DBV est devenue la plus grande biotech française en "s'américanisant"

Avec plus d'1,7 milliard de dollars de capitalisation boursière, DBV Technologies est la biotech française la mieux valorisée. La société s'est focalisée sur les traitements contre des allergies ayant une forte prévalence aux Etats-Unis, et veut garantir son indépendance par rapport aux grands labos pharmaceutiques. Une stratégie très tournée au-delà de l'Atlantique, quitte à perdre certaines attaches avec la France ?
Jean-Yves Paillé
DBV prévoit de lancer le patch Viaskin Peanut contre les allergies aux arachides sur le marché américain en 2018.

DBV Technologies est ce que l'on appelle une success story dans le monde des biotechs. La société française crée en 2002 étaient valorisée à 40,5 millions d'euros lors de son introduction en Bourse en 2012 à Euronext. Désormais, deux ans après son introduction au Nasdaq, la capitalisation boursière de la biotech atteint les 1,776 milliard de dollars (1,67 milliard d'euros), mardi 29 novembre. Elle est la biotech française la mieux valorisée au monde. Pourtant, elle ne propose pas un traitement révolutionnaire qui pourrait par exemple guérir de graves maladies comme le cancer.

"Nous sommes américanisés", avance Pierre-Henri Benhamou, PDG et Président du conseil de DBV, pour expliquer ce succès. Il reconnait que la stratégie de la société était particulièrement tournée vers les Etats-Unis. Ainsi, le traitement phare du groupe le Viaskin Peanut, un traitement par immunothérapie contre l'allergie aux arachides, fonctionnant via l'application d'un patch quotidien, est en adéquation avec d'importantes attentes du marché américain. La prévalence de l'allergie à l'arachide chez les enfants américains est passée de 0,4% à 1,4% (800.000 à un million d'enfants touchés) entre 1997 et 2010.  Par ailleurs, il n'existe pas de remède aux allergies alimentaires, la solution la plus avancée est l'immunothérapie.

Un potentiel blockbuster aux Etats-Unis

DBV prévoit de lancer son Viaskin Peanut sur le marché américain en 2018. La biotech espère que le prix de ce traitement sera fixé entre "5.000 et 10.000 dollars par an par patient", explique David Schilansky, directeur général délégué, se basant sur "des calculs pharmaco-économiques". Le Viaskin Peanut pourrait devenir un blockbuster (plus d'un milliard de dollars de chiffre d'affaires par an) aux Etats-unis. DBV espère lancer ce produit en Europe en 2020, où la prévalence est moins élevée qu'aux Etats-Unis.

Pour 2020, il espère lancer sur le marché américain le Viaskin Milk, un traitement contre l'allergie au lait (deuxième cause d'allergie alimentaires aux Etats-Unis) fonctionnant de la même façon que Viaskin Peanut. En 2022, il projette de faire de même avec le Viaskin egg pour soigner l'allergie aux œufs (troisième allergie la plus fréquente).

Indépendance vis-à-vis des big pharmas

Autre élément qui a permis à DBV d'atteindre une telle capitalisation boursière: le choix de ne effectuer d'accord de licence avec des laboratoires pharmaceutique pour ses produits phares. Le chiffre d'affaires générés par ses produits, s'ils reçoivent une autorisation de mise sur le marché, appartiendra pleinement à DBV.

C'est un choix stratégique rare pour une biotech française, souvent forcée à un moment donné de s'associer avec une big pharma pour pouvoir terminer les études cliniques et commercialiser ses produits, par manque de financements.

"La possibilité de signer des accords de licence était dans notre stratégie au départ, mais avec la valorisation boursière croissante, dont nous avons bénéficié au début, nous avons décidé de ne pas céder en licence nos principaux produits. C'est un engagement vis-à-vis de nos actionnaires", lance Pierre-Henri Benhamou.

Avec 278 millions d'euros déclarés au 30 septembre, le groupe dispose d'une trésorerie confortable pour le moment pour financer ses essais cliniques, notamment les onéreux essais de phase III (20 millions d'euros dépensés pour le Viaskin peanut, avance DBV).

Autre élément ayant permis d'atteindre une telle valeur boursière: le groupe n'a qu'un vrai concurrent, Aimmune. Ce dernier développe des traitements de désensibilisation en immunothérapie pouvant être pris par voie orale. La société américaine est également en phase III pour un traitement contre l'allergie à l'arachide.

Un capital... américain

Mais peut-on dire que DBV reste une entreprise française après s'être autant "américanisé" ? A cette question, le PDG et le directeur général rétorquent que la propriété intellectuelle est française, l'équipe de management l'est également, sans compter le site de production français et le siège social situé à Montrouge.

Par ailleurs, David Schilansky, rapporte qu'aujourd'hui 90% des 200 emplois direct et indirects (sous-traitance) sont français, et 10% sont étasuniens. Mais dans deux ans, si tout se passe bien, avec le lancement attendu du Viaskin Peanut, la biotech prévoit de faire évoluer ce ration en faisant travailler au total 200 personnes aux Etats-Unis et 400 en France.

Et concernant le capital, la société est assurément plus américaine que française. Sur les 500 millions d'euros levés depuis 2002, 400 millions proviennent des Etats-Unis. Cent millions proviennent d'Europe, dont la participation de BPI France. En outre, la capitalisation boursière est principalement américaine, avec le poids écrasant de la cotation au Nasdaq.

Pour l'avenir, le PDG estime qu'il "sera difficile de recruter de nouveaux talents en France, en raison des faibles incitations fiscales". Mais il reconnait tout n'est pas noir dans la fiscalité française, évoquant le Crédit d'impôt recherche qui a fait du bien à DBV.

Jean-Yves Paillé

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