Alors que la levée définitive du couvre-feu se profile à la fin du mois de juin, la question de la réouverture des discothèques est remise à l'ordre du jour. Frappé de plein fouet par le Covid-19, ce secteur, qui emploie habituellement 42.000 personnes, a vu fermer définitivement 152 discothèques sur les 1.600 que compte la France au bout d'un an de crise sanitaire, selon les données de l'UMIH (Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie). En début de semaine dernière, Emmanuel Macron a donné rendez-vous aux acteurs du monde de la nuit le 21 juin, date à laquelle leur situation de fermeture, qui dure depuis le 14 mars 2020, devrait être réévaluée. Le 21 mai dernier, estimant que poursuivre la fermeture n'était pas disproportionnée étant donné l'état critique de l'épidémie sur le territoire métropolitain, le Conseil d'Etat avait rejeté les demandes des exploitants de discothèques qui réclamaient une réouverture d'ici à fin juin.
Une nouvelle date potentielle de réouverture, celle du 2 juillet, semble néanmoins avoir filtré mercredi dernier lors de conversations informelles avec des conseillers ministériels. De même, la jauge d'accueil prévue officieusement pour le mois de juillet devrait être de 65% de la capacité totale en intérieur et 85% en extérieur. Pour autant, de nombreuses questions restent toujours sans réponse. Dans un entretien à La Tribune, Patrick Malvaës, le Président du Syndicat National des Discothèques et Lieux de Loisirs, explique les difficultés de la profession.
LA TRIBUNE - L'exécutif semble attaché à l'utilisation du pass sanitaire à l'entrée des discothèques. Cela vous semble-t-il être une option adéquate et envisageable d'un point de vue pratique ?
PATRICK MALVAËS - Le pass sanitaire est une connerie monumentale. Juridiquement, il a été voté par le Parlement pour une utilisation dans les lieux recevant plus de 1000 personnes. Or parmi les discothèques, 90% ont une capacité d'accueil inférieure à 300 personnes et près de la moitié ont des extérieurs. En imposant le pass sanitaire pour l'entrée en discothèque, on appliquerait une mesure allant à l'encontre de l'avis du Conseil Constitutionnel qui s'est dit favorable à son utilisation uniquement pour les lieux de plus de 1000 personnes. S'ils s'y avisent, le lendemain, je déposerai un recours au Conseil d'Etat. Je l'ai déjà fait deux fois, je ne me gênerai pas pour le faire une troisième. Pourquoi un tel ostracisme ? Si le pass sanitaire est un alibi pour éliminer les discothèques, il faut le dire !
Êtes-vous favorable à l'utilisation d'autotests salivaires ou antigéniques à l'entrée des boîtes de nuit ?
PM- Evidemment, cela relève du bon sens ! Je pense qu'il faut vraiment mettre de la souplesse et que cette responsabilité soit confiée à un personnel dédié à l'entrée des discothèques. Quant à la question de la fiabilité du personnel chargé de vérifier les résultats des tests, il est évident qu'un patron de discothèque ne va pas s'amuser à risquer de créer un cluster dans ses lieux. Le recours aux autotests me semble beaucoup plus réaliste que le pass sanitaire. Pourquoi? Parce que le pass sanitaire rendrait l'accès aux discothèques extrêmement limité. Aujourd'hui seuls 6% des 18-29 ans sont vaccinés de deux doses, et 30% des jeunes de cette tranche d'âge n'ont pas l'intention de se faire vacciner. C'est la même chose concernant le test PCR. Si les jeunes souhaitent aller en discothèque le dimanche soir, il leur faut faire leur test PCR le samedi matin pour respecter le délai de 48 heures. Je doute qu'il y ait, en plein été, suffisamment de personnel médical pour pouvoir effectuer tous les tests PCR.
Si la possibilité de réouverture le 2 juillet devient réalité, la plupart des discothèques seront-elles en mesure de rouvrir ?
PM- Je ne vois pas comment elles pourraient l'être. Tout d'abord, sur le plan pratique, je ne vois pas comment les administrations pourraient être prêtes. 1600 commissions de sécurité doivent passer vérifier toutes les installations électriques, les systèmes de chauffage... Pour en avoir présidé pendant 10 ans, je sais le temps que cela demande. La seule alternative serait de modifier le code de l'urbanisme pour qu'il puisse être remplacé par des déclarations sur l'honneur. En outre, se pose également le problème des saisonniers d'été qu'il va falloir faire revenir. Après 15 mois en chômage partiel, je doute qu'ils soient suffisamment nombreux à répondre présent le 2 juillet. Beaucoup seront en vacances et ne reviendront pas avant octobre, lorsque prendront fin les aides de l'Etat. C'est la même chose pour les DJ de stature internationale, dont la plupart ont déjà pris des engagements à l'étranger, comme me le disait André Boudou, le patron de l'Amnésia au Cap d'Agde, que j'ai récemment eu au téléphone.
Laurent Garnier avait interpellé fin 2020 la Ministre de la Culture sur le fait que le « monde de la nuit » pouvait être inclus dans le secteur du spectacle vivant et avait critiqué le deux poids deux mesures entre les lieux culturels ouverts et la fermeture des boîtes de nuit. Êtes-vous de cet avis ?
PM- Non seulement je le pense moi-même, mais je partage complètement son avis et cela fait bientôt 37 ans que je me bats pour ça. En Allemagne, la ville de Berlin vient de reconnaître le statut d'institutions culturelles aux discothèques, au même titre que les théâtres et les musées, et je pense que c'est tout à fait légitime.
Une fois que la réouverture des discothèques sera possible, pour combien de temps pensez-vous que les aides doivent-être maintenues?
PM- Il est indispensable que l'Etat maintienne les aides pendant encore un an pour les saisonniers, et que les discothèques ne souhaitant pas rouvrir parce qu'elles jugent que la réouverture leur serait défavorable économiquement, ne soient pas contraintes à le faire.
Sujets les + commentés