Pas d'euphorie prématurée

Par Valérie Brunschwig-Segond, journaliste à La Tribune.

Bien sûr, on ne va pas bouder son plaisir. Il flotte aujourd'hui comme un petit air de reprise. Entre la stabilisation de l'activité dans la zone euro dès le deuxième trimestre et la hausse des commandes industrielles, et surtout avec le rebond quasi continu des Bourses mondiales depuis que les banques ont eu l'autorisation de s'affranchir de la sincérité comptable, on a l'impression que les affaires reprennent. Les interventions pharaoniques des Etats, comme celles des banques centrales qui ont fait tourner la planche à billets, ont évité le syndrome du puits sans fond à l'économie mondiale. On peut le dire : on est sorti de la récession.

Même Nouriel Roubini, qui s'est fait un nom en pariant sur le pire, a abandonné son sinistre scénario en "L", qui annonçait une décennie perdue pour la croissance mondiale... C'est dire. Mais y lire la promesse d'une reprise forte, recréant richesses et emplois perdus, ce serait prendre les vessies chinoises pour des lanternes mondiales. D'ailleurs, les banquiers centraux réunis ce week-end à Jackson Hole aux Etats-Unis se sont montrés certes soulagés, mais très prudents, et n'envisagent toujours pas de changer de politique. Ils savent que c'est la prime à la casse qui, partout, a arrêté la dégringolade de l'industrie auto. Et que la stabilisation de l'activité vient davantage d'un ralentissement du déstockage, que d'un franc restockage.

Si la consommation a plutôt bien tenu, c'est grâce à la baisse des prix, en particulier de l'énergie, qui a donné du pouvoir d'achat aux ménages du monde entier et masqué les effets des licenciements massifs. Or ces deux moteurs risquent fort de caler avec la fin prévisible de la subvention auto, la hausse du prix de l'essence et de certaines matières premières, et surtout l'augmentation continue du chômage. Ce qui fait dire au même Nouriel Roubini que la reprise sera en "W", avec ses inévitables rechutes.

Aujourd'hui, les marchés ne veulent voir que les bonnes nouvelles. On les comprend. Mais quand les taux longs restent toujours aussi bas malgré les signes de reprise et les énormes besoins de financement des Etats, un doute surgit : tout se passe comme si les moyens mobilisés allaient une fois de plus regonfler les marchés d'actifs, bien davantage que l'économie réelle. Une explosion des Bourses grâce à des fonds publics, assortie d'un chômage élevé ? Le télescopage pourrait être explosif.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.