Automobile : des copeaux de bois dans nos réservoirs, le pari du groupe normand Tertu

Spécialisé dans la fabrication de glissières en bois pour les infrastructures routières, le groupe Tertu projette de construire une usine qui transformera les déchets de son activité en biocarburant de deuxième génération grâce à un procédé de thermochimie inédit en France. Objectif : produire jusqu’à 80.000 litres par jour.
L'usine devrait être capable de transformer 110.000 tonnes de déchets de bois par an.
L'usine devrait être capable de transformer 110.000 tonnes de déchets de bois par an. (Crédits : DR)

Les projets liés aux biocarburants de deuxième génération ont le vent dans le dos depuis que l'Europe blackliste ceux de la génération précédente au nom de la concurrence qu'ils exercent sur l'alimentation humaine.

Illustration en Normandie où le groupe Tertu, leader mondial de la fabrication de glissières de sécurité, a déposé en début de semaine dernière une demande d'autorisation d'exploiter pour une usine qui devrait produire quotidiennement jusqu'à 80.000 litres de bioéthanol dans l'agglomération de Caen.

Pour comprendre pourquoi l'industriel se lance dans ce projet aux antipodes de son métier, il faut se rendre dans l'usine d'Argentan, dans l'Orne. C'est là que Tertu fabrique les kilomètres de glissières en bois qui équipent les routes et autoroutes de quarante pays sur les cinq continents. Avec pour conséquence de générer, en bout de chaîne, plus de 20.000 tonnes (!) de copeaux de bois par an. « Aujourd'hui, ils sont écoulés chez des fabricants de panneaux et dans des chaufferies, mais nous cherchions un moyen de mieux valoriser ces montagnes de copeaux », explique Vincent Calleja, son PDG.

De là, naît l'idée de créer une unité de production de biocarburant à partir de ces déchets. Au terme de plusieurs années d'études, le projet entre dans le dur. Objectif ? Construire la première bioraffinerie française qui combinera deux technologies, thermique et chimique. Pour ce faire, Tertu s'est assuré du soutien de l'entreprise nantaise Gazotech, spécialiste de la gazéification, et de la pépite américaine Lanzatech (Illinois), étoile montante de la fermentation du gaz. Concrètement, le bois sera d'abord chauffé à très haute température pour être transformé en gaz de synthèse. Lesquels gaz seront ensuite digérés et liquéfiés par le mélange de  bactéries imaginé par Lanzatech.

Du meuble défoncé au carburant avancé

L'installation, qui opérera sous l'enseigne TH2, devrait être capable de transformer annuellement 110.000 tonnes de déchets de bois : les copeaux issus de la fabrication des glissières, mais aussi des vieux meubles promis au rebut ou des palettes. Pour sécuriser son approvisionnement, l'industriel a conclu un accord avec l'éco-organisme Éco-Mobilier qui s'est engagé à lui fournir au moins le tiers de sa matière première. Moyennant quoi, l'industriel se fait fort fabriquer jusqu'à 21.000 tonnes de biocarburant par an, soit environ « 5% du marché national ». Dans un second temps, il est aussi envisagé de produire près de 3.000 tonnes d'hydrogène vert « lorsque le marché de l'hydrogène mobilité sera mûr », précise Vincent Calleja.

Quant à l'usine proprement dite, elle sera construite à Blainville-sur-Orne dans le Calvados sur un ancien terrain d'essai de Renault Trucks situé en bordure d'un canal. De quoi espérer faire transiter les déchets de bois par la voie d'eau.

Le site, autonome en vapeur, produira en outre plusieurs tonnes de « biochar », un amendement agricole qui suscite un intérêt grandissant. « C'est un projet industriel vertueux qui coche toutes les cases de la transition énergétique et écologique », commente Valérie Rai-Punsola, directrice du cluster Normandie Énergies qui accompagne Vincent Calleja dans ses démarches.

Reste à Tertu à réunir les 160 millions d'euros nécessaire au bouclage du projet. Le groupe vient de mandater la banque d'affaires Finergreen, spécialisée dans les énergies renouvelables, pour ferrer des investisseurs.

Si tout se passe comme prévu, la première pierre pourrait être posée au printemps prochain pour une mise à feu des installations trois ans plus tard. TotalEnergies semble croire dans la promesse. La firme de Patrick Pouyanné s'est déjà positionnée pour distribuer ce futur bioéthanol à la pompe, nous indique le dirigeant normand.

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