Accusé de « pratiques commerciales trompeuses », l'ex courtier Sfam (Indexia) déchaîne toujours la colère des consommateurs

Poursuivie, sanctionnée pour « pratiques commerciales trompeuses », à nouveau jugée... La Sfam (Celside) est accusée par des milliers de clients d'avoir opéré des prélèvements abusifs sur leur compte bancaire, après qu'ils aient acheté un appareil multimédia en boutique, et pour avoir prétendument signé un contrat avec cette société pour l'assurer. Depuis, l'ex champion des contrats d'assurances affinitaires s'est vu suspendre son statut de « courtier ». Mais cela ne l'a pas empêché de se reconvertir vers les produits technologies reconditionnés et les services Web. L'enseigne a même aujourd'hui pignon sur rue avec ses magasins « Hubside » partout en France. Le tout, alors que des clients se plaignent toujours de prélèvements abusifs et de relances commerciales trompeuses... Récit d'une « success story française » qui a viré au cauchemar pour des centaines de particuliers.
Jeanne Dussueil
Le groupe Indexia, après avoir été épinglé avec la Sfam (Celside), se concentre depuis un an sur le développement de centaines d'« Hubside Store » partout en France.
Le groupe Indexia, après avoir été épinglé avec la Sfam (Celside), se concentre depuis un an sur le développement de centaines d'« Hubside Store » partout en France. (Crédits : Nicolas Guyonnet / Hans Lucas via Reuters Connect)

L'affaire ressemble à l'hydre de Lerne. Comme le célèbre monstre grec, depuis six ans, Sfam, la société qui s'est spécialisée dans l'assurance de téléphones portables et d'appareils électroniques, s'est vu maintes fois couper la tête par les autorités pour ses pratiques commerciales, mais, sans cesse, ses activités repoussent. Dès 2018, il est d'abord reproché à l'ex courtier français de prélever indûment, via des contrats d'assurances affinitaires - prétendument signés lors d'un achat dans des boutiques (Fnac, SFR, Géant, Casino, Darty) -, des sommes colossales sur les comptes bancaires de clients qui n'ont pas connaissance de ces virements. L'affaire est hors normes : plusieurs dizaines de particuliers se sont déjà constitués partie civile pour un procès attendu devant le tribunal correctionnel de Paris le 26 septembre prochain. Les sommes prélevées sans accord se chiffreraient à plusieurs millions d'euros.

La Sfam a commencé à être épinglée il y a six ans, lorsque la répression des fraudes (DGCCRF) a décidé de mener une première enquête administrative pour « pratiques commerciales trompeuses ». L'entreprise avait alors obtenu, en 2019, un accord transactionnel avec le paiement d'une amende de 10 millions d'euros.

Mais cette première sanction n'a pas mis fin aux alertes de clients. Devenue Indexia Group, la Sfam est de nouveau inquiétée en avril 2022 par la DGCCRF pour les mêmes motifs. En avril 2023, elle a même été interdite par le gendarme de l'assurance (ACPR) de distribuer « tout contrat d'assurance ». La sanction est alors temporaire. Dans les faits, malgré les innombrables plaintes, la Sfam possède toujours son statut de « courtier ». Ainsi, même sous le feu des enquêtes, la machine infernale revient toujours. Plusieurs clients indiquent en effet être toujours victimes de ces prélèvements indus, via ses offres de garanties trompeuses.

Des plaintes récurrentes que confirme l'association de consommateurs UFC-Que Choisir qui met encore actuellement en garde sur son site : « ce n'est pas la première fois que la SFAM, devenue Indexia, est surprise à réactiver des mandats de prélèvement pour ponctionner d'anciens clients. »

Contactée par La Tribune, la Sfam n'a pas répondu à nos sollicitations.

Société mutante

Que se passe-t-il concrètement sur les comptes bancaires de ces victimes ? Après avoir acheté un iPhone dans un magasin franchisé en 2017, un habitant de Corse raconte en détail ce qui ressemble à un piège commercial :

« On ne s'est rendu compte qu'en 2021 que nous étions prélevés par différents organismes, avec des intitulés différents. Ceux-ci ne nous évoquaient pas grand chose. Et nous n'étions pas interpellé dans la mesure où il s'agissait de petits prélèvements. Jusqu'à ce qu'on se rende compte que c'était des montants de plus en plus conséquents, puis rapidement, une trentaine d'euros prélevés, et ce, plusieurs fois par mois. 

Nous avons alors contacté la Sfam pour faire opposition. En réponse, elle nous a menacé d'envoyer un huissier si on stoppait les prélèvements », se souvient cette victime, qui souhaite rester anonyme.

« On a aussi demandé un duplicata de ce fameux contrat d'assurance affinitaire. Cela a pris des mois avant de l'avoir. Nous avons découvert que le contrat était signé de manière fallacieuse. Nous avons alors déposé plainte avant de pouvoir résilier le contrat, au final, en octobre 2022 seulement ».

