Le solaire des particuliers menacé au Parlement européen

[ EXCLUSIF ] Selon les nouvelles règles préparées par le Parlement européen, les écoles, hôpitaux ou particuliers qui décident de se doter de panneaux solaires pourraient être soumis aux mêmes règles que les grands fournisseurs d’énergie. Après bien des promesses, de nouveaux obstacles surgissent qui risquent de tuer dans l'oeuf l'avènement de l'électricité "citoyenne" soit la production d’électricité locale et domestique, décentralisée... Un article de notre partenaire Euractiv.
La production d'énergie à petite échelle sera peut-être bientôt rendue très difficile.
La production d'énergie à petite échelle sera peut-être bientôt rendue très difficile. (Crédits : Tom Jutte / Flickr)

Le dernier affrontement en date au Parlement européen concerne les renouvelables : les petites installations devraient-elles bénéficier d'une priorité sur les grands fournisseurs et être exemptés de certaines de leurs responsabilités ?

Dans une série de propositions dévoilée il y a un an, la Commission promettait de donner aux consommateurs les commandes de la révolution énergétique, assurant que « les consommateurs et les communautés seront amenés à participer activement au marché de l'électricité et à produire leur propre électricité, la consommer ou la vendre sur le marché ».

Une proposition à rebours de la philosophie de la Commission

La proposition de Krišjānis Kariņš, l'eurodéputé (PPE) letton, chargé du projet de directive sur la conception des marchés d'électricité, contredit la philosophie de la Commission, appliquant aux petites installations les mêmes règles qu'aux grands fournisseurs, selon les informations obtenues par Euractiv. Il se retrouve donc confronté à une pression croissance de la part de petits producteurs d'énergies renouvelables passablement énervés.

« Il y a une grande différence entre les renouvelables à échelle réduite ou les communautés énergétiques locales et les grandes exploitations électriques », souligne Sebastian Mang conseiller énergie chez Greenpeace UE.

Ne pas faire la distinction entre ces deux catégories irait « à l'encontre de l'objectif annoncé par l'UE de donner le contrôle au consommateur », prévient-il.

Absence d'équité entre grands et petits producteurs

Un avertissement repris par l'association professionnelle SolarPower Europe.

« Aujourd'hui, il n'existe pas d'équité entre un fournisseur étatique disposant d'un très grand parc solaire et un agriculteur ayant installé des panneaux sur son toit », fait remarquer Aurélie Beauvais, directrice des politiques de l'association.

Pour les producteurs de renouvelables à petite échelle, comme les hôpitaux, les agriculteurs et les écoles, dont l'activité principale n'est pas liée à la production d'électricité, « les fardeaux administratifs et financiers [prévus par la proposition du rapporteur] seront fortement dissuasifs », regrette-t-elle.

Contactée, l'équipe de Krišjānis Kariņš n'a pas souhaité faire de commentaire, se limitant à indiquer que la directive et les règles sur les marchés énergétiques étaient encore en cours de négociation.

Suppressions des exemptions réservées aux producteurs à petite échelle

Une version de sa proposition de rapport, obtenue par Euractiv, confirme cependant les craintes de Greenpeace et SolarPower Europe. La plupart des articles liés aux exemptions pour les producteurs d'énergie renouvelable à petite échelle en ont été simplement supprimés.

« Fournir des exemptions à certains acteurs du marché implique une discrimination envers les autres, ce qui nuit fondamentalement à la structure du marché, augmente les coûts pour les consommateurs et crée de l'incertitude pour les investisseurs », lit-on dans un paragraphe justificatif du brouillon de rapport.

Des représentants des groupes politiques du Parlement se rencontrent le 7 février pour tenter de trouver un compromis sur le texte avant sa présentation à la commission de l'industrie, le 21 février. Un vote en séance plénière devrait avoir lieu dans le mois suivant, avant les négociations finales avec le Conseil et la Commission.

Le désintérêt des ministres de l'Energie européens

Les petits producteurs d'énergies n'attendent toutefois pas grand-chose du Conseil, qui représente les 28 États de l'UE. Lors d'une réunion houleuse en décembre, les ministres de l'Énergie ont en effet montré peu d'intérêt pour la question, passant la plus grande partie de leur temps à se quereller sur l'élimination des subventions aux centrales au charbon et au gaz.

