Réduire ses coûts et ... mourir

Par Florian Chauvin, associé fondateur chez Kepler, cabinet de conseil spécialisé dans l'optimisation de la performance opérationnelle.

Depuis le début de la crise, on entend beaucoup parler des "cost killers" et de leurs exploits, comme si ces sociétés étaient les derniers sauveurs de situations perdues, tant la recherche de cash est devenue cruciale ces derniers temps.

Outre le fait que l'on puisse s'interroger avec amusement sur les coûts de prestations de ces thaumaturges, que les modalités de rémunération au variable, alléchantes, augurent de belles discussions, et que les décisions prises à l'issue de ces interventions vont parfois à l'encontre des intérêts à moyen et long terme de l'entreprise, ces nouveaux héros détournent des dirigeants paniqués, ou en manque d'inspiration, des véritables enjeux du moment : ceux d'une série d'opportunités à saisir pour transformer en profondeur l'entreprise.

De même que le développement durable est un catalyseur du changement (les "nouveaux greens" récemment convertis l'ont bien compris !) et que la "crise" aurait pu devenir le lanceur objectif et définitif du "développement durable", cette dernière, ramenée à sa simple expression, possède quand même de belles vertus? encore faut-il les voir et les valoriser !

Les entreprises se lancent dans des campagnes violentes de maîtrise de leurs dépenses en attaquant le plus facile et le plus voyant : les frais généraux. Sans trop caricaturer, on peut croiser des salariés qui, du jour au lendemain, ne voyagent plus ou alors en "chicken class", ne téléphonent plus ou alors uniquement sur le territoire national?

Pis : les vannes sont coupées, des projets sont gelés, et des prestataires sacrifiés. Jeu de gagne-petit puisque les enjeux associés sont rarement à la hauteur des difficultés auxquelles doivent faire face les industriels. Cet aller-retour entre excès et austérité est-il bien raisonnable ? Ce manque de cohérence n'impose-t-il pas de réécrire en profondeur les règles du jeu, en leur donnant du sens et en les mettant sous contrôle de manière à les pérenniser ?

"On entre en négo" : le bal commence, le fournisseur courbe l'échine en attendant que la machine Achat fasse son grand essorage et lui extorque par la force ou la pitié quelques points de marge. Et pourtant, entre revisiter ensemble la conception des produits, apporter une expertise opérationnelle pour gagner en productivité, offrir de nouvelles opportunités en introduisant de nouveaux marchés, ou encore parrainer des plans de financement, les idées de mobilisation positive ne manquent pas.

Enfin, dans cette période de grand "sauve-qui-peut" généralisé où l'on s'accroche à ses produits, à ses clients et à ce qui fonctionne, ne faut-il pas au contraire saisir l'occasion d'un possible bouleversement bénéfique, prendre le temps de l'observation, de la comparaison, d'oser l'analogie ou la rupture, ne serait-ce que pour proposer de nouveaux horizons : étendre la démarche "lean" à la conception, standardiser pour de bon cette fois, et les composants des produits et l'offre, simplifier et homogénéiser les processus d'homologation, définir et mettre en ?uvre une stratégie de développement fournisseur, etc... ?

Il est paradoxal, pour ne pas dire hallucinant, que le court-termisme et les effets d'annonce, qui ont gangrené la finance ces dernières années, trouvent un écho aussi favorable dans l'économie dite "réelle" avec des initiatives lancées à hue et à dia qui mobilisent à reculons et qui soulignent surtout la part sombre de la crise.

Osons plutôt croire que cette crise est un tournant majeur : celui d'une refonte offensive, d'une réinvention de l'entreprise qui retrouve là des valeurs essentielles : l'exemplarité, l'innovation et l'ouverture. En cette période de grands questionnements en matière de réduction de coûts au sein des entreprises, la réorganisation opérationnelle qui mobilise l'ensemble des acteurs (dirigeants, salariés, fournisseurs et prestataires), ?uvrant dans le sens de la "reprise économique", ne doit pas être la grande oubliée.

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Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Entièrement d'accord! Toutes les actions menées sur une visée à court terme porte préjudice sur le moyen et long terme. Malheureusement, les cost killers n'ont que des visées à court terme, et privilégient leur intérêt au détriment de ceux qui les co...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Pour gagner de l'argent dans une entreprise il faut augmenter ses produits et/ou réduire ses coûts. Quand on ne peut pas augmenter ses produits pour quelque raisons que ce soit on ne peut que réduire ses dépenses CQFD Je note que Mr Chauvin n'a pour...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Pour gagner un match, il faut déjà commencer par ne pas le perdre... Cela va sans dire, mais c'est ce que font les "cost killers" dans leur approche court termiste: éviter que la match ne s'arrête là... Cependant, tous n'ont pas la main légère lorsqu...

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