Décarbonation : Dijon lance sa première flotte de camions-bennes à hydrogène

C’est « certainement une première nationale », affirme François Rebsamen, maire (ex-PS) de Dijon et président de Dijon Métropole. La capitale des ducs de Bourgogne vient de recevoir, le 14 décembre, deux camions-bennes à ordures ménagères roulant à l’hydrogène vert.
La première benne à ordures ménagères de Dijon Métropole, présentée dans les ateliers Dieze, la filiale de Suez chargée de la gestion des déchets à Dijon.
La première benne à ordures ménagères de Dijon Métropole, présentée dans les ateliers Dieze, la filiale de Suez chargée de la gestion des déchets à Dijon. (Crédits : Amandine Ibled)

Avec 12.000 véhicules en circulation, le parc français de bennes à ordures ménagères comprend encore une grande majorité de véhicules diesel. Or, la réglementation européenne fixe à 2035 l'atteinte de l'objectif de 100% de bus urbains neufs sans émission CO2. D'ici à 2040, l'Union Européenne vise 90% de réduction des émissions des poids lourds.

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 Afin d'anticiper les règlementations à venir et pour répondre à ces propres objectifs d'atteindre d'ici à 2030, une diminution de 40% des émissions de gaz à effet de serre et de 30% de la consommation d'énergies fossiles, la métropole dijonnaise a mis en œuvre une stratégie globale pour créer une filière locale en hydrogène.

« Nous avons fait le choix d'intégrer toute la chaîne de valeur : la production, la consommation et la distribution », indique Jean-Patrick Masson, vice-président de Dijon Métropole délégué à la transition écologique, aux déchets et aux énergies renouvelables.

La métropole utilisera de l'hydrogène vert - pour sa flotte de véhicules lourds, à la fois pour les bus et pour les bennes - obtenu par électrolyse de l'eau. Cette méthode exige de l'électricité, laquelle est produite par l'usine d'incinération des ordures ménagères. Ainsi la boucle sera bouclée : les déchets que produiront les 500.000 habitants de la métropole permettront de produire l'électricité pour faire fonctionner les camions qui les collecteront.

Une première nationale ?

Dans le secteur des véhicules lourds, il est plus facile de trouver des bus roulant à hydrogène que des bennes à ordures ménagères. Plusieurs villes ont déjà une petite flotte de bus à hydrogène, telles que Versailles, Auxerre, Pau ou Béthune. Mais l'arrivée de cette technologie sur les bennes à ordures ménagères (BOM) constitue vraisemblablement une première nationale.

Certes, quelques appels d'offres ont été lancés cette année par d'autres villes, comme le groupement Angers/Le Mans, mais « ils n'ont pas aboutis car ils n'étaient pas calés sur les standards, donc aucune entreprise n'a voulu se présenter », explique Michel Albrand, directeur business développement chez E-Trucks, fournisseurs des bennes fonctionnant à l'hydrogène, basé en Belgique.

Ce dernier raconte aussi l'exemple des Sables-d'Olonne qui avait commandé deux bennes à ordures ménagères de la marque américaine Hyzon, mais celle-ci a quitté le marché un mois avant la livraison. « À ma connaissance, seule la ville de Saint-Gilles-Croix-de-Vie possède une benne à ordures ménagères du fabricant allemand Semat, depuis le mois de septembre. », précise-t-il.

Un camion construit comme un jeu de Légo

Il faut dire que construire une benne à ordure ménagère à hydrogène n'est pas si simple. C'est pourquoi E-Trucks a fait le pari du rétrofit, c'est-à-dire du remplacement d'un moteur thermique par une batterie électrique.

« C'est un peu comme un jeu de Légo », compare François Rebsamen, maire de Dijon et président de Dijon Métropole.

Pour construire les BOM de la métropole dijonnaise, E-Trucks s'est associé à Proton Motor pour la fourniture de la pile à combustible et au fournisseur local de châssis agréé DAF, situé à Longvic, près de Dijon, qui convertissent les véhicules. Faun Environnement, entreprise basée en Ardèche, fournit les 4 compacteurs d'ordures ménagères et se charge de leur assemblage avec les châssis.

« Nous avons enlevé tout ce qui touche à la motorisation diesel : le démarreur, l'alternateur et tous les périphériques. Ensuite, on a refait un engineering complet de manière à respecter les équilibres du véhicule avec une nouvelle motorisation », explique Michel Albrand.

