Haro sur le court-termisme !

Par Marc Crapez, chercheur associé à Sophiapol (Paris-X).

Le court-termisme est sur la sellette. Cet impératif de profit à court-terme dicterait seuils de rentabilité, charrettes de licenciements et tutti quanti. C'est oublier que ce fameux court-termisme a des vertus, qu'il est souvent sur-évalué, et qu'il s'inscrit dans une évolution générale des sociétés modernes.

Le court-termisme n'est ni un OVNI ultralibéral, ni la créature monstrueuse d'un Docteur Mabuse capitaliste. Il plonge ses racines dans nos mentalités et dans nos sociétés. Il reflète nos aspirations et nos pratiques à tous : fin du septennat en politique plébiscitée à 80%, cycle de rotation du management réduit à 3-4 ans et, parfois, mémoire courte et raisonnements expéditifs. Toute médaille a son revers. Le court-terme a son versant positif. Il va de pair avec les droits des individus, la promotion des attentes des gens, le libre-choix de chacun. Il a aussi son versant négatif, si le désir instantané prime le sens de la responsabilité et de la pérennité.

En économie, le court-terme répond à une demande de la société. Il découle de l'octroi aux actionnaires d'un droit d'accès à l'information et à la transparence. C'est un progrès. De plus, les griefs adressés au court-termisme des fonds sont sujets à caution. En réalité, l'horizon de rentabilité des fonds d'investissement est de cinq ans, celui des fonds de pensions de dix ans et ils sont sensibles à la notion de développement durable.

Les marchés financiers misent sur des technologies nouvelles qui ne promettent pas des profits immédiats, dont le rendement est incertain ou lointain comme les biotechnologies. Les profits présents ne sont pas déconnectés des profits escomptés, ils sont un résultat anticipé qui suppute une capacité de la valeur à prospérer.

Au conseil d'administration de la banque Lehman, siégeaient un ancien amiral, un directeur de théâtre et une actrice des années 50... ce n'était pas du court-termisme ! Une fois écartée la démagogie qui fait du court-termisme un bouc-émissaire, les propositions sensées ne manquent pas pour atténuer la tendance au court-terme, en posant des exigences de responsabilité de la part des investisseurs, en régulant les rémunérations pour les orienter vers le moyen terme. Il faudrait aussi encadrer les revendications sans frein et les appétits corporatistes des court-termistes qui, après eux le déluge, se moquent de faire porter le poids de la dette sur les générations futures.

La crise désoriente et crée des bulles idéologiques. Jadis, des sorciers qui faisaient pleuvoir imputaient les éléments naturels à la bonne humeur ou au courroux de divinités. Actuellement, d'aucuns imputent les dérèglements observables à des entités étrangères aux habitudes des sociétés. La crise démontre pourtant que le réel a recouvré ses droits. Qu'il faut bien un jour ou l'autre payer les pots cassés et remettre les pendules à l'heure. Les Etats traversent la crise en fonction de l'état de santé du triptyque Etats-banques-entreprises.

Le Canada est l'un des pays qui se portent le mieux. Grâce à une administration qui a réussi une cure d'amincissement depuis quinze ans. Grâce à des banques dont les ratios d'endettement étaient plus raisonnables qu'aux Etats-Unis. La France tire son épingle du jeu un peu à son corps défendant. D'abord parce que sa croissance fut longtemps à la traîne, ce qui limitait le risque de retournement de tendance. Ensuite parce que son tissu économique avait résisté aux oukases de l'abandon d'une palette d'activités au profit de spécialisations hypertrophiées.

L'Espagne s'était focalisée sur le bâtiment jusqu'à 18% de son PIB. L'Espagne et l'Irlande connaissaient une croissance économique insolente, en partie usurpée ou du moins fragile. Ces cigales pourraient être durablement affectées. D'autres enfin, comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, pour avoir été les premiers à toucher le fond, pourraient être les premiers à remonter la pente.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La vision et l?action à court terme ont des vertus. Et surtout en période de crise. Ce qui est gênant, c?est quand elles agissent sans contre-pouvoir. Et surtout lorsqu?elles agissent avec d?autres facteurs en faisant système. Car le « court-ter...

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