Face à cette victime dont le préjudice s'élève à 9.600 euros, la Sfam promet un remboursement d'environ 7.000 euros. Promesse qui, là encore, n'a jamais abouti. « On a affaire à des gens ultra-formés au téléphone. Ils vous laissent toujours en suspens », a constaté ce particulier. Scandalisé et épuisé, en janvier dernier, cet infirmier libéral en vient même à quitter son village près d'Ajaccio pour se rendre directement au siège, à Romans-sur-Isère. « J'aurais pu incendier des voitures sur leur parking pour obtenir les remboursements », avoue-t-il. Face à son insistance, il obtient alors quatre virements pour un montant de près de 3.000 euros.

Mais l'affaire ne s'arrête pas là puisque, deux mois plus tard, en mars 2024, il constate à nouveau quatre prélèvements non autorisés sur son compte bancaire. « Mon banquier (Banque Populaire) pensait que ces virements étaient bloqués mais ils ont visiblement utilisé une autre identité bancaire. L'émetteur du SEPA avait changé et il ne correspondait pas à ce que la banque avait interdit il y a deux ans. »

Tous les récits des victimes décrivent ces prélèvements similaires, « d'abord de 9,99 euros, puis 19,99 euros, 29,99 euros... pour aller jusqu'à 69 euros. Sept ans après mon achat à la Fnac en 2017 et cette soi-disant souscription, je reçois à nouveau des e-mails de relance ! », a aussi constaté un entrepreneur.

Et à en juger les témoignages sur les groupes Facebook dédiés, les victimes affluent : « toute la presse et la télé en parle mais le groupe continue de prélever ses anciens clients en totale impunité malgré les nombreux procès », écrit Guillaume début mars. « Signal Conso (le service du gouvernement pour dénoncer les fraudes, ndlr) ne sert à rien ! SFAM le sait et en profite... », alerte encore Marie-Françoise.

« Oui, ils (la Sfam) continuent de prélever certains de mes clients qui sont alertés par leurs banques », confirme à La Tribune Emma Leoty, l'avocate qui suit le dossier depuis 2021 et qui représente des centaines de victimes. Un chiffre qui continue d'augmenter.

Une créance de 12 millions d'euros auprès des Urssaf

La surprise de ces particuliers est d'autant plus grande que la Société française d'assurance multirisques (Sfam rebaptisée « Celside ») a été, pour diverses raisons, maintes fois épinglée depuis sa création en 1999 et son virage vers le courtage en assurances affinitaires en 2010.

Mi-mars 2024, l'Urssaf Rhône-Alpes l'a assigné en liquidation en vue de recouvrer près de 12 millions d'euros de créances. Mais aussi, selon les documents consultés par La Tribune, une assignation pour recouvrement de la société Webhelp, spécialisée dans les services numériques, à l'encontre de ses autres entités « Indexia Development » et « SFK Group ». Toujours le même mois, le gendarme d'Internet, la Cnil, l'a condamné à payer une amende de 310.000 euros pour « manquement » concernant le consentement à la collecte de données personnelles à l'encontre d'une de ses filiales, Foriou, un service de remises sur un achat (cashback) et de programmes de fidélités.

Acculée, la société basée à Romans-sur-Isère (Drôme), Roanne (Loire), et dans de nouveaux locaux sur la très chic avenue de la Grande Armée, après l'avenue Kléber à Paris, est-elle inarrêtable ? « On est jamais au bout de nos surprises avec la Sfam », concède l'avocate Emma Leoty. « Tant qu'il n'y a pas d'interdiction définitive d'exercer, il peut continuer à faire souscrire des contrats de services », ajoute celle qui questionne le maintien de son fondateur, Kilani Sadri Fegaier, un jeune entrepreneur de la Drôme d'origine tunisienne, autrefois encensé par la presse.

Car Indexia, la maison mère de la Sfam, plie mais, jusqu'ici, ne rompt pas sous la pression judiciaire. Suite à la saisie de la DGCCRF en 2019, la société avait même affirmé : « (cela) ne nous a pas empêchés d'avancer ». Aussi, ses accusateurs émettent l'hypothèse qu'elle poursuivrait ses prélèvements pour combler en permanence les trous de dettes creusés par les sanctions judiciaires.

Rien n'arrête la « licorne française »

Même, le groupe qui a employé jusqu'à 2.000 salariés, se diversifie, créé de nouvelles activités, à l'image des « Hubside Store », soit 500 nouvelles boutiques partout en France, qui proposent des smartphones, tablettes, télévisions, etc. neufs ou reconditionnés, « pour le bien-être de l'environnement », ou encore des sites Web pour les professionnels.

Rien ne semble arrêter la société qui prône comme valeur cardinale de « ​​replacer l'humain au cœur des préoccupations du groupe ».