« Ces camions de 19 tonnes ont 250 km d'autonomie, contrairement aux camions électriques qui restent sur des moyennes autour de 80 km », ajoute-t-il.

Leur durée de vie est estimée à 20.000 heures, soit environ dix ans. « Seul bémol : leur charge utile est de l'ordre de 7 % inférieure à une benne classique, pour ménager l'espace nécessaire aux batteries et à la pile à combustible », admet Michel Albrand. Pour E-Truck Europe, l'appel d'offre de Dijon Métropole est le premier contrat en France. L'entreprise a déjà livré 40 véhicules rétrofités en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne.

L'intérieur de la cabine de la benne à ordures ménagères construite par E-Trucks pour Dijon Métropole

L'intérieur de la cabine de la benne à ordures ménagères

Le prix de l'innovation

Créer toute une filière locale autour de l'hydrogène a un coût. Un budget de 100 millions d'euros à dépenser jusqu'en 2030 a été voté par le conseil métropolitain pour développer la filière hydrogène, répartis entre 30% pour les deux stations de production et 70% pour les bus et les bennes à ordures ménagères.

Le coût d'une benne à ordures ménagères hydrogène est de 825 000 euros, contre 360 000 euros pour une benne à ordures ménagères diesel. Dans un premier temps, ce surcoût est compensé par une aide de l'État, via l'Agence de la transition écologique (Ademe), qui finance à hauteur de 12,6 millions d'euros, 2,6 millions d'euros par des aides de la Région pour les stations.

Quant à l'Europe, elle finance pour 7 millions d'euros la construction des deux stations - sachant qu'une station coûte 15 millions d'euros - et pour 2 millions d'euros les bus. La Banque des Territoires (groupe Caisse des Dépôts) soutient également le projet au travers de prêts à hauteur de 7 millions d'euros.

Deux stations de production d'hydrogène pour les camions et les bus

Les deux premières bennes sont prêtes à rouler dès janvier dans les rues de la métropole. Reste à mettre en marche la première station de production d'hydrogène toute neuve qui n'attend plus qu'une membrane pour faire fonctionner son électrolyseur...

« Cette membrane provient de la gigafactory Mac Phy, à Belfort, qui a des problèmes d'approvisionnement, dû à la guerre en Ukraine », précise François Rebsamen. Toutefois, le président de Dijon Métropole reste confiant pour une livraison début 2024. Une deuxième station, spécialement dédiée au bus à hydrogène, est déjà à l'étude pour une construction au Sud de Dijon, d'ici les prochaines années.

La flotte actuelle de la métropole est composée de 42 bennes à ordures ménagères (BOM) et de 180 bus, dont 104 roulent en hybride. L'idée est de les remplacer au fur et à mesure des besoins. Sachant que la durée de vie des véhicules est d'environ dix ans. Les deux prochaines bennes à ordures ménagères à hydrogène seront livrées courant 2024. Puis, rapidement l'objectif est d'atteindre 8 bennes et 26 bus d'ici à 2025-2026.

Pas de pollution, pas de bruit et des métiers de demain

Le premier avantage de bennes à ordures hydrogène est d'abord l'absence de pollution. Elle n'émet en effet aucun polluant et rejette, occasionnellement, un peu de vapeur d'eau.

« Ces bennes à ordures hydrogène permettent d'économiser 120 kg d'équivalent CO2 par tournée. Rapporté à l'année, cela correspond à 30 tonnes de CO2 économisées, soit l'équivalent de 10 trajets Dijon-New York en avion, pour une famille de 4 personnes », explique Delphine Perrot, directrice d'agence service aux collectivités chez Suez.

Ces bennes ont aussi l'avantage de faire moins de bruit en fonctionnement, un atout pour le centre-ville, en particulier.

Enfin, la filière hydrogène représente une filière d'avenir pour la Région. « En 2030, ce sera 25.000 emplois en France. Et la région Bourgogne-Franche-Comté pourrait compter 25% de ces emplois parce que nous sommes une région leader en matière d'hydrogène. Aujourd'hui, on a 130 formations qui permettent déjà de former aux métiers de l'hydrogène », se réjouit, Anne-Coste de Champeron, secrétaire générale pour les affaires régionales (SGAR) à la préfecture.

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Commentaire 1
à écrit le 20/12/2023 à 12:21
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Chaleur et donc électricité produite par l'incinération des déchets, mais que va-t-il rester une fois qu'on va composter partout (2024), du moins pouvoir le faire, et mettre en conteneur de collecte sélective tous les emballages ? Ca va devenir parti...

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