Les ministres ont donc évité de se pencher sur la question des producteurs d'énergie et décidé de laisser chaque capitale décider d'appliquer ou non des exemptions aux petits producteurs. Un minimum absolu pour SolarPOwer Europe, qui s'attendait à ce que le Parlement adopte une position plus favorable aux petits producteurs.

Petits producteurs exposés "aux forces disproportionnées du marché"

Or, le projet de texte actuellement discuté au Parlement est encore pire que celui que proposent les États membres de l'UE, déplore Aurélie Beauvais.

« Nous avions la conviction que le Parlement européen s'opposerait à la position du Conseil, mais la dernière proposition du rapporteur, Krišjānis Kariņš, risque d'abaisser encore plus la barre et menace d'exposer les petites installations aux forces disproportionnées du marché »,  craint-elle.

La France et la Grèce sont les pays qui nous ont le plus soutenus, selon SolarPower Europe. Et si l'Allemagne aurait pu être un fervent partisan des énergies renouvelables à petite échelle, le gouvernement est en ce moment trop absorbé par ses négociations de coalition et s'est concentré sur d'autres questions, telles que les mécanismes de capacité pour les centrales au gaz et au charbon, ainsi que la délimitation des appels d'offres pour l'électricité.

Dépendance des petits producteurs aux fournisseurs de services

Les petits producteurs d'énergies renouvelables dépendent fortement des fournisseurs de services, qui prennent en charge les obligations d'équilibrage du réseau et gèrent l'afflux variable d'électricité propre entrant sur les réseaux électriques.

Toutefois, « dans de nombreux pays, il n'y a pas ou peu de fournisseurs de services d'équilibrage », explique Aurélie Beauvais, qui précise que le réseau de distribution - en particulier dans les pays de l'Est de l'UE - doit être modernisé afin de mieux gérer la production décentralisée d'énergie.

Cela peut entraîner des coûts élevés pour les consommateurs qui produisent leur propre électricité. En Bulgarie, par exemple, les coûts d'équilibrage pour les petits producteurs d'énergies renouvelables ont atteint jusqu' à 12 % du tarif de rachat lorsque le pays a décidé de supprimer brusquement les exemptions sur les responsabilités en matière d'équilibrage.

Effet dissuasif sur les petits producteurs

La question de la « taille critique » est également essentielle pour l'acheminement prioritaire de l'électricité verte vers le réseau, souligne la spécialiste, ajoutant que « des exigences administratives coûteuses et lourdes demeurent une condition préalable au commerce de l'électricité sur le marché », ce qui a un effet dissuasif pour les petits producteurs.

En fin de compte, SolarPower Europe prévient que cela aura également un impact négatif sur les communautés locales, les privant d'électricité bon marché et d'emplois qualifiés.

Les conséquences très néfastes de l'inertie des groupes PPE et ADLE

« Les groupes PPE et ADLE ont été très silencieux sur les petites installations », fait remarquer Aurélie Beauvais en évoquant les discussions au Parlement européen avec le Parti populaire européen (PPE) de centre droit et l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE).

« Cela risque de tuer un modèle d'entreprise qui sera extrêmement bénéfique pour une transition énergétique efficace et rentable en Europe, l'autonomisation des consommateurs d'énergie, ainsi que le dynamisme social et économique des communautés locales », conclut-elle, se référant à une étude démontrant que les installations photovoltaïques sur les toits avaient le potentiel de fournir trois fois plus d'emplois que les centrales solaires au sol.

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Par Frédéric Simon, Euractiv.com (traduit par Manon Flausch)

(Article publié le lundi 5 février 2018, mis à jour le 6.2.2018)

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Commentaires 37
à écrit le 10/02/2018 à 12:42
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@ Bachoubouzouc : le solaire "hybride" (souvent de marque française, exemple panneaux Dualsun ou allemande tuiles/adoises Nelskamp) pour 12 à 20 m2 selon le type de maison (plus de 39 millions en France) fournit environ 70% de l'eau chaude et plus de...

le 12/02/2018 à 13:14
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Une chose après l'autre : 1) Le transport et la distribution de l'électricité ne représente pas 2/3 de la facture d'un particulier (comment pouvez-vous y croire sérieusement ?) mais plutôt un tiers. Et tant qu'un client n'est pas parfaitement ...

le 12/02/2018 à 13:16
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"Concernant les coûts du nucléaire, ils sont systématiquement sous-estimés par EDF (comme on peut le constater comparativement aux autres pays)" Comparaisons qui n'ont aucun sens tant les parcs, les réglementations et les acteurs industriels sont ...

