« J'ai beaucoup réfléchi et j'ai décidé de ne pas faire partie de l'aventure du nouveau Suez », a déclaré dans un entretien au quotidien « Le Figaro » publié mardi soir l'actuel directeur général du groupe, Bertrand Camus. Après des mois de combat « violent » contre son concurrent Veolia, qui avait lancé en septembre dernier une OPA sur l'entreprise, il appelle désormais à construire une « autre histoire », avec un « nouveau dirigeant et une nouvelle équipe ».
Il laisse ainsi pleinement ouverte la question de la gouvernance du futur Suez, dont les contours ont été tracés par un accord scellé mi-mai, non sans lourdes concessions pour l'ex-Lyonnaise des eaux. Concentré sur la France, le groupe pèsera 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires - contre 17,2 milliards en 2020 -, après l'acquisition par son assaillant de la plupart des activités internationales.
« Ce sera une belle entreprise [...] dans la propreté, l'eau et l'économie circulaire en Europe, Asie et Afrique, avec des capacités d'innovation, de recherche et de technologie. Elle a tout ce qu'il faut pour rebondir. Mais elle sera très différente du groupe où j'ai passé vingt-sept ans, et dont j'ai pris la tête en 2019 », a expliqué Bertrand Camus.
Imprévisibilité d'Engie
L'actuel DG est revenu sur le « chemin parcouru » avant la signature de l'armistice il y a près d'un mois. « Si l'offensive de Veolia était prévisible, l'attitude de notre premier actionnaire, Engie, l'était moins », a-t-il regretté. Le conseil d'administration de l'énergéticien français avait en effet accepté, début octobre, de céder sa part de 29,9% dans Suez à Veolia, ouvrant la voie à l'OPA.
« Au départ, nous n'avions ni garantie d'emploi ni offre à tous les actionnaires. C'est pour cela que nous nous sommes battus, en donnant tout ce qu'on a pu », a-t-il fait valoir, se félicitant d'un « bon compromis », qui « crée de la valeur pour les actionnaires de Suez, garantit l'emploi et maintient un groupe Suez d'un périmètre conséquent ».
Car pour se faire entendre, Suez avait su se montrer inventif, en multipliant les embûches sur le chemin de son rival. Notamment par la proposition d'une offre de rachat « ferme et engageante » de la part de deux fonds, Ardian et Global Infrastructure Partners (GIP), le 21 mars. Ou encore par la création, en septembre dernier, d'une fondation de droit néerlandais qui ne pouvait être désactivée que par le Conseil d'administration de l'entreprise. En chapeautant ses actifs Eau France pendant quatre ans, elle lui permettait d'en empêcher la cession. A de multiples reprises, Veolia avait exigé la dissolution de cette pièce maîtresse de son adversaire, sans succès.
« Sans toutes nos actions, y compris l'activation de la fondation, nous n'aurions pu obtenir ces résultats pour nos actionnaires et nos collaborateurs [...] Le conseil a été courageux. La solution de facilité, cela aurait été de se laisser faire », a affirmé Bertand Camus.
Choix des actionnaires
S'il n'a pas cité de nom, le DG actuel de Suez n'a pas caché sa préférence « à un choix interne » pour sa succession. « Nommer un patron qui connaisse les équipes et les métiers permet de faire un départ lancé. Il faut remettre du charbon dans la machine. C'est dans l'intérêt de tout le monde d'aller vite », a-t-il souligné. Rappelant que le choix revenait désormais aux futurs actionnaires, y compris pour désigner la gouvernance associée.
Bertrand Camus ne quittera cependant pas tout de suite le navire : il devra rester jusqu'à la fin des deux opérations en cours que sont l'OPA de Veolia et le rachat d'actifs de Suez par le consortium Meridiam-GIP-CDC. « Celles-ci doivent se finaliser entre mi-novembre et mi-décembre, afin que leur mise en oeuvre se fasse dans le respect de toutes les parties prenantes », a-t-il précisé.
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