Pourquoi les magasins de Casino, en perte, attirent des repreneurs

La course à la taille entre distributeurs est renforcée par le contexte inflationniste. Mais elle risque de ne pas suffire face à la concurrence accrue.
Giulietta Gamberini
Accroître le nombre de leurs points de vente est un enjeu stratégique pour les enseignes de la grande distribution. Cela permet mécaniquement de gagner des clients. Et en France, où les tarifs payés par les distributeurs aux industriels sont issus de négociations annuelles toujours très tendues, le pouvoir contractuel des enseignes face à leurs fournisseurs dépend de leurs parts de marché.
Accroître le nombre de leurs points de vente est un enjeu stratégique pour les enseignes de la grande distribution. Cela permet mécaniquement de gagner des clients. Et en France, où les tarifs payés par les distributeurs aux industriels sont issus de négociations annuelles toujours très tendues, le pouvoir contractuel des enseignes face à leurs fournisseurs dépend de leurs parts de marché. (Crédits : STEPHANE MAHE)

Auchan et Intermarché sont les seuls concurrents à avoir officiellement confirmé leur offre conjointe de reprise des supermarchés et hypermarchés de Casino, en l'espèce portant sur l'ensemble du parc. Mais, e groupe affirme avoir reçu plusieurs marques d'intérêt, portant sur des périmètres différents.

Pourquoi les magasins Casino, bien qu'en perte, suscitent autant de convoitise ? L'engouement est dû aux caractéristiques propres de ces actifs, ainsi qu'à la structure même du marché de la grande distribution en France.

Un potentiel sans dette

Les difficultés rencontrées par ces magasins sont en effet étroitement liées à la situation financière du groupe qui, en raison de son fort endettement, n'a pas pu investir régulièrement dans leur modernisation, souligne Stéphane Tubiana, expert de la grande distribution au cabinet Roland Berger. Dans un univers où l'expérience client pèse beaucoup sur les achats, cela a engendré une perte progressive de parts de marché, alors que les coûts de la rénovation s'accroissaient au fil des années.

Mais, une fois libérés du poids de la dette du groupe, ils conservent un potentiel pour les éventuels acquéreurs, qui essaient donc de profiter de l'actuelle situation de Casino pour les acheter à un bon prix. Ainsi, les supermarchés sous enseigne Casino revêtent notamment un intérêt pour Intermarché, qui opère des magasins similaires. Les hypermarchés sous enseigne Géant, dont le modèle est davantage obsolète, sont quant à eux néanmoins susceptibles d'intéresser Auchan, qui sait opérer ce genre de structures.

« Les supermarchés et les hypermarchés sont gérés d'une manière très différente », rappelle en effet Stéphane Tubiana.

Intermarché, qui a déjà conclu un accord avec Casino pour acquérir 119 de ses magasins toutes tailles confondues, ainsi qu'une soixantaine en option, rencontre d'ailleurs déjà des difficultés dans la gestion des 14 ex-Géant acquis, révèle une analyse des Editions Dauvers.

Les magasins Casino peuvent aussi permettre à Auchan et Intermarché de compléter leur couverture géographique nationale. Et en joignant leurs offres, complémentaires, les deux enseignes gagnent du poids face aux propositions des concurrents.

L'enjeu du pouvoir face aux industriels

Accroître le nombre de leurs points de vente est en effet un enjeu stratégique pour les enseignes de la grande distribution. Cela permet mécaniquement de gagner des clients. Et en France, où les tarifs payés par les distributeurs aux industriels sont issus de négociations annuelles toujours très tendues, le pouvoir contractuel des enseignes face à leurs fournisseurs dépend de leurs parts de marché. Or, en achetant des hypermarchés ou des supermarchés, on en gagne plus vite qu'en achetant des supérettes, explique Christophe Burtin, associé du cabinet de conseil en stratégie Kea & Partners.

« Ensemble, ces 61 points de vente (ceux de Casino déjà passés sous pavillon Intermarché ou Netto, ndlr) réalisent un chiffre d'affaires de 621 millions d'euros, soit 0,5 % de parts de marché. Ce qui se traduit par 0,5 % de croissance supplémentaire pour le groupement dès leur reprise », expliquait d'ailleurs à La Tribune Dimanche le 15 octobre Thierry Cotillard, président des Mousquetaires.

Le contexte inflationniste aiguise tant la concurrence entre distributeurs que les tensions avec les industriels. Et le poids croissant du leader du secteur, E.Leclerc, secoue un système très déconcentré, où se massent bien plus d'acteurs que dans les autres pays européens. Les marges de la grande distribution s'affinent.

Avoir plus de points de vente signifie aussi pouvoir davantage écraser les coûts centraux des enseignes, souligne Stéphane Tubiana. Et en acheter de déjà existants est moins coûteux et plus rapide que d'en construire de nouveaux.

Une course à la taille potentiellement mortifère

« Obligatoire, cette course à la taille peut toutefois aussi être mortifère si elle n'est pas accompagnée d'une politique commerciale singulière », souligne Christophe Burtin« Le prix reste une condition obligatoire mais pas suffisante pour attirer. Pour s'assurer un bon chiffre d'affaires, il faut simultanément travailler les expériences produit, magasin, et relationnelle », analyse-t-il.

« Une adaptation très difficile à manœuvrer alors que les magasins sont construits pour une longue durée », note l'expert du secteur agroalimentaire et du commerce.

Face à une société de plus en plus fragmentée et en évolution constante, la consolidation du marché pourrait donc aussi conduire à une disparition des acteurs incapables de travailler sur un positionnement original de leurs marques. Ce qui risque d'ailleurs d'être le cas du groupe Casino.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 5
à écrit le 08/12/2023 à 12:32
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"Le prix ne suffit plus à attirer des clients. " y a aussi la perte d'habitudes de fréquentation. Celui d'ici avait vu le parking refait mais les prix (très) élevés ont découragé les gens, la petite galerie commerciale étant triste faute de fréquenta...

à écrit le 08/12/2023 à 12:26
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Bjr Le pragmatisme économique libéral va conduire les groupes de la grande distribution a procéder, comme par habitude avec le groupe casino. 1 / la liquidation des sièges sociaux , entrepôts et magasins en difficultés financières ( 6000 emplois). ...

à écrit le 08/12/2023 à 3:26
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Ces magasins font des pertes parce qu ils sont "gérés" par Casino. Ces emplacements pourraient faire du bénéfice dans d autres groupes. Vu l urgence de la vente (consommation de trésorerie) Casino a tout intérêt à se débarasser de tout d un coup, ma...

le 08/12/2023 à 9:19
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cette entreprise est devenue une machine a laver ave ces accords avec le fisc et des banques etrangere qui donc investirais dans une entreprise qui coute plus cher a gerer que ces concurrents ou est le bonus il doit etre gros

à écrit le 07/12/2023 à 18:33
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L'immobilier peut-être également ? Ces casinos étant souvent implantés en centre ville doivent avoir une valeur immobilière souvent intéressante..

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