le 12/02/2018 à 13:21
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"Pour des durées en semaines, les batteries de flux permettent des prix de moins de 30 euros le MWh solaire inclus par exemple aux Etats-Unis, Australie etc et c'est quasiment pareil en Europe où les prix suivent." Vous nous citez des coûts d'éner...

le 12/02/2018 à 13:23
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" On approche les 45 euros le MWh dans l'offshore en Europe" Oui, pour des endroits peu profonds et à gros productible comme la mer du Nord. Expliquez-moi comment en France on atteindra de tels chiffres avec des conditions nettement moins favorabl...

le 12/02/2018 à 13:25
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"Les écarts de prix sont beaucoup plus importants au cours de l'année que ceux que vous citez" Ah bon ? Citez donc des exemples alors...

le 12/02/2018 à 13:33
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"Il est évident qu'à 130 euros le MWh EPR (tous frais non inclus), ce dernier n'est plus compétitif" Pourtant les britanniques ont décidé d'investir dedans. Peut-être n'ont-ils pas envie de se retrouver dans le noir aux moments sans vent et sans s...

à écrit le 09/02/2018 à 0:03
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Sinon, très bien vu : un pannal solaire fabriqué avec du charbon a un bilan carbone défavorable. Soit,... Mais bon, l'écologie, c'est surtout de l'argent. Le reste...

à écrit le 09/02/2018 à 0:00
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Bonjour. Je viens de lire ceci dans les commentaires : "la transition en France a démarrée mollement il y a environ 7 ans seulement". Certes, ce n'est pas encore 10 ans. Soit, ma simple question : au bout de 10 ans, quel pourcentage de la puissance i...

à écrit le 08/02/2018 à 15:11
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Toute l'histoire des EnR depuis le debut : une administration - y compris francaise - schyzophrene, qui tantot promeut (mollement) les EnR, tantot sabote leur développement quand la seule logique economique prevaud. Les EnR remplacent progressivemen...

le 08/02/2018 à 23:30
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Et vous dites quoi aux allemands qui, parce qu’ils ont investi dans des ENR au lieu d’investir dans des solutions de décarbonation qui marchent, continuent de nous polluer avec leur charbon ? Petit rappel : Le WWF a chiffré l’impact sanitaire du cha...

le 09/02/2018 à 8:26
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Quelle horrible horreur ! Vous vous rendez-compte ? des gens voudraient laisser les gueux produire leur énergie ? pourquoi pas les laisser produire leur nourriture tant qu'on y est ? Et puis faire leurs lessive et leur travaux d'entretien eux même ...

à écrit le 08/02/2018 à 14:16
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Le problème, c'est que ces installations de particuliers ont un coût. Pour les financer, les fournisseurs , taxent les autres clients ne bénéficiant pas de ces installations. CQFD, la facture augmente pour les consommateurs .

à écrit le 08/02/2018 à 9:30
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Le consortium financier européen moyenâgeux et rétrograde prend une nouvelle fois une mesure contre la liberté économique individuelle. Vite un frexit, on étouffe au sein de cette UE des riches.

le 09/02/2018 à 20:33
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En l'occurence, l'UE lutte ici contre des subventions inutiles. Donc en matière de liberté économique individuelle ça va plutôt dans le bon sens.

à écrit le 08/02/2018 à 9:30
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Le consortium financier européen moyenâgeux et rétrograde prend une nouvelle fois une mesure contre la liberté économique individuelle. Vite un frexit, on étouffe au sein de cette UE des riches.

à écrit le 07/02/2018 à 19:04
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Ils veulent probablement laisser du temps aux producteurs et fournisseurs de s'organiser et d'adapter leurs infrastructures. N’oublions pas le contexte de montée en puissance des ENR et de la difficulté rencontrée par les producteurs dans cette ph...

le 09/02/2018 à 20:10
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Le modèle économique du stockage est de se rémunérer avec le différentiel de prix entre heures creuses et heures de pointe : On achète et stocke en heure creuse et on revent en heure de pointe. Or ce différentiel de prix est en Europe de l'ordre d...

le 09/02/2018 à 20:25
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Ensuite il faut bien voir qu'en l'absence de solution massive de stockage, les ENR intermittentes type solaire et éolien sont construites en plus et non en remplacement de moyens de production pilotables classiques : Parce que vous n'avez aucune g...

le 09/02/2018 à 20:31
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Et c'est la raison pour laquelle la transition énergétique allemande est un échec complet : Ils ferment des centrales nucléaires mais ne touchent pas à leur parc charbon et gaz, ils émettent donc toujours à peu près autant de CO2 pour produire leu...

