Emmanuelle Wargon, nouvelle capitaine controversée de la Commission de régulation de l'énergie

La nomination d’Emmanuelle Wargon, ancienne ministre déléguée au Logement, à la tête du régulateur de l’énergie, a été entérinée ce mercredi 3 août au Parlement, et ce, malgré l'opposition de nombreux députés et sénateurs. Lors des auditions précédant ce vote, de nombreux parlementaires (RN, LR, Nupes) ont manifesté leurs doutes sur la légitimité technique de la candidate et sur son indépendance vis-à-vis de l’exécutif.
Emmanuelle Wargon.
Emmanuelle Wargon. (Crédits : Reuters)

C'était le grand oral ce matin pour Emmanuelle Wargon. Pendant près de trois heures, l'ancienne ministre déléguée au Logement a été auditionnée par les Commissions des affaires économiques du Sénat et de l'Assemblée nationale. Objectif : défendre sa candidature à la présidence de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) afin de succéder à Jean-François Carenco, qui a quitté il y a quelques semaines la présidence de cette institution indépendante pour rejoindre l'actuel gouvernement en tant que ministre délégué à l'Outre-mer.

Créée en 2000, la CRE a pour mission de veiller au bon fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz en France, au bénéfice des consommateurs, et ce, en cohérence avec les objectifs de la politique énergétique du gouvernement.

Un grand oral passé de justesse

En pleine crise énergétique, avec des prix au plus haut sur les marchés de l'électricité et du gaz et une menace sur la sécurité d'approvisionnement l'hiver prochain, le rôle de cette institution est crucial. Dans ce contexte, l'Elysée a donc rapidement sélectionné un nouveau capitaine pour la CRE en proposant, le 21 juillet dernier, la nomination d'Emmanuelle Wargon. Une nomination qui, selon l'alinéa 5 de l'article 13 de la constitution, doit toutefois être validée par les parlementaires. Or, les convaincre n'a pas été chose facile, loin de là.

En effet, le Sénat a donné un avis défavorable (avec 20 voix contre et 12 pour), tandis que l'Assemblée nationale a donné, de justesse, un avis favorable (30 voix pour et 28 voix contre). Le critère des ⅗ n'a toutefois pas été atteint pour faire barrage à cette proposition de nomination, faite par Emmanuel Macron.

Devant les sénateurs et les députés, l'ex-ministre a dû motiver sa candidature pour un secteur qu'elle a peu côtoyé. Surtout, elle a dû persuader de son impartialité et de son indépendance vis-à-vis de l'exécutif.

Pas une "technicienne de l'énergie"

Passée, entre autres, par la Cour des comptes, le ministère de la Santé, le Haut-commissariat aux Solidarités actives et l'Agence du médicament, cette énarque a réalisé l'essentiel de sa carrière dans le service public, avec toutefois un passage dans la sphère privée en tant que directrice générale des affaires publiques et de la communication chez Danone de 2015 à 2018. Emmanuelle Wargon ne fait son entrée en politique qu'en 2018, en rejoignant le gouvernement d'Edouard Philippe comme secrétaire d'Etat à la transition écologique. Elle devient ensuite ministre du Logement dans le gouvernement de Jean Castex.

Un parcours élitiste certes, mais très peu marqué par l'énergie, un secteur industriel et économique particulièrement technique et complexe. De nombreux députés de l'opposition ont ainsi fustigé ce manque de « légitimité technique » et, au fil de l'audition, les interrogations, parfois musclées, sur l'adéquation entre son profil et le poste de présidente de la CRE se sont multipliées.

 « Je ne suis pas une technicienne de l'énergie, mais l'énergie a été au cœur de beaucoup de dossiers que j'ai traités lors de mes expériences ministérielles Au cours de ces quatre années, j'ai pris conscience de l'importance stratégique de l'énergie », s'est défendue Emmanuelle Wargon, en faisant référence notamment aux dossiers liés à la rénovation énergétique des bâtiments ou encore aux freins qu'elle a contribué à lever pour favoriser le développement des énergies renouvelables. « Je pense être capable de rentrer rapidement dans des sujets techniques », a-t-elle ajouté devant les députés, tout en rappelant que son prédécesseur, Jean-François Carenco, ne présentait pas non plus d'expertise technique dans l'énergie avant sa nomination à la tête de la CRE.

