Une ordonnance renforçant la lutte contre le blanchiment

Par Dominique Dedieu, avocate associée chez Ginestié Magellan Paley-Vincent.

La teneur de l'ordonnance du 30 janvier 2009 transposant en droit français la troisième directive blanchiment méritait cette année d'attente. Ce texte, qui risque de faire connaître un surcroît d'activités à la cellule de renseignement financier national Tracfin, renforce de façon importante le dispositif préventif de la lutte anti-blanchiment ("LAB") car il muscle considérablement les obligations de déclaration à Tracfin et celles de vigilance, qui en constituent le socle. Ce texte est fondamental pour tous ceux qui, dans le cadre de leur activité professionnelle, participent ou assistent, directement ou indirectement, à tout mouvement de capitaux. Les professions du chiffre et celles du droit ne sont pas les seules visées, toute entreprise doit s'y soumettre.

En effet, jusqu'alors restreint à certaines infractions, le champ d'application de l'obligation de déclaration est élargi?: tout professionnel concerné doit faire une déclaration à Tracfin lorsqu'il sait, soupçonne ou a "de bonnes raisons de soupçonner" que les fonds en cause dans une opération à laquelle il participe ou assiste proviennent d'une infraction passible d'une peine de prison d'au moins un an ou d'une fraude fiscale. Quant aux critères permettant de définir la fraude fiscale au sens des dispositions LAB, ils doivent encore être définis par décret. Comme la déclaration de soupçons risque de prendre un caractère systématique, espérons que la cellule de renseignement Tracfin verra ses effectifs augmenter à la mesure de l'élargissement du champ d'application de cette déclaration?!

L'un des apports importants du texte réside dans la faculté donnée - dans des conditions certes très encadrées - aux déclarants de partager l'information sur l'existence de leur déclaration de soupçons au sein d'un même groupe ou d'un même réseau, ainsi qu'aux professionnels de la finance et établissements financiers amenés à intervenir pour un même client dans une même transaction. Cet échange d'informations est essentiel pour les professionnels, tout comme semble être fondamentale pour les pouvoirs publics la connexion établie entre Tracfin, les autorités judiciaires et financières, les services des douanes, et plus généralement "toute personne chargée d'une mission de service public"?!

Les obligations de vigilance sont pour leur part affinées afin de tenter de tenir compte de la réalité des risques de blanchiment soupçonnés. Tout professionnel assujetti au dispositif LAB est tenu à une obligation de vigilance qui consiste, avant tout, en une obligation d'"identification du client et, le cas échéant, du bénéficiaire effectif de la relation d'affaires". Le professionnel remplit celle-ci en collectant tous les documents écrits de nature à attester l'identité de tout partenaire. L'ordonnance adapte cette lourde obligation en développant le principe de proportionnalité des obligations de vigilance aux risques, judicieusement posé par la troisième directive blanchiment.

Ainsi, l'obligation d'identification est allégée, voire supprimée, lorsque les risques de blanchiment sous-jacents sont faibles ou inexistants, comme par exemple en présence de "clients qui présentent un faible risque de blanchiment" dont la liste doit encore être définie par décret?! A l'inverse, l'obligation d'identification est renforcée lorsque les risques sont élevés, par exemple lorsque le partenaire ou client n'est pas physiquement présent. Il appartient alors au professionnel de multiplier les vérifications sur l'identité, mais aussi de rechercher l'origine et la destination des fonds en cause dans l'opération. Cette obligation d'identification, et la collecte des nombreux documents qu'elle impose, vont occuper et préoccuper tous les professionnels à chaque nouvelle relation et ce, "avant d'entrer en relation d'affaires avec le client ou de l'assister dans la préparation ou la réalisation d'une transaction".

Parallèlement, le législateur a renforcé la panoplie des sanctions encourues par les professionnels pour tout manquement à chacune de ces obligations. Laissant aux instances tutélaires le soin de prendre les sanctions adéquates pour leurs membres, l'ordonnance du 30 janvier 2009 crée une Commission nationale des sanctions pour tous les professionnels qui, n'appartenant pas à une profession réglementée, ne relèvent pas d'une autorité de contrôle. Les mesures de "gel des avoirs" applicables à tout professionnel sont aussi renforcées et laissées à l'appréciation du ministre de l'Economie.

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