Le rehaussement du plafond des sanctions pécuniaires de l'AMF

Depuis le 6 août dernier, le plafond des amendes qui peuvent être infligées par l'Autorité des marchés financiers (AMF) aux sociétés ou aux individus qui auraient contrevenu à la loi, est passé de 1,5 million d'euros à 10 millions d'euros. Le but premier du législateur a été de vouloir mettre en effet davantage en relation le niveau financier de la sanction avec celui des manquements, souligne Muriel Goldberg-Darmon, docteur en droit, avocat associé au cabinet Salans.

La loi de modernisation de l'économie ("LME") a rehaussé le plafond des sanctions pécuniaires applicables (1) aux prestataires de services d'investissement (banque, société de bourse, etc.) en cas de manquements à leurs obligations professionnelles et à toutes personnes pour abus de marché (délit d'initiés, manipulations de cours, diffusion d'une fausse information) pouvant être prononcées par la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers ("AMF"), pour le porter de 1,5 million d'euros à 10 millions d'euros. Ces nouvelles dispositions plus sévères ne s'appliqueront que pour les faits commis à compter de la date d'entrée en vigueur du texte de loi, soit le 6 août 2008.

Rappelons que dans le cadre de ses procédures de sanction, l'AMF peut prononcer à l'encontre des prestataires de services d'investissement, comme la Commission bancaire, des sanctions disciplinaires : avertissement, blâme, interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis.

L'AMF peut également, soit à la place, soit en sus, prononcer une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur, depuis la loi LME, à 10 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés. Cette sanction pécuniaire est également applicable à toute personne pour abus de marché.

Dans ce cadre, la détermination du montant de la sanction ne résulte pas de l'application d'une échelle précise mais relève du pouvoir d'appréciation de l'AMF qui doit respecter le principe de proportionnalité. Le montant de la sanction doit ainsi être fixé en fonction d'une part de la gravité des manquements commis et d'autre part, en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements.

Il ressort des travaux parlementaires de la LME que le plafond de la sanction pécuniaire s'agissant des personnes morales, était considéré comme insuffisant, notamment au regard de l'étendue du préjudice qu'un abus de marché caractérisé est susceptible de porter aux investisseurs et membres du marché. En particulier, la crise des subprimes est venue renforcer cette perception et la nécessité de disposer d'une autorité boursière investie de pouvoirs de sanction assurant une prévention et une dissuasion efficaces.

Toutefois, depuis la création de l'AMF, la sanction de 1,5 million d'euros n'a jamais été prononcée à l'encontre d'un prestataire de services d'investissement pour des manquements strictement liés à leurs obligations professionnelles (à l'exception d'une décision de sanction en date du 6 avril 2006 faisant application du principe du décuple des profits, qui a été annulée par arrêts du Conseil d'Etat en date du 26 juillet 2007).

En matière d'abus de marché, seules quelques décisions de sanction ont atteint le plafond de 1,5 million d'euros pour des abus de marché, dont notamment la décision de sanction à l'encontre d'Altran en date du 29 mars 2007, ou celle à l'encontre de Meditor Capital Management LTD, UBS O'Connor et GLG Partners LP en date du 7 juin 2007. Ces deux décisions font l'objet d'un recours.

La Commission des sanctions pouvait, d'ailleurs, déjà sanctionner au-delà de ce montant pour aller jusqu'au décuple des profits soit, sans limite, au-delà de 1,5 million d'euros et donc même au-delà de 10 millions d'euros.

En outre, concernant la protection du marché, il convient de rappeler que le montant de l'amende est une sanction pécuniaire et, en aucun cas, un dédommagement des conséquences éventuelles de manquements professionnels ou abus de marché. Le montant des sanctions est, en effet, versé au fond de garantie auquel le prestataire de services d'investissement est affilié ou, à défaut, au Trésor Public. Les investisseurs devront donc, pour obtenir des dommages-intérêts, se retourner devant les Tribunaux de droit commun.

Soulignons enfin que pour le délit pénal d'abus de marché, le plafond de l'amende est fixé, pour les personnes physiques à hauteur de 1,5 million d'euros ou le décuple des profits, et par une peine d'emprisonnement de 2 ans et, pour les personnes morales, à 7,5 millions d'euros (article L. 465-3 du CMF et article 131-38 du code pénal).

Compte tenu des pouvoirs de sanctions dont disposait déjà l'AMF, le seul rehaussement du plafond des sanctions pécuniaires ne permettra pas d'éviter des scandales financiers tels que les affaires Kerviel ou Madoff, dont les enjeux financiers ne cessent d'augmenter et sont, sans communes mesures, avec une sanction de 10 millions d'euros...

Le bon fonctionnement du marché ne pourra être assuré par ces seules décisions de sanction et nécessite la mise en place d'un renforcement des mesures de prévention à travers d'une part, la régulation et, en particulier, la clarification de l'ensemble de la réglementation et, d'autre part, des enquêtes et contrôles sur place de l'AMF qui devraient avoir pour objet la prévention et non la sanction.

(1) Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.
 

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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C'est bien de faire des lois ;les appliquer c'est mieux ! quand on voit ce qui s'est passé depuis un an où ces "fameuses" unités de surveillance devaient intervenir çà laisse rêveur pour la suite !? On se connait trop dans ces milieux là pour être éq...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Il n'y a pas que les guerres avec des armes pour faire des désastres et des crimes contre l'Humanité. Aujourd'hui les auteurs des dérives financières devraient répondre de crime contre l'Humanité devant un tribunal international.

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