Article mis à jour à 9h35 avec la co-signature de la Fédération française du bâtiment
Les prix de l'énergie ont triplé voire quadruplé depuis début 2021, sans attendre le début de l'invasion en Ukraine. A douze jours du premier tour de l'élection présidentielle, neuf associations et fédérations professionnelles viennent d'adresser un courrier sur ce sujet à Jean Castex, que dévoile La Tribune (en fin d'article, Ndlr).
« La situation actuelle, conjuguée à l'urgence du réchauffement climatique et aux objectifs extrêmement ambitieux présentés par les pouvoirs publics lors de premiers échanges sur la Stratégie France Energie Climat montre à quel point il est urgent de massifier les travaux de rénovation énergétique », écrivent-elles dans une lettre ouverte intitulée « Ne laissons pas les plus modestes payer le prix de la crise énergétique ! ».
« Un coup d'arrêt » au dispositif des certificats d'économie d'énergie
Il s'agit de la Fédération française du bâtiment, du Syndicat national de l'isolation (SNI), de l'initiative Rénovons, du Réseau pour la transition énergétique (CLER), du Syndicat multi-branches des industries et des opérateurs de la transition énergétique (Symbiote), du Groupement des professionnels des certificats d'économie d'énergie (GPCEE), des Fabricants d'isolants en laines minérales manufacturées (FILMM), de l'European cellulose insulation manufacturers associations (ECIMA) et du collectif « Isolons la terre contre le CO2 » (CIT).
En réalité, ces organisations signalent une « forte décrue » de la rénovation énergétique « depuis quelques mois ». En effet, les travaux engagés grâce au dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE) ont « connu un coup d'arrêt en juillet 2021, continu depuis », pointent-elles.
« Les artisans ne sont aujourd'hui plus en mesure d'apporter des solutions abordables en particulier aux plus modestes et nombre de fabricants sont contraints de réduire leur production faute de demande », ajoutent-elles.
Une obligation imposée aux fournisseurs d'énergie
Née dans la loi de 2005 sur le programme fixant les orientations de politique énergétique (POPE), les certificats d'économie d'énergie (CEE) reposent sur une obligation triennale de réalisation d'économies d'énergie imposée par les pouvoirs publics aux fournisseurs d'énergie. Ces derniers doivent financer des travaux parmi un catalogue validé par les autorités (isolation des murs, des combles...) dans le tertiaire, l'industrie, les collectivités et chez les particuliers. S'ils ne le font pas, ils s'exposent à des amendes proportionnelles à leur manquement.
Les certificats d'économie d'énergie sont comptabilisés en kilowattheures (kWh) cumac (1 CEE = 1 cumac, pour « cumulés et actualisés »), qui reflètent l'économie d'énergie moyenne obtenue entre la solution retenue et une situation de référence, sur la durée de vie de la technologie considérée, afin de calculer ce qui aurait été consommé si les actions n'avaient pas été entreprises.
« Des fiches d'opérations standardisées, définies par arrêtés, sont élaborées pour faciliter le montage d'actions d'économies d'énergie, classées par secteur, et définissent, pour les opérations les plus fréquentes, les montants forfaitaires d'économies d'énergie en kWh », rappelle le ministère de la Transition écologique sur son site Internet. Ces travaux sont le plus souvent réalisés par des sociétés spécialisées, signataires de cette missive.
Une chute de 75% sur l'isolation des combles et des planchers
Le marché d'isolation des combles et des planchers accuse, selon elles, une chute de 75% sur les trois derniers mois par rapport à l'année dernière . Une « baisse similaire » est également « anticipée » dans les travaux d'isolation des murs du fait de la division par deux de leur valorisation CEE à partir du 1er mai.
Le consommateur a recours au certificat d'économie d'énergie, car il touche une prime variable selon le type de travaux réalisés mais aussi selon le prix du CEE. Ce dernier varie selon l'offre et la demande. La demande est définie par le montant d'économie d'énergie que les énergéticiens doivent financer. L'offre renvoie, elle, à la capacité de la filière (artisans, fabricants...) de répondre à cette demande.
« La révision à la baisse du « Coup de pouce » chauffage au 1er avril prochain marquera le second coup d'arrêt d'une filière déjà à la peine. Cette situation fait craindre un retard dommageable quant à nos objectifs écologiques, de lutte contre la précarité énergétique mais aussi de relance économique », poursuivent les neuf associations et fédérations professionnelles.
Un appel à refondre le système ?
Or, le chauffage et l'isolation représentent la moitié des certificats d'énergie (CEE) qui constituent pourtant le principal levier de financement de la rénovation énergétique. Les signataires demandent donc de rehausser le volume d'obligation de la 5ème période 2022-2025 à 3.000 Térawattheures cumulées (TWhc), contre 2.500 TWhc actuellement. Sachant qu'un térawattheure (TWh) correspond à 11,5 TWhc, et que le nucléaire a produit 360 TWh d'électricité en 2021 en France, cette période représenterait l'équivalent de 7,2 mois de production nucléaire.
« Un tel rehaussement permettrait entre autres de financer près de 300.000 pompes à chaleur et 2.000.000 opérations d'isolation de combles ou de planchers bas », estiment-elles.
Faut-il l'entendre comme un appel à refondre le système ? Un moyen aussi d'interpeller les fournisseurs d'énergie ? Toujours est-il que cela fait débat depuis juin 2021. Dans une opinion alors parue dans La Tribune, Matthieu Glachant, Victor Kahn et François Lévêque, chercheurs à MINES ParisTech PSL Université soulignaient, de leur côté, que « le gouvernement [allait] rendre le dispositif plus efficient en matière d'économie d'énergie ».
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