Empreinte carbone : TotalEnergies assigne Greenpeace en justice pour « informations fausses et trompeuses »

TotalEnergies et Greenpeace France s'écharpent depuis des mois sur l'empreinte carbone du géant pétrogazier français. L'ONG l'a estimée quatre fois plus lourde que les chiffres officiels dans un rapport. En réponse, le groupe assigne Greenpeace France en justice dans une procédure au civil devant le tribunal de Paris, ouvrant la voie à un débat inédit sur les méthodes de comptabilité carbone.
En mars, TotalEnergies a par ailleurs annoncé le renforcement de ses objectifs à court terme de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre liées aux produits pétroliers.
En mars, TotalEnergies a par ailleurs annoncé le renforcement de ses objectifs à court terme de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre liées aux produits pétroliers. (Crédits : PASCAL ROSSIGNOL)

TotalEnergies contre-attaque contre Greenpeace. En novembre dernier, dans un rapport baptisé « bilan carbone de TotalEnergies : le compte n'y est pas », la branche française de l'ONG dénonçait le fait que le géant pétrogazier aurait rejeté « un total d'émissions de 1,6 milliard de tonnes d'équivalent CO2, alors que le groupe indique avoir émis 455 millions de tonnes » sur l'année 2019. TotalEnergies avait dénoncé dans la foulée une « méthodologie pour le moins douteuse » et menacé l'ONG de poursuites. C'est chose faite six mois plus tard. Le groupe a assigné Greenpeace France en justice devant le tribunal de Paris, a-t-il indiqué ce mercredi 3 mai.

« Greenpeace et Factor-X (le cabinet à qui le rapport a été commandé par l'ONG, ndlr) ont diffusé des informations fausses et trompeuses, reposant sur une méthodologie contestable et comportant de multiples erreurs, doubles comptages et approximations, aboutissant à un résultat incohérent » sur le calcul du bilan carbone, a-t-il précisé.

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Une procédure au civil plutôt qu'au pénal

Greenpeace a elle-même annoncé son assignation, au civil. Elle estime qu'elle constitue une « poursuite-bâillon », puisque l'entreprise exige que Greenpeace supprime le rapport de son site et cesse d'en parler.

« Ces procédures au civil, ce n'est pas complètement anodin. Total aurait pu nous attaquer pour diffamation » au pénal, ou via des procédures « plus classiques suite à une publication », a réagi auprès de l'AFP Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. « Là, on sait qu'on est partis pour plusieurs années » d'échanges écrits entre les deux parties.

La procédure présente un avantage, à l'heure où des milliers d'entreprises promettent la neutralité carbone, un concept non harmonisé et mal vérifié. Elle va « permettre, au moins, d'avoir des débats de fond sur la question de la comptabilité carbone de Total », considère Jean-François Julliard.

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1 euro symbolique de dommages et intérêts

TotalEnergie nie de son côté tout « bâillon ». « Nous acceptons la critique et nous acceptons que notre stratégie soit critiquée », a répondu un porte-parole du groupe. Néanmoins, Greenpeace France et Factor-X ont utilisé « des méthodologies qu'ils savaient forcément défaillantes et qui aboutissaient à des résultats incohérents », a-t-il ajouté.

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L'assignation devant le tribunal judiciaire de Paris vise à ce que le « préjudice subi » par la compagnie soit reconnu, explique-t-il. TotalEnergies réclame un euro symbolique de dommages et intérêts. Le même tribunal judiciaire de Paris est également la juridiction de la procédure civile intentée cette fois par Greenpeace contre TotalEnergies pour greenwashing dans sa communication autour de ses objectifs climatiques, via le motif juridique des pratiques commerciales trompeuses.

Un plan de réduction des émissions qui laisse sceptique

En mars, TotalEnergies a annoncé le renforcement de ses objectifs à court terme de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre liées aux produits pétroliers. Il vise une réduction de 30% « dès 2025 » (contre 2030 précédemment) par rapport à 2015 pour les émissions générées par les carburants et le kérosène brûlés par ses clients (dites scope 3, dans la comptabilité carbone), qui représentent aujourd'hui la majorité de l'empreinte carbone du groupe. Et de 40% en 2030, soit un total d'émissions passant de 350 millions à 210 millions de tonnes d'équivalent CO2.

Concernant l'énergie consommée par ses propres installations (scopes 1 et 2), qui représente historiquement de l'ordre de 10% de l'ensemble de ses émissions, TotalEnergies se fixe « un nouvel objectif » d'émissions de moins de 38 millions de tonnes de CO2 en 2025 (contre 40 millions précédemment).

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Le groupe a également confirmé sa volonté de consacrer, en 2023, 5 milliards de dollars aux investissements bas carbone, comprenant 1 milliard au titre de l'efficacité énergétique de ses installations et 4 milliards en énergies bas carbone (solaire, éolien, séquestration de carbone, hydrogène, etc.).

L'ONG Reclaim Finance a appelé « les investisseurs à sanctionner la direction de TotalEnergies pour ce plan incomplet et non aligné » sur une trajectoire de limitation du réchauffement climatique mondial à 1,5°C, par rapport à la fin du 19e siècle. Réponse le 26 mai prochain lors de l'assemblée générale des actionnaires.

(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 03/05/2023 à 23:28
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Il était temps que l'on renvoie dans les cordes tous ces ONG qui dénigrent sans arrêt nos multinationales. Je ne les ai jamais entendu sur Aramco, Exxon, les pétroliers Russes, Sinopec ou autres.

à écrit le 03/05/2023 à 14:26
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C'est étonnant, ces groupes de pression anglophones dits "indépendants " qui n'attaquent pas de la même façon les groupes anglo-saxons... Il n'y aura pas un juge ou un procureur pour s'y intéresser ? Pas d'enquête parlementaire non plus ? Même un min...

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