Taxe carbone enterrée : l'industrie chimique ne crie pas victoire

Cette année, l'UIC, Union des industries chimiques, prévoit une hausse de la production de 4,7% au sein de l'Union européenne après des baisses de 11,4% en 2009 et de 3,3% en 2008. Selon la rumeur, les industriels concernés auraient été priés de ne pas crier victoire face à l'enterrement de la taxe carbone par le gouvernement.

L'Union des industries chimiques (UIC) qui tenait ce mardi sa conférence de presse annuelle, qui n'a pas réagi aux informations sur l'enterrement de la taxe carbone. Selon la rumeur, les industriels concernés auraient été priés de ne pas crier victoire. Le secrétaire général de l'UMP Xavier Bertrand a reconnu sur Canal + qu'une mise en oeuvre de la taxe carbone en juillet semblait "très compliquée. Une taxe qui s'appliquerait en France et pas en Europe, ça n'est pas pensable. Cela "pénaliserait les entreprises françaises". Lundi, le ministre de l'Industrie Christian Estrosi a assuré qu'il n'était "pas question d'établir une taxe carbone qui mettrait en cause la compétitivité" des entreprises françaises.

Par ailleurs, l'UIC souligne que la crise a mis en lumière la montée en puissance de pays comme la Chine, l'Inde ou le Brésil dans le secteur stratégique de la chimie et le rapport de forces entre économies matures et émergentes s'inversera dans les années à venir. La production chimique en France ne devrait retrouver pour sa part ses niveaux d'avant-crise que fin 2011 ou début 2012 au mieux compte tenu des incertitudes qui pèsent encore sur la conjoncture, a déclaré Bernard Chambon, président de l'UIC, au cours d'une interview accordée à Reuters "L'Asie est devenue en 2005 la première zone de production chimique dans le monde, devant l'Europe. Aujourd'hui, la Chine est pratiquement au niveau des Etats-Unis, le rapport de forces va s'inverser", a-t-il expliqué.

"En supposant que le rythme du rebond de la reprise observé actuellement se poursuive au rythme actuel, on ne devrait pas retrouver les niveaux de production d'avant la crise (en France) avant fin 2011, voire début 2012", a-t-il dit. "En attendant, 2010 sera un exercice de convalescence avec une reprise lente; beaucoup d'installations tournent à 80% de leurs capacités."

L'activité de la chimie en France se redresse trimestre après trimestre depuis la mi-2009 grâce aux mouvements de "restockage" décidé par les entreprises, aux effets du plan de relance, au maintien de la consommation et à la bonne tenue des exportations.

Cette année, l'UIC prévoit une hausse de la production de 4,7% au sein de l'Union européenne après des baisses de 11,4% en 2009 et de 3,3% en 2008.

PROTÉGER LES MARGES

Les volumes sont attendus en progression de 5,5% en France après une contraction de près de 10% l'an passé. L'Inde et la Chine devraient de leur côté enregistrer des taux de croissance à deux chiffres, d'après les calculs de l'UIC.

"Il y aura une amélioration en 2010 mais nous sommes face à deux grandes incertitudes", a prévenu Bernard Chambon.

"Au fur et à mesure que les plans de relance vont cesser de faire de l'effet, quelle sera la réaction du marché? Dans l'automobile, on voit déjà que le retrait des dispositifs de primes à la casse a un effet immédiat sur les commandes."

Les constructeurs automobiles figurent parmi les premiers clients des industriels de chimie.

"L'autre grand point d'interrogation, c'est la consommation intérieure. La déflation et la hausse des salaires en 2009 a eu un effet positif mais en 2010 l'effet déflationniste va disparaître", a poursuivi le dirigeant.

La hausse des prix de détail a été limitée à 0,1% en France en 2009.

Selon Bernard Chambon, les industriels auront à protéger leurs marges alors que les prix des matières premières ont amorcé une remontée depuis le début de 2009.

La majorité des majors européennes de la chimie, dont l'allemand BASF et le français Rhodia, ont présenté des résultats supérieurs aux attentes l'an dernier et pronostiquent une amélioration de leur rentabilité grâce à leurs mesures de compressions de coûts.

Pourtant, au-delà des seuls aléas macroéconomiques, les industriels européens de la chimie devront relever plusieurs défis, a estimé Bernard Chambon. La transition vers une chimie plus respectueuse de l'environnement, celle que les spécialistes appellent "chimie verte", nécessite des investissements conséquents.

"L'INDUSTRIE DES AUTRES INDUSTRIES"

La part des dépenses consacrée à la modernisation et à la rationalisation de l'outil industriel des professionnels de la chimie en France - sur un total de 2,5 milliards d'euros - a atteint 38,8% en 2009, à comparer à 36,6% un an plus tôt. Celle dévolue à l'extension des capacités a reculé à 38% contre 40,9%.

"Il ne devrait pas y avoir de forte reprise des investissements en 2010. Les entreprises vont rester assez prudentes", a souligné Bernard Chambon.

"Dans la mesure où la chimie est l'industrie des autres industries, elle est amenée à être au coeur des futur défis environnementaux. La crise amène certes une formidable opportunité de redéploiement vers des métiers nouveaux, mais il faut être conscient du fait que les pays émergents sont extrêmement présents sur les technologies nouvelles."

Bernard Chambon a en outre fait valoir que si l'Europe disposait d'atouts, elle ne devait pas aller trop vite dans l'application de ses mesures de régulation et ne pas adopter une position de "hussard avancé" susceptible d'affecter sa compétitivité et de freiner les investissements.

Les entreprises de chimie du Vieux Continent doivent notamment se conformer à deux grandes directives, celle concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des produits chimiques (REACh) et celle concernant le système communautaire d'échanges de quotas d'émission de gaz à effet de serre (ETS).

Alors que plusieurs chimistes européens ont fait part de leur intention d'effectuer des acquisitions "ciblées", Bernard Chambon a prévenu que les sociétés des pays du Sud ne seraient pas en reste.

"La surprise pourrait venir des pays émergents dès 2010. Des Indiens, des Brésiliens et des Chinois vont vouloir prendre pied en Europe, cela fait partie de leur stratégie."

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