Service de prospective de Matignon, France Stratégie tire la sonnette d'alarme. Pour mener à bien la rénovation énergétique du bâti en France, il va falloir mettre les bouchées doubles en matière de recrutement et de formation d'ici 2030. Au total, les besoins sont estimés entre 170.000 et 250.000 emplois supplémentaires, indique la projection, basée sur les différents scénarios de montée en puissance des rénovations, nécessaires à la transition climatique de la France (scénarios de la Planification écologique rattachée à la Première ministre, Ademe, Negawatt...).
Les régions comptant une grande proportion de passoires énergétiques (quart Nord-Est, Centre) et de chaudières au fioul (autour du Massif central, Est), selon ce rapport réalisé après six mois d'auditions, sont particulièrement concernées. Le défi est double, souligne Hélène Garner, de France Stratégie : il faut plus d'effectifs, et améliorer la qualité de l'offre de rénovation.
Renforcer l'attractivité de la filière
Sur les compétences, il faut aider les entreprises, pour beaucoup individuelles, à se former dans la rénovation « performante ». A ce jour, le taux de labellisation RGE (Reconnu garant de l'environnement, ndlr) reste « relativement faible ». En outre, un chantier sur trois contrôlés présente des non-conformités.
Encore faut-il, au préalable, renforcer l'attractivité de ces métiers, qui pèche du côté des ouvriers : les écoles manquent de candidats. Dans le bâtiment aujourd'hui, beaucoup de personnels partent (par exemple pour la logistique ou l'industrie), en tout cas avant la retraite notamment pour des raisons de santé, note le rapport.
« On n'y arrivera pas qu'avec de la formation, ce sont aussi des enjeux de qualité de l'emploi », souligne Hélène Garner (France Stratégie)
En revanche, pour la fonction de cadre, plus attractive, plus de classes et des formations nouvelles sont déjà nécessaires, pour des métiers émergents (chargé de projet, coordinateur de travaux...).
Des incertitudes
Ces projections comportent encore des incertitudes, liées notamment à la demande de rénovations. Aujourd'hui, les aides publiques soutiennent des rénovations partielles, comme le changement d'une chaudière vieillissante. Tout l'enjeu est désormais que les aides solvabilisent les rénovations globales, projets souvent coûteux.
Autre inconnue : le rythme de décroissance de la construction neuve. Pour autant, même dans une hypothèse de forte décrue des chantiers dans le neuf, il ne faudra pas compter sur un transfert de ces ouvriers pour répondre à la demande dans la rénovation. Selon France Stratégie, moins 20% de chantiers libéreraient 50.000 emplois, loin des besoins.
« Dans le secteur du bâtiment, on s'attend à voir des rénovations complètes de plusieurs centaines de milliers de bâtiments par année et on a au mieux 66.000 rénovations complètes par année. Sans ce rythme très très élevé, on ne pourra pas être à la neutralité carbone en 2050 », a résumé la climatologue Corine Le Queré, présidente du Haut Conseil pour le Climat, fin juin, lors de la présentation d'un rapport à la presse.
Les installateurs de pompes à chaleur très demandés
Pour Ariane Komorn, PDG de La Solive, interrogée par La Tribune, l'un des principaux freins aux travaux vient du manque de professionnels dédiés. Elle détaille : « Parmi les professions en tension, en lien avec la rénovation énergétique, il s'agit des artisans et des techniciens spécialisés dans les énergies renouvelables. Nous formons, par exemple, des installateurs de pompes à chaleur qui sont très demandés ».
« Et pour atteindre les objectifs du gouvernement et répondre à la demande, il faudrait au minimum 21.000 installateurs de plus qu'actuellement en France, avait-elle chiffré. Il faut aussi des techniciens de maintenance qui peuvent entretenir et dépanner les équipements dans les maisons et des installateurs de panneaux photovoltaïques qui manquent aussi. »
(Avec AFP)
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