« La transition énergétique est logique autant qu’écologique », Bertrand Piccard

L’initiateur de Solar Impulse, le premier avion sans carburant à autonomie perpétuelle s’est engagé à sélectionner et labéliser mille solutions efficaces et rentables économiquement pour protéger l’environnement. Rencontre.
« Ce n'est donc pas la technologie seule qui va sauver le monde, c'est une bonne utilisation des technologies propres. », Bertrand Piccard
« Ce n'est donc pas la technologie seule qui va sauver le monde, c'est une bonne utilisation des technologies propres. », Bertrand Piccard (Crédits : AFP)

Bertrand Piccard, avant d'être explorateur et leader d'opinion, vous êtes médecin et psychiatre. Face à l'urgence climatique, comment expliquez-vous que les hommes rencontrent autant de difficultés à changer leurs comportements ?

 Personne n'a envie de changer spontanément s'il n'y est pas obligé ou s'il n'y trouve pas un intérêt personnel. Par conséquent, la transition écologique doit être soit rentable, soit imposée par la loi. Dans le domaine de la construction et du bâtiment, on sait très bien mettre en place toutes les technologies existantes pour construire des bâtiments neutres sur le plan carbone. Cela coûte un tout petit peu plus cher à la construction mais l'investissement est récupéré au centuple sur la durée. Pourquoi ne le fait-on pas ? Parce que beaucoup ne savent pas que l'opération est rentable financièrement et qu'elle apporte un meilleur confort de vie.

Que répondez-vous à ceux qui pensent que la réduction des gaz à effet de serre en France, et a fortiori dans le secteur du bâtiment, ne pourra résoudre une problématique mondiale ?

 Ce qu'il faut surtout comprendre, c'est que même si on était les seuls à le faire, ce serait financièrement rentable ! La mise en œuvre de la transition énergétique est un avantage économique et financier considérable. Aujourd'hui, si la France empruntait de l'argent à taux zéro et rénovait l'ensemble de son parc immobilier, cela permettrait de créer des emplois au niveau local, de développer l'industrie, les PME et les start-ups. En dix ans, l'opération serait rentabilisée, l'emprunt serait remboursé et la France bénéficierait d'un parc immobilier neuf, de nouveaux emplois, d'un niveau de vie et d'un pouvoir d'achat augmentés. Donc même sans changement climatique, ce serait logique autant qu'écologique de le faire !

Pour cela, votre fondation recense les solutions technologiques les plus efficaces...

Nous avons créé pour cela l'Alliance Mondiale pour les Solutions Efficientes qui regroupe aujourd'hui 2050 entreprises. La fondation Solar Impulse labélise les solutions que les membres de l'Alliance soumettent quand elles sont à la fois crédibles techniquement, rentables financièrement et efficaces écologiquement. À ce jour nos quatre-cents experts en ont déjà sélectionnées 327, dont quatre développées par le Groupe ENGIE. Dès que nous en aurons mille, je referai un tour du monde pour les apporter aux gouvernements et leur montrer ce qu'il est possible de faire aujourd'hui. Nous ne retenons que les solutions qui ne nécessitent pas de subvention et dont l'investissement est rentabilisé par la seule efficience, ce qui fait apparaître de nouvelles logiques financières.

Quel rôle doit jouer la réglementation pour soutenir la transition énergétique ?

Nous avons besoin d'une réglementation intelligente et moderne qui évolue en fonction des technologies existantes. Prenez l'exemple des voitures électriques : ce sont de véritables batteries sur roues. En cas de pics de consommation, elles devraient pouvoir se décharger sur le réseau pour alimenter le bâtiment sur lequel elles sont connectées, devenant ainsi un stockage individuel au service de la collectivité. Pourtant la réglementation l'interdit encore dans la plupart des pays ! La réglementation doit favoriser la qualité de vie et prendre en compte les avancées technologiques de manière beaucoup plus ambitieuse.

Cela revient à dire que les technologies et la réglementation devraient se mettre au service du bon sens...

Bien sûr, c'est tellement logique ! Nous vivons dans une société de gaspillage et de non-respect pour les ressources naturelles. Même si nous n'étions pas confrontés au problème des énergies fossiles, ce serait du simple bon sens que les maisons ne gaspillent pas leur énergie, que les véhicules n'émettent pas de particules nocives qui tuent sept millions de personnes par année, que les océans ne soient pas envahis de plastiques et les champs par les pesticides. Heureusement les technologies actuelles permettent de revenir à un certain bon sens. Ce n'est donc pas la technologie seule qui va sauver le monde, c'est une bonne utilisation des technologies propres.

Êtes-vous toujours optimiste ?

Je suis très optimiste quand je vois les solutions qui existent, et très pessimiste quand je vois le temps qu'il faut pour les mettre en œuvre. Nous n'avons plus le temps, il faut le faire tout de suite. Plus on attend, plus ce sera difficile d'atteindre la neutralité carbone.

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