à écrit le 07/02/2018 à 18:34
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La progression rapide du solaire en particulier hybride (thermique + PV) a énormément d'avantages (c'est un apport énergétique majeur dans l'habitat etc) et ne peut se faire qu'avec l'ensemble des entreprises, commerces, agriculteurs, particuliers et...

le 07/02/2018 à 18:56
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Comme toute chose, on peut évaluer les qualités et les défauts du solaire, et sa pertinence au global, par une analyse technico-économique. Or ce qu'on constate aujourd'hui, c'est qu'à coup de 2,5 milliards d'euros par an au titre de la CSPE, avec...

le 07/02/2018 à 20:00
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@ Bachoubouzouc : je parle de solaire "hybride" et d'implantation directe dans les bâtiments (dès le départ ou en rénovation, toiture et même vitrages). Cà fournit la chaleur et l'électricité en plus de la mobilité (voire du froid et amélioration de ...

le 07/02/2018 à 23:51
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Le PV intégré au bâti (= sur la toiture des particuliers) est en ce moment achetée à un tarif d'environ 200€/MWh, contre 50€/MWh tout compris pour le nucléaire historisque (voir le rapport de la Cours des Comptes). Cela explique les montants faram...

le 08/02/2018 à 18:13
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Encore une fois je parle d'hybride (thermique + PV) ce dernier remplace durablement des importations de fossiles qui sont en France de quelques 70 milliards d'euros par an en créant des emplois en France. Donc reprenez le calcul avec le potentiel sol...

le 09/02/2018 à 21:20
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@ Energéticien : Si votre panneau est fabriqué en France, et installé par un français, et qu'il est posé sur une maison chauffée au gaz, alors je suis d'accord avec vous. Mais vous reconnaitrez que ce cas est très loin de représenter l'ensemble...

à écrit le 07/02/2018 à 17:54
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Et ce Letton, il dépense son énergie pour qui?

à écrit le 07/02/2018 à 17:40
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L'électricité "citoyenne", c'est du pipo. Injecter dans un réseau électrique de la puissance solaire intermittente ferait de vous un meilleur citoyen ? C'est le contraire qui se passe; à coup de subventions, financées par des taxes genre CSPE, le pri...

à écrit le 07/02/2018 à 17:08
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Comme quoi le marché de l'électricité est un marché particulier sur lequel la concurrence n'apporte rien surtout au niveau du petit consommateur mais bénéficie uniquement aux petits malins

à écrit le 07/02/2018 à 15:46
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Pour compléter mon précédant propos : Le métier d'agrégateur consiste à prévoir la production de vos installations clientes en fonction de la météo, mixer l'énergie solaire, éolienne, hydraulique et autre pour pouvoir proposer l'électricité sur le...

le 07/02/2018 à 18:20
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@bachoubouzouc +1000. Mais pour une réaction sensée, combien de lecteurs crient au loup en n'ayant absolument rien compris au fonctionnement du système.

le 07/02/2018 à 18:48
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Tout à fait d'accord, ce n'est pas aussi simple comme on voudrait nous le faire croire !

à écrit le 07/02/2018 à 15:24
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Le problème d'un business qui, quoi qu'il en dise, ne peut pas vivre sans subventions. De quoi on parle : Les énergies solaires et éoliennes produisent non pas quand on en a besoin, en fonction de la consommation, mais quand il y a du vent et d...

à écrit le 07/02/2018 à 14:55
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Il faut «  réformer » l’Europe actuelle. Les Britanniques ont bien compri le problème De cette administration lourde et trop de pays adhérents , la gestion devient trop lourde D’ou Un Frexit serait une solution ou une réforme de l’Europe.

à écrit le 07/02/2018 à 13:46
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l'UE... ou comment les intérêts des puissants lobbies sont défendus au nom du soit disant intérêt du consommateur.

à écrit le 07/02/2018 à 13:16
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Où l'on voit une fois encore que cette Europe est plus le problème que la solution...

à écrit le 07/02/2018 à 13:14
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Une mission pour Mosco, qui, plutôt que de dire n'importe quoi le dimanche après midi aux journaux dominicaux, ferait mieux de jouer des coudes sur de tels sujets. Merci de la part d'un contribuable français.

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