poussent à une réforme de la fiscalité portant sur les résidences secondaires. Sauf en cas de difficultés financières aggravées par la crise énergétique, les édiles rechignent à augmenter la taxe foncière, car ils ne souhaitent pas léser leurs habitants propriétaires qui vivent à l'année. Interrogé ce 2 mai lors des questions au gouvernement par le député (Liberté, indépendants, Outre-Mer et Territoires-LIOT) de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva, le ministre du Logement, Olivier Klein, a promis, l'extension, « dans quelques semaines », du nombre de communes autorisées à majorer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. « La liste est en cours d'élaboration et sera bientôt communiquée. On va passer de 1.000 à 4.000 communes concernées » déclare, à La Tribune, le ministre Olivier Klein.
« C'est un sujet de santé et d'attrait de médecins, mais aussi de développement économique pour attirer les cadres et les investisseurs. Dans ma circonscription, j'ai beaucoup de PME dont les patrons partent à la retraite. Sauf que faute de pouvoir loger ses salariés, une entreprise vient de se délocaliser », a martelé Christophe Plassard (Horizons, Charente-Maritime)
Quid des passoires thermiques toujours disponibles sur les plateformes ?
Troisième idée-phare des quatre parlementaires : l'interdiction sur les plateformes touristiques de la location des passoires thermiques, ces logements qui consomment trop d'énergie et qui laissent entrer le froid en hiver et le chaud en été. Depuis le 1er janvier 2023, les pires habitats sont déjà exclus à la location traditionnelle, suivis des logements classés G, F et E en 2025, 2028 et 2034. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ces logements peuvent encore être proposés à la location de tourisme. Dès octobre 2023, le ministre du Logement, Olivier Klein, avait promis de les intégrer à la prohibition, mais le décret d'application se fait toujours attendre... Aujourd'hui, le représentant du gouvernement Borne promet, auprès de La Tribune, une mesure intégrée à la proposition de loi du groupe Renaissance visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, déposée le 28 avril, à la suite d'un rapport en ce sens. « J'y suis absolument très attentif », confie-t-il.
Quatrième piste : mettre en œuvre un « agrément meublé de courte durée », c'est-à-dire faire certifier par un organisme extérieur la conformité du logement à un usage locatif de courte durée. Cinquième : réduire de 120 à 90 le nombre de nuitées autorisées pour la location de sa résidence principale et étendre cette règle aux résidences secondaires. Rien que dans le troisième arrondissement de Paris, a illustré le député EELV Julien Bayou, 2.600 logements sont en ligne sur les plateformes touristiques, contre 55 à louer sur le marché traditionnel. Un écart de 1 à 30 « catastrophique » selon le parlementaire.
Le rapport de l'Assemblée sur les zones tendues sera-t-il suivi ?
Sixième levier et non des moindres: accroître l'autonomie de régulation pour les collectivités, « meilleur échelon pour réaliser les arbitrages entre politiques du tourisme et du logement, en première ligne face aux réglementations et aux contrôles », insistent les parlementaires. Par exemple, les élus locaux doivent « avoir les moyens » d'exiger les documents nécessaires pour vérifier les demandes de changement d'usage, c'est-à-dire lorsque des bureaux/commerces/locaux d'activité sont transformés en habitats.
Ultime demande : le renforcement de la lutte contre les pratiques frauduleuses pour favoriser l'accès au logement et lutter contre l'augmentation des prix en zones tendues. Lors des questions au gouvernement ce 2 mai, le ministre Olivier Klein a salué la proposition de loi du groupe Renaissance visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, déposée le 28 avril, à la suite d'un rapport en ce sens. Sans attendre l'inscription de ce texte à l'ordre du jour au Palais-Bourbon, les députés appellent à s'attaquer aux baux mobilités « illégaux », c'est-à-dire à ses contrats locatifs courts que certains bailleurs dévoient en virant leurs locataires juste avant la haute saison. « Des personnels soignants sont obligés de dormir dans leur voiture l'été », a témoigné le député PS des Pyrénées-Atlantiques, Iñaki Echaniz. Mais aussi aux congés pour ventes « abusives », en réalité fléchés vers la location touristique plutôt que la location traditionnelle.
Les autres groupes politiques prêts à suivre leurs collègues
Dans le sillage de ce petit-déjeuner de présentation de cette plateforme de propositions, qui pourrait faire l'objet d'une loi la semaine du 12 juin en semaine transpartisane à l'Assemblée nationale, les groupes politiques du Palais-Bourbon tenaient leur conférence de presse hebdomadaire. Sollicités par La Tribune, les autres partis semblent prêts à les suivre. « Toute initiative visant à réguler la spéculation immobilière dans les territoires aura notre soutien », a affirmé Sébastien Jumel, de la Gauche démocrate et républicaine, ex-maire de Dieppe (Seine-Maritime). « Nous sommes preneurs de toute démarche tant qu'on ne véhicule pas de rustine », a renchéri son collègue (Liberté, indépendants, Outre-Mer et Territoires-LIOT) de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva, auteur d'une question au gouvernement ce 2 mai.
Reste désormais à savoir ce dont le gouvernement accouchera le 9 mai lors de la restitution du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au Logement... D'ici là, le ministre Olivier Klein, qui n'a « pas assez étudié » ces préconisations, fait savoir à La Tribune qu'il va « probablement » les associer à son travail au regard de « la volonté politique transpartisane évidente » sur ces thèmes.
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