Quelle stratégie pour le transport aérien en France ?

[PARIS AIR FORUM] Avec une compétitivité en berne et un transporteur national en pleine tourmente, le ciel tricolore traverse une période fragile. Les raisons du décrochage du pavillon français et les pistes pour une reconquête ont été au cœur d'une table ronde qui s'est déroulée le 21 juin au Paris Air Forum.
« Aujourd'hui, la productivité de nos personnels navigants est l'une des plus faibles en Europe. Est-ce qu'on peut continuer de faire voler les pilotes 600 heures par an alors que la réglementation nous permet de le faire à 900 heures et que nos concurrents le font à 900 heures ? », a diagnostiqué Alain Battisti, président de la Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM).
« Aujourd'hui, la productivité de nos personnels navigants est l'une des plus faibles en Europe. Est-ce qu'on peut continuer de faire voler les pilotes 600 heures par an alors que la réglementation nous permet de le faire à 900 heures et que nos concurrents le font à 900 heures ? », a diagnostiqué Alain Battisti, président de la Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM). (Crédits : Charles Platiau)

Les chiffres sont connus : depuis 2000, le pavillon français a perdu 17 points de parts de marché et il ne capte que 10% de la croissance annuelle du marché domestique. Une perte de compétitivité, à l'heure d'une concurrence massive, qui a mené au lancement, en mars, des Assises du transport aérien pour résoudre les nombreux défis du secteur aérien hexagonal, alors que la compagnie nationale est enlisée dans une grave crise sociale et de gouvernance. Les raisons du décrochage ? Les participants à une table ronde qui s'est déroulée lors de la cinquième édition du Paris Air Forum, organisé le 21 juin au Toit de la Grande Arche, ont livré leurs analyses.

Le diagnostic

« On est un marché béni des dieux qui fait l'objet de toutes les prédations », a lancé Alain Battisti, président de la Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM), faisant référence au développement du low cost « qui s'est fait au détriment du pavillon français ».

Pourquoi a-t-on raté le coche du low cost moyen courrier - mais pas seulement ?, s'est-il interrogé. Le déficit de compétitivité tiendrait aussi bien à « la surinterprétation réglementaire », à la taxation et aux charges sociales « excessives », qu'au manque de réformes à l'intérieur des entreprises.

« Aujourd'hui, la productivité de nos personnels navigants est l'une des plus faibles en Europe. Est-ce qu'on peut continuer de faire voler les pilotes 600 heures par an alors que la réglementation nous permet de le faire à 900 heures et que nos concurrents le font à 900 heures ? », a-t-il diagnostiqué, tout en fustigeant « la bureaucratie ».

« Il est effarant de voir que, dans un pays comme la France, contrairement au Royaume-Uni, à l'Espagne ou à l'Allemagne, il n'y a pas aujourd'hui d'acteur majeur national low cost », s'est désolé de son côté Thomas Juin, président de l'Union des aéroports français.

« S'il y avait un opérateur de cette force, la connectivité de la France sortirait gagnante ».

Autres faiblesses du secteur, relevées pour sa part par Jean-Baptiste Djebbari, député de la Haute-Vienne et ancien pilote de ligne : le financement des équipements de sûreté à l'heure d'une menace terroriste durable ou encore « un problème de performance sociale ». Une nouvelle statistique vient davantage noircir le tableau, celle du dérochage du contrôle aérien français.

De fait, un rapport d'information du sénateur de Seine-Saint-Denis, Vincent Capo-Canellas, déposé le 13 juin dernier, s'inquiète de la situation de la direction des services de la navigation aérienne chargée d'assurer le contrôle aérien dans l'espace aérien français : elle peine à suivre la cadence de la hausse du trafic si bien qu'elle génère 33 % des retards du contrôle aérien en Europe, souvent dus aux grèves dont les aiguilleurs du ciel hexagonaux sont les champions sur le Vieux continent.

Un Etat stratège

Le sénateur Vincent Capo-Canellas de dresser à son tour son constat : « Nous ne sommes pas assez agiles et nous ne nous adaptons pas assez à un monde aérien qui évolue, à un monde géopolitique qui évolue, ni à une connectivité qui n'est plus la même ». La reconquête du monde passera par la définition d'une stratégie.

« Il faut écrire une stratégie ensemble avec des mesures immédiates. Dans les Assises, on va essayer un peu péniblement de les faire accoucher ».

Une stratégie qui, selon lui, doit être celle de demain en se concentrant sur les sujets tels que la connectivité ou encore le partage des données, qui s'adapte et se réfléchit en termes européens.

D'après Alain Battisti, « le signal envoyé par le gouvernement à travers les Assises est très positif ».

Le président de la Fnam d'estimer :

« Il y a de la part de l'Etat et de la DGAC une véritable bonne volonté d'arriver à une déclinaison pratique de choses qui nous aideront au quotidien », ainsi qu'une « volonté claire des compagnies aériennes de sortir des postures ».

Si Thomas Juin, lui, salue la volonté d'avancer du point de vue national, il regrette qu'en région on soit « dans un prisme politique qui reste encore dans un modèle du tout ferroviaire qui ne se rend pas compte du levier que représente l'aérien ».

Quant à la situation difficile d'Air France, « n'allons pas mélanger la stratégie du transport aérien en France avec la stratégie d'Air France », a-t-il conclu. Autrement dit, « c'est à Air France de s'adapter dans un environnement concurrentiel, en revanche c'est à l'Etat et aux pouvoirs publics de mettre en place un cadre compétitif par rapport aux autres pays. Il faut une vision où l'Etat est stratège ».

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Commentaire 1
à écrit le 04/07/2018 à 9:27
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Bonjour Je suis un peu surpris que l’empreinte écologique de l’aerien ne soit pas un des thèmes de ce débat, en particulier quand est évoqué l’aerien en région. Pourquoi ce tabou ?

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