L'éolien terrestre n'est pas la priorité du gouvernement

Au fil des mois et des élections, les éoliennes terrestres sont devenues un objet politique, et surtout polémique. Lors de leurs dernières prises de parole, les chefs du gouvernement et de l'Etat ont tenu des propos très frileux à leur égard, privilégiant la politique du cas par cas. Pas de quoi, toutefois, susciter l'inquiétude dans la filière, pour qui les objectifs de volumes restent inchangés.
Juliette Raynal
(Crédits : Pascal Rossignol/Reuters)

L'éolien terrestre est-il une victime collatérale de cette période de campagne électorale ? Déjà largement critiqués pendant les élections régionales et départementales par les candidats d'extrême droite et de droite, ces géants à trois pales qui constellent certaines campagnes françaises peinent aujourd'hui à convoquer le plein soutien des politiques.

Ce week-end, lors d'un déplacement à Saint-Nazaire, le Premier ministre, Jean Castex a bien annoncé un plan d'investissements massif de 25 milliards d'euros sur cinq ans en faveur du développement des énergies renouvelables électriques. Mais une très faible part de cette enveloppe sera effectivement consacrée à l'éolien terrestre, l'accent étant porté sur le développement de l'énergie photovoltaïque, considérée comme plus acceptable.

Jean Castex l'a expressément indiqué :

"Je peux déjà vous dire que près des deux tiers de ces investissements, c'est notre objectif politique, et c'est la priorité, seront réalisés sur l'énergie solaire qui constitue l'axe prioritaire de notre stratégie en matière d'énergie renouvelable électrique".

Une politique du cas par cas

La prudence est, elle, clairement de mise pour aborder l'éolien terrestre :

"Les appels d'offres que je viens d'annoncer doivent aussi permettre de réaliser des projets éoliens terrestres dans les endroits où nous pouvons les réaliser parce qu'ils sont adaptés et pertinents", a précisé le Premier ministre, et de souligner qu'il était impératif "d'autoriser les projets éoliens au cas par cas et de manière plus équilibrée sur le territoire national".

Plus loin dans son discours, Jean Castex explique clairement que l'éolien terrestre n'est pas prioritaire.

"Plus que l'éolien terrestre, c'est le développement des parcs éoliens en mer qui doit constituer, après le solaire, le deuxième axe prioritaire de notre stratégie en matière d'énergies renouvelables".

Pour Emmanuel Macron, il faut "savoir y renoncer"

Le chef du gouvernement reprend ainsi les propos, teintés d'une très grande frilosité, qu'avait tenus Emmanuel Macron lors de sa visite, fin juillet, en Polynésie française. Lors d'un discours consacré à l'urgence climatique, le président de la République avait prôné "le cas par cas" pour éviter "d'abîmer nos paysages", en avançant même que "là où les projets créent trop de tensions ; là où ils dénaturent le paysage, il faut savoir les adapter ou y renoncer".

A ces discours politiques peu élogieux sur les éoliennes terrestres, viennent s'ajouter de nouvelles mesures pouvant complexifier leur développement. En juin dernier, le gouvernement a décidé de muscler les règles d'implantation vis-à-vis des radars militaires. Alors qu'il était jusqu'ici de 30 km, le périmètre autour des radars militaires où l'implantation des parcs éoliens est strictement contrôlée est désormais de 70 km.

Par ailleurs, la loi Climat et Résilience, qui a été promulguée la semaine dernière, donne plus de pouvoirs aux maires. Ces derniers devront recevoir un résumé d'une étude d'impact un mois avant qu'un dossier d'implantation ne soit déposé à la préfecture. L'objectif étant d'instaurer un processus de dialogue pour permettre aux maires de rendre un avis officiel sur les projets et d'inciter les développeurs à répondre à leurs observations. Il ne s'agit toutefois pas d'un droit de veto, souhaité initialement par certains sénateurs.

La méthode change, pas les objectifs

Du côté de la filière, l'heure n'est toutefois pas à l'inquiétude.

"Dans notre lecture, le développement de l'éolien terrestre n'est pas remis en cause. Les objectifs de volumes en matière d'éolien terrestre restent intacts, ce que le gouvernement souhaite changer c'est la méthode", observe Alexandre Roesch, délégué général du Syndicat des énergies renouvelables (SER).

"Nous restons évidemment très vigilants à la campagne de désinformation sur l'éolien terrestre depuis que Stéphane Berne a repris sans vergogne de fausses informations dans une tribune", ajoute Michel Gioria, délégué général de France énergie éolienne. L'association de professionnelle rappelle également que sur les 1.800 parcs éoliens que compte la France, "dans la très grande majorité des cas, la cohabitation avec les riverains et les élus locaux se passe très bien. Il faut le faire savoir".

Mais cette nouvelle approche au cas par cas ne peut-elle pas nuire au développement de l'éolien terrestre, dont la capacité installée doit être multipliée par deux entre 2019 et 2028, selon la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) ?

"Le cas par cas est déjà une réalité, répond Alexandre Roesch. On ne développe pas un projet dans la Mayenne de la même manière qu'un projet dans le Grand Est". Le délégué général du SER reconnaît toutefois "une attente très forte d'exemplarité du gouvernement""Il ne faut pas être aveugle, l'éolien est devenu un objet politique", ajoute-t-il.

L'éolien terrestre pas si en retard

Pour les professionnels du secteur, le fait que la priorité soit donnée au solaire n'est pas, non plus, une surprise. "Cet ordre de priorité était déjà établi comme ça lors du vote de la PPE", rappelle Alexandre Roesch. Celle-ci prévoit en effet un doublement des capacités éoliennes terrestres, pour atteindre 35 GW, alors que la capacité du photovoltaïque doit, elle, être multipliée par 4,5 sur le même laps de temps.

