Sans coordination internationale, est-ce la peine de taxer le carbone ? Un économiste répond

Jean Tirole, président de Toulouse School of Economics (TSE), revient sur la nécessité d'une coopération internationale pour réduire les émissions de CO2.
 

La Tribune - Sans coordination internationale, est-ce la peine de taxer le carbone ?

Jean Tirole - Les accords de Copenhague, comme ceux de Kyoto, n'ont pas réussi à imposer des solutions contraignantes. C'est très inquiétant parce que les Etats vont continuer à espérer que les autres Etats feront les efforts à leur place et par ailleurs ils vont réaliser qu'avoir un parc polluant n'a pas que des désavantages parce qu'après on peut demander plus de compensations lors des négociations ultérieures. Les Etats font des déjà efforts et ils vont en faire d'autres, même en l'absence de taxe. Il y a plusieurs raisons à cela. Par exemple, quand on diminue sa consommation d'énergies fossiles on ne fait pas que réduire ses émissions de CO2. On réduit aussi d'autres polluants comme le SO2 qui a des effets locaux et qui est à l'origine des pluies acides. L'autre raison est qu'on essaie de calmer l'opinion publique et d'alléger la pression internationale Mais il ne faut pas être naïf, les Etats vont agir dans leur propre intérêt. Attendre comme on l'a fait à Kyoto puis à Copenhague est très dangereux.

La France qui prend la décision de taxer dans un seul pays, chez elle, est-ce crédible, est-ce utile ?

Il ne faut pas trop attendre des actions unilatérales. Si nous taxons, nous allons réduire notre pollution, ce qui est bien. Mais il va y avoir certains effets. Les autres pays vont continuer à polluer et par ailleurs si les consommateurs français achètent moins de pétrole, de fuel, de gaz, le prix mondial va baisser un petit peu, ce qui incitera les autres à consommer plus. En outre on va importer davantage de produits venant de pays où le prix du carbone est très faible. C'est ce qu'on appelle les fuites de carbone, et leur existence implique que les effets des politiques unilatérales ne sont pas géniaux. Alors que fait-on, dans ce cas là ? Je crois qu'il faut faire preuve de pragmatisme. Il faut taxer, il faut faire un effort. Le prix retenu par la loi de 17 euros la tonne de CO2 est trop faible, on n'atteindra jamais les objectifs du GIEC avec 17 euros, il faudrait que ce soit beaucoup plus élevé au niveau mondial, mais ça permet au moins d'avoir une diminution d'émissions à un coût relativement faible, et surtout de montrer sa bonne volonté. Il faut comprendre que les actions unilatérales n'ont pas beaucoup d'effet et donc essayer d'obtenir un accord global.

Ce jeudi, Christian Gollier, directeur de Toulouse School of Economics (TSE): "Quel est le bon taux de taxation pour réduire les émissions de CO2 ?"

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.