Saisir les opportunités de la crise, sans cynisme et sans fatalisme.

Point de vue de Franck S. Giaoui, Associé-gérant de Hera Finance (www.herafinance.com)

Il est évident que la crise du crédit se double d'une crise de confiance généralisée et qu'elle touchera peu ou prou tous les secteurs de l'économie. Il est encore temps pour le dirigeant ou le chef d'entreprise de prendre du recul pour réfléchir aux actions qui vont permettre de minimiser les effets négatifs de cette crise sur son entreprise, et d'être mieux armé une fois la mauvaise passe traversée. L'histoire économique du siècle passé est riche en crise : certaines profondes et durables comme 1929-1933, d'autres plus courtes comme les deux choc pétroliers de 1973 et 1979, le Black Monday de 1987 ou les junk bonds en 1989-90, d'autres encore plus superficielles ou localisées comme le Mexique en 1994-95, l'Asie, LTCM et la Russie en 1997-99 ou enfin Enron et la bulle Internet en 2000-2002. L'étude de toutes ces crises montre qu'à chaque fois des entreprises, des secteurs entiers ou des pays en ont profité pour saisir des opportunités qui étaient insoupçonnables quelques mois avant, devancer leurs concurrents et prendre la première place. Le nucléaire civil, notamment français, et les constructeurs automobiles japonais dans les années 1970; Microsoft dans les années 1980; Nokia et les compagnies aériennes low cost dès les années 1990, Google et la renaissance d'Apple au début des années 2000; la Chine et Dubaï qui comptent parmi les puissances économiques mondiales d'aujourd'hui...Tous ces succès extraordinaires - pour ne citer qu'eux - sont porteurs d'enseignements par temps de crise.

 

Deux évidences pour commencer. Le cash est roi, c'est peu de le dire en ce moment ! L'idéal est d'avoir pris les actions préventives qui vont éviter à votre entreprise de se retrouver à court de cash, et à votre management de perdre son temps à négocier avec des banquiers peu réceptifs au moment même où il doit consacrer toute son énergie à maintenir les ventes. Vous devez agir, car mourir riche ne servirait à rien non plus ! La tendance naturelle est d'être paralysé par la morosité ambiante et sa propre peur. Or, la vie continue; les besoins de vos clients sont toujours là; c'est le moment de mettre en avant la différenciation de votre offre et de parfaire la valeur de votre proposition par rapport aux concurrents.

D'où les quatre leçons du succès par temps de crise. Résistez à la tentation de couper les coûts sans discernement partout en même temps. Vous pouvez réduire les frais fixes superflus; simplement, gardez vous bien de toucher aux frais variables qui peuvent affecter le c?ur de votre activité, vos clients les plus profitables ou vos collaborateurs les plus performants. D'ailleurs, dans la plupart des secteurs, la prudence régnait déjà depuis plusieurs mois, et freiner maintenant aurait des effets trop tardifs, voire contre productifs, au moment où la reprise poindra son nez. Les bonnes questions à se poser aujourd'hui sont plutôt : Dans quelle direction dois-je accélérer pour profiter des erreurs de mes concurrents? Quels sont les actifs vulnérables de mes concurrents en difficulté? Comment mon entreprise pourrait-elle valoriser au mieux certains de ces actifs : clients, collaborateurs, etc.?

C'est le moment d'investir sur le moyen et long terme. En temps normal, les marchés financiers demandent des retours sur capitaux investis rapides; les entreprises qui investissent sont donc le plus pénalisées à court terme. Aujourd'hui, toutes les entreprises sont pénalisées, les marchés ne font plus la différence... C'est l'occasion idéale de prendre les décisions audacieuses que l'on n'osait pas prendre avant ! Il n'est pas question pour nous de pousser à l'irrationnel mais bien au contraire d'encourager la recherche et l'innovation à toutes les étapes de la chaine de valeur. Les nouveaux produits, les nouvelles idées, les nouveaux business développés maintenant sont peut-être ceux qui vont vous permettre de croitre demain. La survie à court terme peut impliquer des décisions difficiles; simplement, ces décisions ne doivent jamais obérer les objectifs à moyen et long terme, ou votre entreprise risquerait d'être confrontée à des difficultés inéluctables. Le développement durable, par exemple, peut être la source d'un renouveau économique. Votre entreprise va être plus compétitive demain si elle investit aujourd'hui dans la réduction des émissions de CO2 et l'efficacité énergétique. Plus généralement, la RSE (responsabilité sociale et environnementale) reprend toute sa place. N'est ce pas justement quand ses repères des vingt-cinq dernières années semblent disparaître, que l'entreprise doit retrouver une de ses vocations originelles, à savoir créer un intérêt commun entre des individus d'horizons et de catégories sociales différents?

Osez des acquisitions à moindre coût, même si cela implique de prendre des risques financiers calculés. Ces acquisitions vont permettre à votre entreprise de renforcer son c?ur de métier, ou plutôt d'entrer sur des étapes clés de la chaîne de valeur en amont ou en aval, ou encore de conquérir des marchés et des pays nouveaux, moins touchés par la crise. Le low cost, par exemple, est en pleine expansion dans tous les secteurs. Pour les entreprises qui ont encore à développer une offre low cost, c'est l'occasion de faire d'une pierre trois coups : éliminer un concurrent gênant, entrer rapidement sur un segment de marché en croissance et maintenir séparées des activités aux cultures peu compatibles. Même raisonnement pour le commerce en ligne. Prenez conscience que la valeur des actifs est à un point historiquement bas et sachez en profiter ! L'acquisition peut porter sur une entreprise entière ou, au contraire, cibler uniquement certains de ses actifs. Notre expérience montre que, si votre entreprise a la capacité managériale de les intégrer, les acquisitions effectuées en bas de cycle sont celles qui vont créer le plus de valeur pour vos actionnaires.

In fine le nerf de la guerre restera la compétence, l'expérience et la motivation des femmes et des hommes. Continuez, dans une large mesure, à recruter les jeunes diplômés qui seront vos managers de demain. Conservez, autant que possible, la génération de vos cadres qui sont vos forces vives d'aujourd'hui. Et, une fois les éventuels départs bouclés, sachez motiver ceux qui restent. La meilleure manière de rentabiliser vos investissements est de responsabiliser les équipes et d'inspirer les individus dans leur job quotidien. Si vous parvenez à maintenir leur niveau de motivation par les temps qui courent, il vous sera d'autant plus aisé de conserver les meilleurs quand le marché du travail leur sera à nouveau favorable. Ce qui va arriver mécaniquement avec les départs à la retraite des papy-boomers.

 

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Enfin des idées raffraîchissantes dans cette ambiance morose ! La micro économie donne toujours des manières de s'en sortir pour l'entreprise même... si la macro n'est pas "au top". Pour un entrepreneur, n'est ce pas un peu trop tôt (ou trop tard) p...

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