Comment verdir le transport public sans essorer le contribuable ? Voilà une équation qui empêche de dormir bon nombre de patrons de collectivités, qui plus est à la veille de la mise en place des ZFE (zones à faibles émissions). Il est vrai qu'à -au moins- 650.000 euros le bus hydrogène et 550.000 euros le bus électrique, beaucoup réfléchissent à deux fois avant de renoncer au thermique infiniment plus polluant... mais nettement moins cher.
L'arrêté ministériel du 13 mars 2020, autorisant le rétrofit, ouvre la voie à une solution alternative. Imposé de haute lutte par le gouvernement face à des constructeurs très réticents, il permet de convertir à l'électricité ou à l'hydrogène des véhicules légers ou lourds de plus de cinq ans. A la clef, une économie de plusieurs dizaines de milliers d'euros s'agissant d'un autocar et une réduction des émissions de GES de « 87% versus le même modèle au diesel », selon une récente étude de l'Ademe.
Transdev ouvre la route
En Europe, plusieurs collectivités font déjà le pari du rétrofit électrique à batteries. Transdev, associé pour l'occasion à la Région Normandie, sera donc le premier opérateur au monde -et soyons en certain pas le dernier- à tenter la conversion hydrogène d'un autocar diesel, en l'occurrence un Iveco Crossway. Le modèle a été choisi à dessein, précise Thierry Mallet, PDG de Transdev. « C'est le plus courant au sein de notre flotte de trente mille véhicules ».
Début 2022, Le prototype rétrofité sera affecté à la ligne Rouen-Evreux Express opérée par le groupe pour le compte de la Région Normandie. Là encore, le tracé n'a pas été choisi au hasard. Terminus de la ligne, la préfecture de l'Eure abrite, en effet, la seule des dix stations service hydrogène normandes -et l'une des rares en France- capable de satisfaire aux besoins d'un tel véhicule. « Cette station 700 bars conçue par Ataway fournira 30 kilos d'hydrogène bleu (issu du captage de CO2 ndlr) quotidiennement et nous envisageons de doubler sa capacité » précise Xavier Hubert, président du syndicat d'électricité de l'Eure.
Rendre l'hydrogène abordable
Quant au retrofit du véhicule, il sera confié aux bons soins de l'entreprise amiénoise IBF H2, une startup créée par Fernand de Sousa, patron d'IBF Import Export. Connu comme le loup blanc dans le petit monde du transport public, l'homme est réputé pour concevoir des moutons à cinq pattes.
« L'avantage de la conversion hydrogène est qu'elle permettra de disposer de véhicules moins chers, autour de 350.000 euros, plus autonomes que leurs équivalents électriques à batteries et, de surcroît, plus capacitaires. Ce à quoi il faut ajouter la facilité de recharge » détaille t-il.
Reste à vérifier, in situ, de la qualité et de la performance de l'engin qui sera lancé sur les routes au début de l'année prochaine, sous la surveillance étroite d'un collectif de partenaires industriels, institutionnels et scientifiques*, mobilisés autour du projet.
De son côté, le PDG de Transdev entend bien faire de cette expérimentation « une référence nationale voire mondiale ». « Le rétrofit, qui rend la motorisation hydrogène abordable, a une vraie carte à jouer dans la décarbonation des transports. Il se pourrait qu'il représente, demain, une part importante de notre flotte » analyse Thierry Mallet. Reste à en convaincre les autorités organisatrices de transport ce dont Hubert Dejean de la Bathie, vice-président de la Région, en charge de l'environnement, ne doute pas une seconde. « Le moment est bien choisi. On va voir apparaître des clauses à tout va pour le verdissement dans les futurs appels d'offre des EPCI » prédit-il.
*SIEGE 27, INSA, CERTAM, le CMQ Industries de la mobilité, Le Dôme, Next Move, l'IDIT, IBF H2, Iveco, Atawey, IAV.
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