Déchets : sortir du "pour ou contre" l'incinération

De Maximilien Rouer Président de BeCitizen et auteur de "La Révolution de l'économie positive", éd. J.-C. Lattès.

Consensus a minima pendant les débats du Grenelle, peau de chagrin lors de leur transposition sur le plan législatif, les déchets sont le parent pauvre de l'environnement. Parce que le stockage n'est pas une solution durable, la France a fait le choix politique de l'incinération comme principale alternative à la mise en décharge. Si bien qu'en 2005 40 % des déchets ménagers sont incinérés, alors que 34 % sont encore mis en décharge.

Aujourd'hui, le débat du "pour" ou "contre" l'incinération cristallise les opinions, rendant ainsi stérile toute discussion autour de ce que devrait être la gestion des déchets ménagers dans les années à venir. Ce qui peut être reproché aujourd'hui aux élus est d'avoir envisagé l'incinération comme l'unique solution. En apportant une réponse de masse à une question territoriale, ils se sont fermé la porte à d'autres alternatives.

Or, pour tout problème, il ne peut y avoir une solution unique. Les oppositions violentes à la construction de nouvelles décharges ou de nouveaux incinérateurs qui se multiplient un peu partout en France doivent amener les élus à réfléchir à une nouvelle gestion des déchets. Les réponses doivent être diversifiées et adaptées aux spécificités des territoires auxquels elles s'appliquent.

- S'inscrire dans une approche systémique et décentralisée.

Les solutions de traitement ne peuvent être envisagées de la même façon pour une zone rurale qui regroupe moins de 30.000 habitants et pour une zone urbaine qui en rassemble plusieurs centaines de milliers. Chaque mode de gestion peut être pensé dans une perspective de valorisation des atouts et de prise en compte des besoins de ce territoire. Le territoire rural sur lequel se développent des activités agricoles se prête particulièrement bien à la pratique d'un compostage ou une méthanisation de qualité sur des ordures organiques triées, dont le produit enrichira les sols et se substituera à des engrais chimiques. À l'inverse, un territoire urbain aura de plus forts besoins en énergie ou en un compost de moins bonne qualité qui pourra être utilisé pour les jardins ou les espaces verts.

Pour raisonner à l'échelle d'un territoire, encore faut-il que ces territoires existent. La bonne échelle de réflexion est-elle celle de la région, du département, des intercommunalités, des communes ? Le président des éco Maires, Guy Geoffroy, proposait récemment la création de schémas régionaux. Or, il existe déjà un échelon compétent et légitime pour la gestion des déchets qui est l'intercommunalité. S'il est en effet nécessaire de mettre de la perméabilité dans le fonctionnement pour permettre le rassemblement de plusieurs intercommunalités quand c'est nécessaire, il faut toujours envisager la gestion des déchets dans sa globalité. Pour traverser le département de la Nièvre, il faut plusieurs heures, en transportant les déchets d'un bout à l'autre de la région, tout le bénéfice environnemental d'une approche territoriale est perdu. Là encore, la réponse ne peut être unique.

- Raisonner sur la base des meilleures techniques disponibles.

L'opposition de la société au traitement des déchets par stockage ou par incinération a changé de visage. Elle ne se contente plus d'être une simple opposition de principe, dogmatique, qui s'appuierait sur le fameux réflexe "Nimby" ("not in my backyard"). Elle a évolué vers une opposition organisée et constructive. Pour ne citer qu'un exemple, Les gardiens de la Gardiole, association qui s'oppose vivement à la construction d'un nouveau centre d'enfouissement sur la commune de Fabrègues dans le sud de la France, proposent aux autorités administratives d'étudier une technologie canadienne de torche à plasma comme alternative à la mise en décharge.

Pour le contribuable français, il est légitime de se poser la question de l'utilisation des deniers publics. Il est légitime de se demander si une technologie qui, en traitant des déchets, produit non seulement de l'énergie mais aussi de la toxicité est ce qu'il y a de mieux. Il est légitime de se poser la question du rendement énergétique de cette technologie. Il est légitime de se demander si le détenteur de l'autorité publique a regardé ce qui se faisait ailleurs. Il est légitime de se demander pourquoi les industriels investissent dans des technologies nouvelles comme la gazéification pour traiter leurs déchets et pourquoi nous nous cantonnons encore à la question du "pour" ou "contre" l'incinération. Et, quand Guy Geoffroy propose la suppression de la TGAP pour les communes "vertueuses", il est évidemment légitime de se poser la question de ce qu'est une commune vertueuse ? Il est légitime pour nous tous de nous poser cette question. Et là encore, il n'y aura pas qu'une seule réponse.

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Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Votre article est juste et passionnant.Il faut aussi rappeler,car beaucoup l'ignorent,que les incinérations dégagent ,entre autres,de la dioxine qui se dépose dans les champs,sur l'herbe mangée par les vaches et ,donc,se retrouve dans le lait.En ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Il faudrait s'attaquer à la source des déchets:trop d'emballages perdus,d'une consommation gaspilleuse à outrance.UN exemple:les pneus usés s'accumulent en collines chez les récupérateurs:qu'en faire?Pendant 15 ans,j'ai utilisé des pneus rechapés j...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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raisonner en aval c'est bien mais raisonner en amont, ce serait mieux. Aux entreprises de produire recyclable avec le moins de dechet possible. Ca me rends folle de me retrouver avec des sachets individuels de petit LU ou y'a trois fois rien dedans m...

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