Les télécommunications, avenir de l'automobile ?

Par Jean-Pierre Corniou, directeur général adjoint de Sia Conseil.

Il n'y a pas d'exemple d'une industrie qui ait su totalement changer de modèle d'affaires aussi efficacement que l'industrie des télécommunications. Dans les années quatre-vingt, installées dans une logique de monopole national, fragmentées, bureaucratiques, ces compagnies publiques dispensaient un service coûteux, sujet d'ironie, et peu soucieux des clients, cantonnés au rôle d'usager.

Aujourd'hui les télécommunications ont révolutionné la vie quotidienne de 3,5 milliards d'êtres humains en apportant pour un coût souvent dérisoire le plus précieux des services, la mise en relation avec le monde extérieur, partout, toujours, pour tout le monde. Sophistiqué comme en Corée, vital comme en Afrique, convivial et efficace, le service de mobilité qu'apporte la téléphonie a conquis le monde avec des objets et des programmes intuitifs, légers, intégrés dans la vie.

Pour l'industrie automobile, en panne, le modèle est à méditer. Le charme s'est brisé. Naguère synonyme de liberté et de statut social, l'automobile apparaît comme un objet polluant, encombrant. Les adolescents américains, selon une étude du MIT datant de 2006, n'ont pas classé par hasard comme symboles des techniques obsolètes en 2015 le moteur à explosion, le compact disc, l'ordinateur de bureau et le téléphone fixe...

L'industrie automobile doit réapprendre à enchanter en séduisant d'abord son futur public. L'influence des jeunes sur les acheteurs de tous âges est considérable. Elle pourra le faire en s'inspirant de ce qui fait aujourd'hui auprès des moins de trente ans la force des télécommunications mobiles, du web 2.0, des réseaux sociaux. Cette industrie ne doit pas seulement réimaginer le produit automobile, mais aussi s'affranchir du poids d'une association exclusive avec le pétrole qui l'a empêchée, par tradition et conformisme, d'être à l'écoute de modèles alternatifs et des revirements de l'opinion.

En associant son image et ses produits avec ceux de la vague numérique, elle pourra ouvrir une nouvelle ère de croissance où mobilité physique et proximité numériques ne seront plus contradictoires, mais intimement liées.

Le passage du moteur à combustion interne à l'électricité, pour une partie du parc futur, en offre l'opportunité. En réinventant l'architecture du véhicule, l'automobile pourra être plus naturellement en mesure d'intégrer les nouveaux usages de communication non pas comme des intrus tolérés mais comme des éléments consubstantiels du plaisir auto-mobile. Les potentiels de la communication mobile se révèlent également indispensables pour développer les nouveaux usages de l'automobile, comme la location, le "car sharing". L'intégration sans couture des outils comme la géo-localisation, l'accès aux réseaux haut débit, le télépaiement et la télémaintenance des flottes offrira flexibilité et sécurité aux gestionnaires et aux utilisateurs. Connectée, la voiture zéro émission sera aussi facilement intégrable dans le tissu urbain que dans le contexte social.

Il sera difficile pour une industrie aussi ancienne, aussi complexe et puissante que l'industrie automobile de se repenser. La coexistence entre les anciennes pratiques et les nouveaux modèles sera longue, mais tourner la page de 120 années d'histoire glorieuse peut être plus porteur d'espoir, d'innovation et de plaisir que de dureté. Aussi les télécommunications et l'automobile peuvent et doivent s'inventer un destin commun.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
Signaler
OUIles telecom ont bouleversé notre monde, notre consommation aussi mais peut-on parler de progrès ? Effectivement on peut joindre n'importe qui n'importe ou dans le monde et de l'autre côté les gens n'ont jamais été aussi seul. Dans le métro, plus p...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.