Les marchés émergents méritent de faire une pause avant de repartir à la hausse

Par Curtis A. Butler, CIO ("Emerging Markets Equities" chez Lombard Odier).

Après avoir subi les plus importantes pertes boursières depuis le début de la crise financière, commencée à l'automne 2007, les marchés émergents enregistrent sur ces derniers six mois les meilleures performances des marchés. En effet, l'indice MSCI Emerging Markets a progressé de près de 50% depuis le pic de volatilité (VIX) d'octobre 2008, alors que le MSCI World gagnait moins de 10% sur la même période. Une telle surperformance nous paraît justifiée tant par l'historique que par les fondamentaux des marchés émergents. Nous pensons toutefois que ces derniers ont maintenant besoin d'un peu de temps pour digérer le récent "rally", avant une probable reprise dans les prochains mois.

Zone géographique "satellite", les marchés émergents réalisent les meilleures performances lorsque la liquidité est abondante et le goût pour le risque prononcé. Après septembre 2008, les différents plans de relance mis en place par les gouvernements ont ainsi permis d'injecter des quantités massives de liquidité dans le système financier mondial, et de restaurer une certaine confiance quant à l'issue de la crise. Un mois après, la volatilité (VIX) atteignait son pic et les marchés émergents un plancher.

Quelles sont les raisons de la récente surperformance des marchés émergents ? Les investisseurs ont certainement voulu anticiper la prochaine tendance et, se penchant sur le passé, en ont tiré les conclusions suivantes : lors du "bear market" de 2000-2002, les marchés émergents ont atteint leur plancher dix-huit mois avant le reste du monde, avant d'enregistrer une surperformance de plus de 280% (vs. MSCI World) sur les cinq années suivantes, et ce jusqu'au plus haut niveau de 2007. Les investisseurs gardent ainsi à l'esprit l'ampleur de cette surperformance et espèrent sans doute que ce schéma se reproduira lors de la prochaine hausse.

Selon nous, l'optimisme du marché à l'égard de la classe d'actifs a également été largement soutenu par des valorisations attrayantes, et par la relative solidité des fondamentaux. Ainsi, les valorisations atteignaient des niveaux extrêmement bas à l'automne 2008, avec des ratios cours/bénéfices chutant bien en dessous de 10, et des multiples cours/valeur comptable avoisinant 1, des niveaux inégalés depuis dix ans. De surcroît, contrairement aux marchés développés, les fondamentaux des économies émergentes nous paraissent biens meilleurs qu'il y a dix ans: les déficits extérieurs se sont transformés en excédents, les réserves de change ont augmenté et l'endettement des entreprises et des ménages est nettement inférieur à celui enregistré aux Etats-Unis et en Europe.

Au sein même des marchés émergents, de nombreux facteurs spécifiques nous donnent des raisons d'être optimistes. La Chine a démontré sa puissance en soutenant de manière vigoureuse son économie (en privilégiant les provinces intérieures et les zones rurales) pour garantir le maintien d'une croissance robuste, y compris en 2009; les économistes relèvent désormais leurs prévisions concernant la croissance du produit intérieur brut de 6% à 8% pour l'année en cours. Sur tous les marchés émergents, les politiques monétaires expansionnistes mises en place par les banques centrales suscitent un certain optimisme quant à une reprise relativement rapide de la croissance.

La Turquie, par exemple, a abaissé son taux d'emprunt à court terme de 700 points de base ces six derniers mois, le ramenant en dessous de 10% pour la première fois de son histoire. La monnaie est restée pour sa part relativement stable, reflétant ainsi la confiance du marché dans les politiques orthodoxes et dans la stabilité accrue des économies émergentes.

D'autres facteurs ont également participé à ce fort rebond de marché, et permettront certainement de soutenir les marchés émergents à long terme. Ainsi, le "réchauffement" significatif des relations économiques entre la Chine et Taiwan, engendré par l'autorisation d'investir directement dans les sociétés taïwanaises, annoncée fin avril, a dopé le cours des actions de la Bourse de Taipei. Cette décision laisse entrevoir de nouvelles perspectives en matière de fusions et acquisitions, et offre aujourd'hui l'un des cas de réévaluation les plus intéressants. De même, l'écrasante victoire du parti du Congrès du Premier ministre M. Singh représente une avancée significative pour l'Inde. Le gouvernement pourra ainsi plus facilement mettre en ?uvre des réformes visant à améliorer la situation budgétaire du pays et à promouvoir une croissance soutenue par les investissements

Au vu de la solidité des fondamentaux, nous sommes convaincus que les investisseurs seront généreusement récompensés sur le long terme. Cependant, à court terme, nous pensons que les marchés émergents méritent de faire une pause, en raison de l'ampleur de la récente surperformance. En effet, nous estimons qu'ils devraient prendre quelques mois pour digérer la récente hausse avant d'entamer la prochaine étape de cette forte reprise.

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