Google Matrix 2015

Par Philippe Mabille, rédacteur en chef et éditorialiste à La Tribune.

Nous sommes en 2015. L'inimaginable est arrivé. Google, créé en 1997 par deux étudiants de Stanford à partir d'un algorithme de recherche génial, est devenu Epic, pour "evolving personalised information construct", le Média des médias. Livres, presse, films, télévisions, radios : tout est disponible gratuitement grâce au financement de la publicité. La presse a cessé d'exister depuis l'arrêt de la Cour suprême de 2010 qui a donné raison à Google contre le "New York Times".
Big Brother est né, mais à la différence de celui de George Orwell, il n'est pas au service du seul gouvernement totalitaire d'Océania. Avec Epic, tout le monde peut communiquer avec tout le monde sur une plate-forme unique, la Googlezon. Depuis votre Google Phone, vous pouvez voir madame faire ses courses, vérifier que monsieur est bien au bureau ou espionner votre voisin. Ce cauchemar à la Matrix est l'un des scénarios d'anticipation qui circulent sur le Net (*). Une dystopie (le pire des mondes possibles), à ne pas confondre avec l'utopie, le rêve d'un monde parfait.
Un monde parfait, c'est ce que nous promet Google avec son "Don't be evil", le slogan de ces gentils éternels étudiants devenus de redoutables hommes d'affaires. En dix ans, ils ont réussi à cannibaliser le marché de la publicité en ligne grâce à la vente de mots clés aux enchères. Même si le géant de l'Internet, devenu l'une des premières capitalisations de Wall Street, souffre un peu de la crise, cette hégémonie alimente les fantasmes. Et si Google devenait un monopole à la Microsoft ? Et si sa toute-puissance économique en faisait le grand Satan qu'il prétend ne pas être ?
Même Obama, pourtant technophile, semble le craindre, d'où la nomination à la Maison-Blanche d'une Mme Antitrust encline à en découdre. Plusieurs incidents récents (un bogue de 55 minutes le 31 janvier, un blocage du service Gmail) ont montré aux internautes le danger de leur trop grande dépendance. "Google, tu l'aimes ou tu le quittes", plaident ses défenseurs qui rappellent que ce sont les consommateurs qui l'ont couronné roi, car le service rendu est meilleur.
Et si Google était plus fragile qu'on ne le pense... Déjà, la nouvelle génération ne fait plus de Google sa porte d'entrée dans le monde magique du Net. Les nouvelles stars s'appellent Facebook ou Twitter et suscitent les mêmes inquiétudes sur le respect de la vie privée.

* https://epic.makingithappen.co.uk/new-master1.html

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