A l'ICI, le bistouri fusionne avec la caméra

L'Institut de chirurgie guidée par l'image (ICI) accueille cette semaine ses premiers malades à l'hôpital de Strasbourg. Dotée d'un budget de 220 millions d'euros en partenariat public-privé, cette fondation de recherche vise à établir de nouveaux protocoles et à accélérer le transfert de technologie.
"Quand on établira l'analyse coût-bénéfice pour le malade, on se dira qu'on a diminué la morbidité et les complications. Tout ce qui peut faire baisser le risque de contamination nosocomiale est une bonne chose.(...)" (Jacques Marescaux)

C'est un immeuble flambant neuf de 13.000 mètres carrés, dont l'élégante façade végétalisée s'insère entre la devanture massive du "nouvel hôpital civil" et les crépis délavés des vieux pavillons de l'hôpital de Strasbourg. Avec neuf blocs opératoires qui accueilleront cette semaine les premiers patients du pôle hépato-digestif, l'Institut de chirurgie guidée par l'image (ICI) a été conçu comme une plate-forme d'échanges entre les équipes médicales de l'hôpital, des fabricants de dispositifs médicaux, des spécialistes de l'imagerie et un institut de formation, l'IRCAD (Institut de recherche contre le cancer de l'appareil digestif).

Antoine Agathon, directeur des opérations de ce projet lancé en 2011, résume l'objectif:

"Proposer une chirurgie personnalisée, la moins invasive possible, qui repose sur une imagerie de haute qualité."

En outre, l'ICI prévoit de tester des protocoles de sortie accélérée sur ses patients hospitalisés en ambulatoire. Les malades pourront transiter par un "hospitel" de 21 places, entité dont l'organisation se rapproche d'un hôtel, où ils seront maintenus sous surveillance par le seul moyen d'un "patch" cutané. En cas de rechute, ils seront de nouveau hospitalisés. Si tout se passe bien, le retour à la maison aura lieu 24 heures ou 48 heures seulement après l'opération.

"Abattons tous les dogmes", propose Jacques Marescaux, directeur général de cet institut hospitalo-universitaire (IHU), labellisé dans le cadre du Programme d'investissements d'avenir:

"L'IHU doit servir d'exemple. On veut une opération de très courte durée, suivie d'une zone tampon qui est l'hospitel où le prix d'une nuit ne dépassera pas 150 euros. La chirurgie mini-invasive doit permettre au patient de retourner plus vite au travail."

Recherche translationnelle

Conçu comme un bâtiment de recherche translationnelle, l'institut strasbourgeois ambitionne la validation de nouveaux protocoles chirurgicaux, mais aussi la mise au point de nouveaux dispositifs médicaux. Au deuxième étage, les promoteurs de l'institut ont prévu 600 mètres carrés dédiés à l'accueil de start-ups, ainsi qu'un laboratoire de prototypage. "Nous devons être innovants dans notre spécialité et intégrer le transfert de technologie, afin de devenir un élément clé du développement économique de la région. Il y a une créativité fantastique dans le monde médical en France mais le transfert de technologie, pour l'instant, est nul", déplore Jacques Marescaux. Dans son incubateur d'entreprises, l'IHU abritera entre autres un inventeur d'un dispositif de clips destinés au contrôle vasculaire. Un autre chercheur a déjà imaginé et mis au point un système qui facilite l'introduction des outils dans l'endoscope. Ces start-ups y côtoieront des entreprises leaders dans leur spécialité (Siemens pour l'imagerie, Karl Storz pour la robotique et le dispositif médical), venues à l'IHU afin de tester leurs équipements dans un environnement que Jacques Marescaux qualifie de "révolutionnaire".

"Dans notre spécialité abdomino-pelvienne, l'organe change de place pendant l'opération avec les mouvements respiratoires et les mouvements dus à l'insertion de l'instrument", rappelle-t-il. "Pour que l'ordinateur puisse comprendre la nouvelle position de l'organe, il faut avoir en temps réel une technologie d'image peropératoire compatible avec le geste opératoire."

Robot en test

Les technologies de l'image ont été intégrées dès la conception dans les murs des blocs opératoires de l'institut. 400 fibres optiques relient l'ICI aux salles de formation de l'IRCAD, dans un bâtiment voisin.

"Il fallait une construction sur mesure pour cela. Nous testons un robot capable de fournir, en une seconde, une image à 360 degrés du patient sur la table d'opération. Combiné au scanner, à l'IRM, aux caméras, à l'endoscopie flexible et à l'échographie, on obtient une image d'une qualité remarquable", se réjouit Jacques Marescaux.

Les images produites seront ainsi utilisées à des fins d'enseignement au sein de l'IRCAD, où 5.200 chirurgiens sont venus se former en 2015 à Strasbourg.

Salon de réhabilitation

A la sortie de l'institut, un salon de réhabilitation, étape obligatoire dans le process réglementaire d'accueil des malades en ambulatoire, a été conçu comme un salon d'aéroport. Avant de quitter l'établissement hospitalier, le patient sera placé, à des fins de relaxation, dans cet espace cloisonné au stylisme épuré. "On n'est pas en train de construire une Rolls-Royce", se défend Jacques Marescaux.

"Quand on établira l'analyse coût-bénéfice pour le malade, on se dira qu'on a diminué la morbidité et les complications. Tout ce qui peut faire baisser le risque de contamination nosocomiale est une bonne chose. Chez ceux qui rentrent à la maison, il y a 50 % de complications en moins."

220 millions d'euros sur dix ans

Les collectivités ont investi 40 millions d'euros dans le bâtiment (avec les subventions du fonds européen de développement économique régional). Leurs élus, friands des initiatives médicales high-tech de Jacques Marescaux et de ses équipes, n'ont pas encore été conviés à son inauguration.

Pour symboliser l'ancrage franco-allemand que Siemens et Karl Storz confèrent au projet, Jacques Marescaux préfèrerait attirer François Hollande et Angela Merkel. Mais faute d'accord sur le calendrier, l'inauguration viendra plus tard. Le pôle hépato-digestif de l'hôpital de Strasbourg, lui, n'attendra pas : il apportera 6.000 patients par an à l'ICI.

"Le séjour sera plus cher, mais à l'échelle du parcours patient, il y aura une économie: moins de douleurs, moins de complications", promet Antoine Agathon.

La moitié de ces malades du foie, du pancréas ou du colon bénéficieront d'un geste chirurgical. Ils entreront tous dans les protocoles de recherche de l'ICI, pour lesquels la poursuite des financements (220 millions d'euros sur 10 ans, dont 70 millions apportés par l'Etat) dépendra de la qualité des résultats.


De notre correspondant Grand Est, 
Olivier Mirguet

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Commentaire 1
à écrit le 26/10/2016 à 11:42
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"La chirurgie mini-invasive doit permettre au patient de retourner plus vite au travail." C'est sûr, c'est une vision d'un humanisme confondant. Comme motivation on a touché le fond....

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