Des députés dénoncent "un recasage" politique

Malgré ces arguments, les contestations se sont poursuivies. Jérôme Nury (LR) a dénoncé « un recasage en règle », après l'échec d'Emmanuelle Wargon aux dernières élections législatives. L'ex-ministre avait, en effet, présenté sa candidature dans le Val de Marne mais a été éliminée dès le premier tour, le 12 juin dernier. « Ce jeu de chaises musicales jette un discrédit et une suspicion sur votre nomination. Où est l'impartialité ? Où est l'indépendance? », s'est interrogé Philippe Brun (socialiste - Nupes), quand un autre député de l'opposition a même jugé « raisonnable » que l'ex-ministre « retire sa candidature ».

En réponse, Emmanuelle Wargon a expliqué avoir ouvert une page politique il y a quatre ans et vouloir la refermer aujourd'hui pour en ouvrir une autre « au service de [son] pays ». « Je ne méconnais pas le changement de posture que cela implique et j'y suis prête », a-t-elle plaidé. « J'ai l'expérience d'institutions indépendantes à travers la Cour des comptes et de l'Agence des médicaments », a-t-elle également fait valoir.

Lors de ces deux auditions, Emmanuelle Wargon a aussi clarifié sa position vis-à-vis du nucléaire. Initialement favorable à la fermeture de 12 réacteurs nucléaires à l'horizon 2035, l'ex-membre du gouvernement a affirmé devant les sénateurs : « Je suis favorable à l'électricité nucléaire, clairement. J'y suis sur le maintien des réacteurs existants et sur le développement du nouveau nucléaire ».

Renforcement des contrôles

Par ailleurs, Emmanuelle Wargon a dit vouloir renforcer les contrôles sur la manière dont les fournisseurs alternatifs, bénéficiant de l'Arenh (mécanisme qui oblige EDF à vendre de l'électricité nucléaire à prix bradés à ses concurrents), fixaient leur prix. La nouvelle présidente de la CRE souhaite, en effet, s'assurer que ce dispositif bénéficie bien aux consommateurs finaux et ne constitue pas une rente pour les fournisseurs alternatifs.

Sur ce sujet très sensible, elle a voulu appuyer sa différence avec son prédécesseur : « Jean-François Carenco était un avocat de l'Arenh à 150 TWh, ce n'est pas mon cas. Je pense que 120 TWh est un maximum », a-t-elle indiqué. Emmanuelle Wargon a aussi plaidé pour une réforme du marché européen de l'électricité en soulignant que, dans ce domaine, la CRE avait un rôle d'expertise, d'analyse et d'influence.

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Commentaires 8
à écrit le 04/08/2022 à 16:55
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Peu de compétence et de légitimité technique + changement radical de position récent (elle est passé d'anti à pro nucléaire) : comment faire confiance à cette haut fonctionnaire, qui doit tout au pouvoir en place alors que sa mission est d'émettre u...

à écrit le 04/08/2022 à 6:58
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Une honte de plus pour ce gouvernement. Cela ne fera que précipiter la chute du pays.

à écrit le 03/08/2022 à 22:57
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Que Madame Wargon se cherche un nouveau fauteuil et de batte pour l'obtenir n'a rien de choquant. Ce qui l'est toutefois, c'est sa nomination par Emmanuel Macron. Nommer à ce poste une personne aussi contestée est une erreur indigne du Président de l...

à écrit le 03/08/2022 à 22:00
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Anne Lauvergeon version 2.0 !

à écrit le 03/08/2022 à 21:19
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on est dans l entre soi des enarques ne croyez pas que cette dame allait creer son entreprise et se mettre à produire de la richesse , la rente d un comité theodule lui permetra d affirmer ses talents , rappelons nous sa grande declaration au mini...

à écrit le 03/08/2022 à 21:15
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Au moment le plus délicat Macron nomme par copinage une non experte de ces problèmes. A vomir Ah oui il d s agit de récompenser des services rendus quand elle etait chez danone république bananière ou les nominations dépendent du vendredi soir...

à écrit le 03/08/2022 à 19:37
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McKron and Co se paye "des fusibles" avec l'argent des français!

à écrit le 03/08/2022 à 18:12
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L’incompetence récompensée on comprend mieux pourquoi la France va si bien

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