En 2011, la Sfam connaît une accélération fulgurante, jusqu'à revendiquer 5 millions de clients en 2018 et visant le milliards d'euros de volume d'affaires deux ans plus tard. Celle qui joue les intermédiaires entre les distributeurs et les assureurs (MMA, Axeria, principalement), pour combler un besoin d'assurer des produits informatiques onéreux, est alors soutenue par les fonds Edmond de Rothschild et Ardian. La « licorne française », valorisée plus d'un milliard d'euros, étend ses services en Belgique, Portugal, Espagne et en Suisse. En 2018, elle rachète même au fonds Knight Vinke ses 11% dans le groupe Fnac Darty et investit dans de nouveaux locaux toujours plus grands. Après la création de nouveaux services (Hubside, Foriou, Serena) qui noient la marque, le chouchou des médias se diversifie encore avec le rachat d'une agence de communication (Actualys). SFAM est aussi parallèlement en passe de devenir l'un des plus gros franchisés de Fnac Darty, après avoir acquis ses magasins dans les quatre coins de l'Hexagone. Une époque faste pendant laquelle l'ETI revendique alors « une croissance de 2.400% en cinq ans ».

Pour accompagner cette croissance insolente, la société recrute à tour de bras : téléconseillers, développeurs, administratifs, informaticiens, financiers, commerciaux... L'un d'eux, basé en Isère pendant un an, raconte à La Tribune :

« J'ai vu que, malgré les appels pour résilier ces contrats, il y avait quand même des prélèvements. Il fallait forcer. »

Cet ex salarié, qui souhaite rester anonyme, poursuit : « J'ai beaucoup d'éthique. C'est pour cela que j'ai quitté cette société ». Le jeune homme, qui se dit « écoeuré par les prélèvements abusifs », a terminé son expérience Indexia sur un abandon de poste.

Chez les employés actuels du groupe Indexia, notamment à Roanne en Isère, l'inquiétude monte. Lourdement endetté selon plusieurs sources, Indexia pourrait terminer sa course lors de la prochaine audience au tribunal de Paris le 24 avril suite à l'assignation des Urssaf Rhône-Alpes. L'intersyndicale craint, pour les employés, qu'elle ne débouche en effet sur une liquidation judiciaire. Un coup d'arrêt qui serait inédit mais là aussi, pas totalement définitif. « En cas d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, il pourra éventuellement faire appel de ce jugement », rappelle Me Leoty.

Jeanne Dussueil

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Commentaires 11
à écrit le 06/04/2024 à 12:05
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Mes posts d'hier 12:14 et 21:16 ne sont pas passés. Pourquoi ? Est-ce que cela dérange ? Qui ? C'est pourtant la réalité ! SFAM/Indexia est poursuivi en justice !

à écrit le 05/04/2024 à 22:41
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Et puis l'État laisse faire, c'est normal? Pauvre France!

le 06/04/2024 à 8:31
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Non ce n'est pas normal. Des centaines de personnes ont été spoliées impunément par cette "entreprise". A se demander qui protège son dirigeant ?

à écrit le 05/04/2024 à 11:11
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Je leur ai vendu mon téléphone en novembre 2023. Le Mr qui a récupéré mon téléphone m’a promis que je serai remboursé dans deux semaines. Là nous sommes en avril bon je n’ai toujours pas été remboursé. malheureusement je suis à l’extérieur. Je ne peu...

à écrit le 05/04/2024 à 11:10
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Je leur ai vendu mon téléphone en novembre 2023. Le Mr qui a récupéré mon téléphone m’a promis que je serai remboursé dans deux semaines. Là nous sommes en avril bon je n’ai toujours pas été remboursé. malheureusement je suis à l’extérieur. Je ne peu...

à écrit le 05/04/2024 à 9:21
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La SFAM est installée à 2 pas du malheureusement célèbre quartier de la Monnaie à Romans. Haut lieu de tous les trafics...ceci explique cela en plus de la mentalité du créateur/cavalier de la SFAM.

à écrit le 05/04/2024 à 8:46
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Bah ils ont un bon réseau. On s'ennuie en nihilisme néolibéral.

à écrit le 05/04/2024 à 8:13
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En 2018 lors de l'achat d'un smartphone à la FNAC j'ai été embobiné par le vendeur qui a tenté me faire prendre une assurance SFAM en m'expliquant que cela me permettrait d'avoir une remise sur l'achat du téléphone mais qu'ensuite je pourrais résili...

le 05/04/2024 à 19:19
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+ 1

à écrit le 05/04/2024 à 8:05
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Rien n'arrête la « licorne française » Dans une société de services, il ne reste que cela pour mettre en valeur la réalité de la vacuité du commerce ! en même temps, si ce n'est pas le macronisme dans sa plus belle expression, qu'est que c'est ! ...

à écrit le 05/04/2024 à 7:30
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Tout part a volo. Plus de justice, la police aux ordres, France terre de liberte ? Ca, c'etait avant....

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