Régénérer les corps abîmés par les maladies

[Les nouveaux miracles de la médecine 3/6] Avec les cellules souches pluripotentes, capables de se transformer en peau, en muscle ou en foie, les chercheurs rêvent de réparer nos blessures et de régénérer nos organes malades. Les premiers résultats validés arrivent enfin.
La régénération cellulaire se développe depuis les années 1970.
La régénération cellulaire se développe depuis les années 1970. (Crédits : iStock)

Au printemps dernier, le moral des biotechs est reparti à la hausse. Des chercheurs reconnus venaient d'annoncer qu'ils avaient réussi la régénération cellulaire de rétine sur des patients atteints de DMLA (Dégénérescence maculaire liée à l'âge)*. Autrement dit : soigner un patient à l'aide de cellules souches embryonnaires, c'est vraiment possible ! Les cellules embryonnaires sont des cellules souvent issues de fécondations in vitro. Elles sont pluripotentes, c'est-à-dire capables de se transformer en n'importe quel tissu (peau, muscle, os, etc.). Au fur et à mesure du développement de l'embryon, elles se spécialisent suivant l'endroit où elles sont situées et se multiplient rapidement. Injectées sur des organes endommagés, elles peuvent reconstituer des parties de l'organisme du patient. Ces premiers résultats validés par le milieu scientifique redoublent l'intérêt de cette technique très prometteuse.

Reconstituer du muscle cardiaque après un infarctus

En fait, la régénération cellulaire se développe depuis les années soixante-dix, mais à partir des cellules souches qui subsistent dans nos corps d'adulte. Elles ne sont pas pluripotentes, mais certaines sont capables de s'adapter suivant les besoins. CellProthera reconstitue ainsi une partie du muscle cardiaque après un infarctus. Elle travaille à partir des cellules du patient, comme l'explique son président Philippe Hénon:

« Ce sont des cellules souches sanguines CD34+ capables de reconstituer du muscle cardiaque et des vaisseaux sanguins. Nous les multiplions dans notre prototype automatisé qui forme un greffon en neuf jours. »

Sa méthode pourrait arriver sur le marché asiatique début 2020, avant l'Europe en 2022.

Reprogrammer génétiquement des cellules adultes

La seconde technique est celle utilisant des cellules pluripotentes. Elle a commencé avec des cellules embryonnaires qui sont multipliées et parfois spécialisées en muscle ou peau, avant d'être injectées. Mais, depuis la découverte permettant de reprogrammer génétiquement des cellules adultes pour les rendre pluripotentes (cellules iPS*), une autre possibilité apparaît. Elle consisterait à prélever les cellules du patient, à les modifier génétiquement en iPS avant de les administrer. Mais la culture des iPS est un exercice complexe.

Elles peuvent se modifier de manière assez inattendue : le Pr Shinya Yamanaka - qui les avait mises au point - a dû suspendre son dernier essai car la culture avait subi une mutation indésirable.

Sur ces cellules pluripotentes, la France est plutôt bien placée, même si les lois bioéthiques ont interdit le travail sur embryons jusqu'en 2005. C'est le « french paradox ». Aujourd'hui, une partie des toutes prochaines innovations se préparent dans l'Hexagone. Par exemple, l'institut de recherche I-Stem développe une régénération de la rétine - pour laquelle elle sollicitera bientôt une autorisation d'essai clinique - ainsi qu'une méthode pour fabriquer de la peau. Spin off de l'Inserm en 2017, GoLiver travaille sur la régénération du foie avec des cellules souches pluripotentes. Pour son fondateur Tuan Huy Nguyen, la France ne doit surtout pas passer à côté de ce nouveau marché : « La FDA [Food and drug administration, ndlr] a déjà autorisé des essais cliniques sur la régénération du pancréas dans le cadre du diabète et sur la modulation de la réponse immunitaire dans le cadre de greffe de moelle osseuse... »

Des cellules souches "furtives" pour éviter les rejets

Comme tous les traitements cellulaires allogéniques (venant de donneurs), la régénération par cellules pluripotentes nécessite de placer les patients sous immunosuppresseur, pour éviter les rejets. Une contrainte qui pourrait bientôt disparaître, selon le directeur scientifique d'I-Stem, Marc Peschanski : « La biotech américaine Universal Cells a mis au point une modification génétique qui leur permet de se faire tolérer par les receveurs. Ces cellules pluripotentes dites furtives pourraient produire des transplants sans risque de rejet. Cela permettrait de produire des implants pour un large marché, avec des process entièrement automatisés en environnement clos. Les grands pharmas japonais comme Takeda et Astellas ont investi sur les cellules souches iPS. »

Et maintenant, gare aux charlatans !

Mais ces nouvelles thérapies ont aussi fait naître un marché de... dupes. Depuis cinq ans, les propositions alléchantes de régénérer tout et n'importe quoi fleurissent. Des cliniques privées les commercialisent sans autorisation en Ukraine, en Israël ou en Amérique centrale. La FDA a même recensé 519 établissements proposant ce type de formule aux États-Unis. Or au mieux, ces essais non homologués sont souvent inefficaces. Au pire, ils ne sont pas tolérés et provoquent des tumeurs. En 2017, trois patients atteints de DMLA ont complètement perdu la vue dans une clinique de Floride. Au-delà de la rétine et du coeur déjà bien avancés, de nombreuses régénérations cellulaires homologuées devraient quand même arriver sur le marché d'ici quinze ans.

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NOTE

(*) La mise au point des cellules iPS a été récompensée en 2012 par le Prix Nobel de Médecine.

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POUR EN SAVOIR PLUS

Téléchargez le dossier publié dans LA TRIBUNE HEBDO n° 254 du 7 juin 2018 "Les nouveaux miracles de la médecine"

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H254, couv, La Tribune Hebdo, médecine,

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Commentaire 1
à écrit le 22/08/2018 à 11:07
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à quoi bon vivre plus longtemps si c'est pour vivre au chomage sans revenus à cause de la robotisation et l'automatisation, à quoi bon vivre plus longtemps si c'est pour vivre au minimum veillesse... verser tout son revenu pour payer son loyer ??

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