En pleine crise de l’énergie, Engie explose ses bénéfices

Engie a dégagé de confortables bénéfices en 2021, avec un résultat d’exploitation en augmentation de plus de 40 % par rapport à l'année dernière, a annoncé l'entreprise ce mardi 15 février. Et pour cause, le groupe tricolore a profité d'un contexte favorable, entre flambée des prix de l'énergie et meilleure disponibilité des réacteurs nucléaires en Belgique. Il se montre par ailleurs optimiste pour les années à venir, tablant sur une progression régulière de ses résultats, malgré la sortie du nucléaire décidée par Bruxelles. Et reste fidèle à son objectif de neutralité carbone d'ici à 2045, malgré la prégnance du gaz fossile dans ses activités.
Marine Godelier
(Crédits : STEPHANE MAHE)

Après une année 2020 marquée par la crise sanitaire et les déconvenues du nucléaire belge, dont Bruxelles a décidé de sortir d'ici à 2025, l'horizon s'éclaircit pour Engie, toujours opérateur de sept réacteurs répartis dans deux centrales en Belgique. Et pour cause, le taux de disponibilité du parc atomique y est passé de 63% en 2019 à 92 % l'an dernier. Un niveau « extraordinaire », a salué ce mardi la directrice générale du groupe, Catherine MacGregor. Et ce n'est pas tout : l'entreprise tricolore a également été «  portée par les prix de l'énergie », qui explosent depuis plusieurs mois en Europe et ailleurs.

Autant d'éléments qui lui ont permis de dégager un bénéfice net de 3,7 milliards d'euros en 2021, après trois années consécutives de pertes. Le difficile exercice de 2020 et ses pertes estimées à 1,5 milliard d'euros sont ainsi oubliés, et l'entreprise fait même mieux que 2019, où le bénéfice net avait atteint 1 milliard. Le résultat net récurrent (hors exceptionnels) a pour sa part progressé de 85% à 3,2 milliards. Et son résultat d'exploitation a bondi de 42 % à périmètre constant, à 6,1 milliards d'euros.

Mais les annonces n'ont pas suffi à convaincre les investisseurs dans l'immédiat : le titre Engie perdait 1,44% mardi vers 10H00 à la Bourse de Paris, dans un marché en hausse de 0,98%. A la clôture de la Bourse, le titre chutait de 0,48%.

Sortie du nucléaire

Sans surprise, c'est le nucléaire qui a assuré la majorité des gains, dégageant à lui seul 1,1 milliard de bénéfice supplémentaire par rapport à l'année précédente. Mais cet actif « va peu à peu disparaître pour arriver à une trajectoire de croissance d'autres global business unit, notamment les énergies renouvelables et Energy Solutions », qui regroupe infrastructures décentralisées et les services aux entreprises ou collectivités, a précisé Catherine MacGregor.

Autant d'investissements qui, avec une amélioration prévue de la productivité, « devraient plus que compenser la baisse des résultats du nucléaire en Belgique consécutive à l'arrêt des centrales d'ici 2025 », décidée par le royaume, fait-on valoir dans l'entreprise. Après beaucoup d'hésitations, Bruxelles a en effet décidé à la fin de l'année dernière qu'elle allait bien arrêter ses sept réacteurs nucléaires actuels à l'horizon 2025. Pour financer le démantèlement, Engie a mis de côté des provisions de 14 milliards d'euros.

Le gouvernement belge doit faire voter au printemps un projet de loi qui se traduira par une accélération des déboursements pour Engie dans ce domaine. Ils seront augmentés de 700 millions d'euros par an entre 2022 et 2024, a annoncé le groupe. « Cela ne change pas le montant total des provisions ni la dette nette d'Engie », a précisé Catherine MacGregor.

Frein sur les éoliennes terrestres

Outre le nucléaire, la croissance des profits a été tirée par les deux principales activités d'Engie, les renouvelables (+22 %) et les infrastructures gazières comme GRDF et GRTgaz (+13 %). Elles ont bénéficié de la hausse des prix de l'électricité et du gaz. En tout, Engie opère quelque 34 gigawatts (GW) de capacités de production d'électricité hydraulique, éolienne et solaire, 3 GW de plus qu'il y a un an.

Mais le plan d'Emmanuel Macron, qui vient d'annoncer sa stratégie énergétique sur le long cours, pourrait freiner la cadence. En effet, le chef de l'Etat a acté son objectif de développer massivement l'éolien marin, mais a rétropédalé sur les éoliennes terrestres : pour ces dernières, il souhaite multiplier par deux la capacité actuelle en 30 ans, plutôt qu'en 10 ans comme prévu jusqu'à présent. Mais Engie, qui se présente comme le premier acteur éolien en France, y voit une annonce pragmatique pour un secteur qui se heurte souvent à des oppositions.

« On est peut-être probablement plus en ligne avec ce qui va pouvoir être fait en pratique. [...] Les objectifs sur l'éolien terrestre, c'est vrai qu'ils sont un petit peu en recul par rapport à des ambitions qui avaient été initialement envisagées mais dont on voyait qu'en pratique elles manquaient un peu de réalisme », a ainsi fait valoir Catherine MacGregor.

Des perspectives favorables

Malgré tout, Catherine MacGregor s'affiche confiante sur l'avenir. Et table désormais sur un résultat net récurrent de 3,1-3,3 milliards pour 2022, puis 3,2-3,4 milliards en 2023 et enfin 3,3-3,5 milliards en 2024. L'excédent brut d'exploitation atteindra jusqu'à 11,7 milliards à cet horizon, contre 10,6 milliards en 2021. Quant au bénéfice d'exploitation, il sera compris entre 6,4 et 6,8 milliards d'euros en 2024. Et l'excédent brut d'exploitation atteindra jusqu'à 11,7 milliards à cet horizon, contre 10,6 milliards en 2021, affirme le groupe.

Sur les seules énergies renouvelables, Engie anticipe « 1200 GW de capacités supplémentaires d'ici à 2030 ». Quant au gaz, auquel le groupe reste évidemment très exposé, « Engie est bien positionnée pour l'avenir, car présente sur toute la chaîne de valeur du gaz décarboné, du biométhane à l'hydrogène », a tenu à rassurer la directrice générale.

Reste que, sur ce point, le défi s'avère immense pour l'entreprise, qui s'est fixé comme objectif d'atteindre la « neutralité carbone » d'ici à 2045. En attendant, elle peut en tout cas s'appuyer sur l'inclusion récente du gaz fossile dans la taxonomie verte de la Commission européenne, dont le but est de classer les activités durables afin d'orienter les investisseurs vers celles-ci.

Lire aussi 8 mnLe gaz et le nucléaire dans le label "vert" de l'UE, une aubaine pour EDF et Engie

Le groupe, qui se présente volontiers comme un champion de la transition énergétique, consultera par ailleurs ses actionnaires sur sa stratégie climatique lors de la prochaine assemblée générale, prévue le 21 avril prochain.

Marine Godelier

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Commentaire 1
à écrit le 15/02/2022 à 20:44
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De GDF, une entreprise nationale bradée à Engie, c'est à dire Suez, la pire des entreprises capitalistes, il n'y a rien de bon à en tirer pour les usagers et beaucoup d'argent pour les actionnaires

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