La descente aux enfers des banques françaises

Forte exposition à la Grèce et à l'Italie, insuffisance de fonds propres et absence de scénario de sortie de crise ont braqué les marchés contre l'élite de la banque française.
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Pas de terminus pour la descente aux enfers de Paris. Ni la conjoncture, marquée par un « ralentissement généralisé » selon l'OCDE, ni les communiqués lénifiants du G7, ni les propos du ministre des Finances, François Baroin, qui, comme Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, a assuré que les banques françaises pouvaient « faire face » à tout scénario grec, ni même le plan de rétrécissement de la Société Générale annoncé à la va-vite hier matin par sa direction... Rien donc n'est venu calmer les esprits.

L'obsession d'un défaut grec, et son pendant possible, la sortie d'Athènes de l'euro avec ses effets en cascade dans une Europe politique totalement démunie, ont tétanisé les marchés. Dans l'attente d'une dégradation de leur note par Moody's, qui a fait s'envoler les CDS, ces assurances contre le risque de leur défaut à 5 ans, les actions des banques ont continué à dévisser : jusqu'à 14,7 % en séance pour BNP Paribas, 13,9 % pour Crédit Agricole, et surtout 15,1 % pour la Société Généralecute; Générale...

Certes, les banques françaises n'étaient pas seules dans la tempête. Mais pourquoi, alors qu'on jure qu'elles sont solides et bien financées, sont-elles ainsi attaquées ? Parce qu'elles paient leur stratégie résolument européenne de la dernière décennie. Elles sont d'abord plus exposées que les banques allemandes ou britanniques à la dette souveraine grecque, comme l'ont révélé les stress tests menés sur leur exposition à fin 2010, même si, elles aussi, en ont vendu récemment : 5,2 milliards d'euros pour BNP Paribas à fin 2010 (environ 4 milliards aujourd'hui), 2,8 milliards pour la Société Généralecute; Générale (1,1 milliard), contre seulement 1,8 milliard pour Deutsche Bank, 1,2 milliard pour RBS et 1,3 pour HSBC. Un défaut de l'État grec leur coûterait donc clairement un à plusieurs trimestres de profit. Et encore cette exposition-là est-elle une goutte d'eau comparée à celle sur l'État italien, le « big risk » qui fait trembler les états-majors: 28 milliards pour BNP Paribas, 10,7 pour le Crédit Agricolegricole, 8,8 milliards pour SocGen, contre 7,7 milliards pour Deutsche Bank, 7 milliards pour RBS et 10 milliards pour HSBC.

Elles sont aussi plus exposées au risque économique grec, ce qui rendrait la sortie d'Athènes de l'euro particulièrement sanglante : 8,5 milliards pour BNP Paribas fin 2010, 6,6 milliards pour SocGen, et surtout plus de 27 milliards pour le Crédit Agricolegricole qui consolide sa filiale Emporiki. C'est beaucoup plus que les expositions de Deutsche bank (3,6 milliards), RBS (3,5 milliards) ou HSBC (4,3 milliards).

60 milliards partis en fumée

Pour autant, ces expositions justifient-elles que plus de 60 milliards de leur valeur boursière soit partie en fumée depuis janvier, soit 12 milliards pour le Crédit Agricolegricole, plus de 20 milliards pour SG, et plus de 28 milliards pour BNP Paribas ? Car, avec des titres d'État comptabilisés à leur valeur de marché, il est probable que les pertes sur les obligations grecques seraient au moins en partie compensées par les gains sur les titres allemands.

Alors, courent-elles un risque imminent de liquidité, la mère de toutes les crises ? Si elles sont très dépendantes de leur financement à court terme - à 60 % selon Barclays -, elles détiennent chacune plus de 100 milliards d'actifs liquides qu'elles pourraient apporter en collatéraux à la BCE, en cas de méfiance de leurs pairs.

Alors, où est le problème ?

Alors, où est le problème ? Dans « leur insuffisance de fonds propres », a répondu et répété, sans ménagement, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde. Alors que les trois grandes banques assénaient depuis 2010 aux marchés que leur profitabilité leur permettrait d'augmenter à 9,5 % leurs fonds propres comme l'exige la réglementation de Bâle III, sans appel au marché, voilà que leurs pertes à venir sur le risque souverain, jointes à la baisse des marges liée à la crise, comme à la réduction de l'activité de transformation bancaire liée aux futures exigences sur la liquidité, vont rogner fortement leurs profits. De combien ? Là est la question. « Le problème est qu'aucune banque n'a, dans un exercice de transparence qui aurait rassuré les marchés, chiffré l'impact de la nouvelle régulation d'abord, du retournement du cycle économique ensuite, d'un défaut de la Grèce, puis de l'Italie enfin », dit un analyste à Londres. Dès lors, les marchés ayant horreur du vide, chacun s'est emparé de sa calculette pour estimer les pertes à partir des chiffres bruts révélés lors des stress tests. « S'ils sont aujourd'hui dans le flou, c'est que les banques le sont aussi face à des responsables politiques qui ne savent pas quoi faire, nuance un analyste parisien. Aucun scénario ne semble aujourd'hui plus probable qu'un autre. »

En attendant, ces attaques font des banques françaises de fort belles proies idéales à bon prix. Avec une valeur d'à peine plus de 12 milliards, la Société générale, ça se regarde, en particulier rue d'Antin. BNP Paribas n'a-t-elle pas montré, avec Fortis, sa capacité à acheter pas cher et à intégrer rapidement et sans trop de heurts ? Les deux réseaux de banque de détail ne feraient que 19% du marché français, soit moins que les 30% du Crédit AGricole. Les trois banques françaises ont perdu hier, 10,75% pour SG (15,57 euros), 12,35% pour BNPP (26,12 euros), 10,64% pour CA (4,828 euros).

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