Souveraineté sanitaire : « Servier fait à nouveau le choix de la France »

Le groupe Servier réinjecte 100 millions d’euros dans l’usine normande où il produit l’essentiel des principes actifs de ses médicaments. « Nous, nous ne sommes jamais partis », souligne son vice-président Industrie, en écho au débat sur les relocalisations.
Servier possède deux sites en Seine-Maritime. Celui de Bolbec et celui de Baclair où il créé une nouvelle unité de production du principe actif du Daflon.
Servier possède deux sites en Seine-Maritime. Celui de Bolbec et celui de Baclair où il créé une nouvelle unité de production du principe actif du Daflon. (Crédits : Oril Industrie/Servier)

Ruptures d'approvisionnement, pharmacies hospitalières en tension... À la faveur de la crise sanitaire, le Vieux Continent a découvert avec consternation son degré de dépendance à l'industrie pharmaceutique asiatique. Les chiffres sont édifiants. Selon l'Agence européenne du médicament, pas moins de 80% des principes actifs (ou API pour Active Pharmaceuticals Ingredients) des médicaments vendus dans l'UE sont fabriqués aujourd'hui en Inde ou en Chine. En France, une poignée d'usines résistent encore et toujours à l'envahisseur.

C'est le cas du site de Baclair en Seine-Maritime, opéré par Oril Industrie, filiale de Servier. Construit dans les années 1990, le centre d'excellence en chimie fine du groupe pharmaceutique est resté debout malgré la vague de délocalisations dont a souffert le secteur.

« C'est le fruit de la volonté de (feu) notre ancien président fondateur [le sulfureux Jacques Servier - Cf. le scandale du Mediator, Ndlr]. Il était très attaché à la France, il avait au moins cette qualité », grince un cadre.

L'établissement de 800 salariés fournit encore 98% des principes actifs (API) des médicaments princeps -non génériqués- commercialisés par sa maison mère. Et manifestement, il n'a pas à craindre pour son avenir puisque celle-ci y réinvestit 100 millions d'euros. Objectif : doubler la production du principe actif du Daflon, traitement des maladies veineuses qui s'exporte dans une centaine de pays. Son fabricant table sur un boom de la demande étrangère pour ce médicament de confort - enregistré en Chine depuis 2020 - à mesure que le niveau de vie s'élève et que la sédentarité progresse.

Relocaliser, c'est bien. Ne pas délocaliser, c'est mieux

« Servier fait à nouveau le choix de la France et participe de la reconquête de son indépendance sanitaire », commente le vice-président exécutif Industrie de la firme, Pierre Venesque, que La Tribune a rencontré sur le chantier de l'usine. L'intéressé admet cependant qu'il s'agit d'un cas « atypique » s'agissant d'un médicament tombé dans le domaine public.

« Il est plus facile de développer des unités existantes que de faire revenir des productions en particulier sur des génériques parce que l'investissement est devenu trop lourd, théorise t-il. Nous, nous ne sommes jamais partis. »

À l'entendre, il serait illusoire d'espérer relocaliser massivement des activités de chimie fine pharmaceutique sauf « sur des produits de haute technologie avec un très fort degré d'expertise ».

Le salut pourrait toutefois venir de technologies émergentes telle que la "chimie en flux" (ou Flow Chemistry) sur laquelle travaille le laboratoire R&D industriel intégré à l'usine normande qui compte pas moins de 200 chercheurs. « Elle est un peu ce qu'un chauffe-eau moderne est à un vieux ballon d'eau chaude. Elle est plus sûre, plus propre, plus économe et plus compacte », résume son responsable. « Les Chinois se penchent déjà sur ce sujet. Attention à ce qu'ils ne nous doublent pas », prévient Pierre Venesque en écho.

L'heure de la remontada

La chimie de flux n'est pas le seul lièvre que poursuit la firme aux 22.500 collaborateurs. Depuis le scandale du Mediator en 2010 et l'arrivée à sa présidence d'Olivier Laureau, le numéro deux français de la pharma (derrière Sanofi) a repris des couleurs. Lesté d'un portefeuille de produits vieillissants il y a cinq ans, il multiplie aujourd'hui les projets. En témoigne, l'investissement de 70 millions d'euros réalisé dans une unité de bio-production près d'Orléans, et les 377 millions d'euros qu'il s'apprête à dépenser pour construire un centre de recherche sur le plateau de Saclay, dont il entend bien profiter de la matière grise. En l'occurrence, le cluster scientifique et technologique de Paris Saclay, un projet phare du Grand Paris, accueillera en 2022 le pôle biologie pharmacie chimie (BPC) de l'Université de Paris Sud.

Fort de 1.500 salariés, ledit centre devrait être le fer de lance de le stratégie de diversification de Servier vers l'oncologie (et notamment le traitement des cancers rares). Laquelle s'incarne également dans des acquisitions. Après avoir racheté le portefeuille oncologie du laboratoire irlandais Shire en 2018, il a mis la main cette année sur celui de la startup américaine Agios Pharmaceuticals pour plus de 1 milliard de dollars. De quoi se replacer dans la course à défaut de regagner les faveurs du grand public.

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Commentaires 4
à écrit le 25/11/2021 à 13:25
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Pouvez-vous confirmer que la production reste en France ? Pas sûr...

à écrit le 25/11/2021 à 10:18
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Servier: 100millions pour se refaire une virginité. !

à écrit le 25/11/2021 à 10:17
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Servier: 100millions pour se refaire une virginité. !

à écrit le 25/11/2021 à 8:05
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Avec tout le fric que le peuple français lui a injecté, sans parler des dégâts humains, c'est la moindre des choses d'abord et avant tout. Qu'ils aient la décence de ne pas en faire une gloire svp, merci.

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