Oracle, un opportunisme à 10 cents

Par Jean-Baptiste Jacquin, rédacteur en chef à La Tribune.

Le mariage de géants dans l'informatique américaine annoncé hier par Oracle et Sun Microsystems ne devrait pas nous étonner. Certes, personne n'a vu venir cette opération à 7,4 milliards de dollars deux semaines après qu'IBM a renoncé à Sun Microsystems. Ce dernier jugeait insuffisants les 9,40 dollars par action offerts par "Big Blue". Une arrogance étonnante dans la conjoncture actuelle de la part d'un groupe qui n'a plus le vent en poupe.
Sans doute un peu déçu par l'abandon à la première rebuffade du prétendant IBM, Sun ne s'est finalement pas montré aussi exigeant qu'il en avait l'air. L'éditeur de logiciels Oracle, venu en second, n'a pas eu à pousser un flirt trop long pour séduire sa proie. Il en offre 10 cents de plus par action ! Il ne faudrait pas voir l'échec d'IBM, car c'en est un, comme celui d'un amant éconduit parce que trop pingre.
Le géant mondial des services informatiques n'aurait sans doute pas fait céder sa belle pour 9,50 dollars par titre. Question de culture. Oracle et Sun ont en effet des codes génétiques communs. Ceux des trublions de la Californie. Ils ont le même culot : il faut oser baptiser sa société de mots aussi prétentieux qu'oracle ou soleil.
Le même tempérament de pionnier qui leur a permis de se hisser parmi les grands dans les années 1980, ces années folles où les entreprises découvraient l'informatique. La même gouaille des challengers qui s'attiraient la sympathie des clients et de la presse en raillant IBM et plus tard Microsoft, décrits comme des mastodontes engourdis et dangereux à la fois. Ils ont tous les deux su conserver les figures historiques, Larry Ellison (PDG d'Oracle et cofondateur de l'entreprise en 1977) et Scott McNealy (administrateur de Sun, cofondateur en 1982 et PDG jusqu'en 2006), malgré les rebondissements technologiques. Mais Oracle aura montré davantage de talent que le fabricant de serveurs et père du langage Java.
Pourtant moins innovant sur le plan technologique pur, l'éditeur de logiciels est parvenu à bâtir un modèle d'entreprise gagnant. Parti d'une position forte sur les bases de données, il a multiplié les acquisitions pour élargir sa palette de services aux entreprises. Et, jusqu'ici, l'appétit insatiable de Larry Ellison, qui a dépensé 35 milliards de dollars en quatre ans pour ses acquisitions, s'est révélé sain. Car son moteur semble davantage alimenté par l'opportunisme que par la mégalomanie.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.