"L'éolien est la seule filière à avoir tenu ses objectifs lors de la précédente PPE. Aujourd'hui, nous sommes en retard sur la trajectoire de 2028, mais le différentiel est moins important par rapport au solaire. Les investissements annoncés par Jean Castex visent donc à combler le retard que le solaire a accumulé", analyse, pour sa part, Michel Gioria.

Pour tenir les objectifs fixés par la PPE en 2028, 1.900 mégawatts de capacité d'éolien terrestre doivent être installés chaque année. En 2020, année marquée par un confinement strict, seuls 1.100 mégawatts ont été installés. Il est encore trop tôt pour tirer un bilan 2021, mais une certitude demeure : la barre des 1.900 mégawatts ne sera pas atteinte.

"Notre objectif est d'atteindre ce rythme en 2022 car la régularité dans le rythme annuel est très importante. Si on accumule trop de retard, il sera impossible de le rattraper d'un coup et d'installer, par exemple, 7.000 mégawatts sur une seule année", alerte toutefois Michel Gioria.

Les espoirs de l'éolien en mer

Pour atteindre ce rythme de croisière, les professionnels du secteur misent beaucoup sur la circulaire présentée par la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, en mai dernier. Celle-ci demande aux préfets de région de cartographier les zones favorables aux implantations des éoliennes. Ils y voient une solution pour lever les contraintes actuelles qui ont conduit à un fort impact paysager, avec une concentration des éoliennes dans certaines zones seulement, comme dans les Hauts-de-France et dans le Grand-Est. Les préfets devront remettre leur copie d'ici à la fin de l'année.

Quid des parcs éoliens en mer, sur lequel mise davantage le gouvernement ? Leur développement n'est pas, non plus, promis à un long fleuve tranquille. Leur déploiement a déjà pris un retard considérable et même si leur implantation apparaît aujourd'hui moins polémique que celle des éoliennes terrestres, elle n'est pas exempt de contestations, comme le montre notamment les conflits avec les pêcheurs. La technologie d'éoliennes flottantes, qui permet d'installer les parcs beaucoup plus loin des côtes, apparaît donc comme une solution très pertinente. Mais les coûts sont encore très élevés et les défis liés aux raccordements restent importants.

"Compte tenu des travaux engagés sur l'éolien en mer, nous serons, au mieux, à 18 GW de capacité installée en 2035. Au regard du rythme de développement des projets, il est important d'avoir une politique coordonnée sur l'offshore et le terrestre. Sinon, nous n'atteindrons pas les objectifs de décarbonation", estime Michel Giora.

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                 Plainte des pêcheurs contre le parc éolien de la baie de Saint-Brieuc

Le comité des pêches des Côtes-d'Armor a déposé plainte jeudi dernier contre le projet de construction du parc éolien en baie de Saint-Brieuc, dont le chantier confié à la société Ailes Marines a démarré en mai, pour pollution et atteintes à l'environnement.   Dans leur argumentaire, les avocats dénoncent l'absence de concertation préalable des associations de protection de l'environnement, l'inachèvement des études d'impact ainsi qu'un manque de suivi des éventuelles nuisances depuis le démarrage du chantier, notamment sur les oiseaux marins, reprochant à Ailes Marines de "détruire, altérer et dégrader la biodiversité". Dans un courrier adressé au préfet maritime de l'Atlantique, les avocats réclament par ailleurs l'immobilisation de l'Aeolus, navire de forage responsable de deux pollutions de fluides hydrauliques les 14 juin et 28 juillet et qui a été autorisé selon eux le 18 août à reprendre le forage des pieux. A la suite de la première fuite, le navire avait regagné son port d'attache aux Pays-Bas pour des travaux. Une enquête a été ouverte par le parquet de Brest.



Juliette Raynal

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Commentaires 7
à écrit le 01/09/2021 à 11:43
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FEE...il suffit d'un bon lobby, bien efficace, pour faire peur aux politiques. L'éolien c'est d'abord une histoire d'argent.

à écrit le 31/08/2021 à 18:10
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Le potentiel énergétique terrestre étant plus faible notamment du fait d'obstacles géologiques (cf. montagnes), il semble plutôt raisonnable de ne pas accorder la priorité à l'éolien terrestre. La vrai question est de savoir comment optimiser la...

à écrit le 31/08/2021 à 13:17
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41,5 milliards pour l'éolien pour moins de 2% de la production électrique.... (source la cour des comptes 2018). Les producteurs de zones industrielles éoliennes sont les mêmes qui installent les centrales à gaz, normal quand les pales ne tournent pa...

le 31/08/2021 à 14:54
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c est simple, en fait; le kwh eolien offshore produit coute 40 euros, se construit en 2 ans contre un kwh nucleaire produit a 110 euros et qui se construit en 15 ans avec retards et surcouts (EPR) sans compter les dechets radioactifs ( 30 wagons de d...

le 31/08/2021 à 23:47
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Chiffres farfelus. Le cout du kWh nucleaire et d environ 50€. Celui de l eolien terrestre de plus de 70€, l EPR aussi vers 70€. L eolien en mer est entre 140 et 200 €. Ce n est pas conteste par les fans de l eolien, c est meme explicite dans le dossi...

à écrit le 31/08/2021 à 9:31
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La priorité du gouvernement.... ne serait il pas, de ne pas décevoir les rentiers? Soit en maintenant celle en place ou en créant de nouvelle!

à écrit le 31/08/2021 à 9:19
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Disons que les éoliennes en mer ont beaucoup de lobbys ennemis comme ceux de la pêche et des producteurs d'énergies canal historique mais les terrestres en ont encore plus avec le puissant lobby agro-industriel et immobilier. Ça fait beaucoup de poid...

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