Livre numérique : la Gaule résiste

Par Valérie Brunschwig-Segond, journaliste à La Tribune.

La bataille contre Google que livrent les éditeurs français soutenus par les pouvoirs publics a quelque chose d'émouvant. Tétanisés par la paupérisation que la révolution numérique et sa part d'ombre - le piratage - ont fait subir à l'industrie musicale, ils tentent aujourd'hui de défendre d'arrache-pied le prix du livre et les droits d'auteur. Derrière leur combat se profile bien sûr la lutte pour la défense de la rentabilité de l'édition, et la protection d'un modèle économique qui a permis de faire vivre une vraie diversité culturelle.

Ils ne se disent pas opposés à la numérisation du livre qu'ils savent inévitable. Mais ils veulent que l'on prenne le temps d'édicter des règles claires qui leur permettront de diffuser leurs ouvrages sur de nouveaux supports sans y perdre leurs ressources. Seulement, peut-on encore attendre, alors que Google a déjà numérisé 10 millions d'ouvrages, et négocie avec la Bibliothèque nationale de France pour numériser son fonds ? Peut-on encore retenir la déferlante numérique, alors que l'autre géant américain, Amazon, propose déjà des titres numérisés à 9,99 dollars pièce, et vendrait, dit-on, sur certains d'entre eux, jusqu'à 40% des exemplaires en version digitale ?

Certes, l'absence de standard unique de lecteur numérique laisse à nos éditeurs un peu de temps, sachant que c'est avec l'iPod que la musique en ligne a démarré. Mais, d'ores et déjà, on sait que les millions d'ouvrages tombés dans le domaine public seront, ou pourront être, téléchargés gratuitement dans les lecteurs électroniques. Pour les éditeurs qui trouvaient dans ces ouvrages immortels le moyen de lisser leurs résultats, ce combat-là semble déjà perdu. Quant aux millions de livres sous droits d'auteur mais qui n'ont plus la masse critique pour être imprimés, ils bénéficieront eux aussi d'une numérisation qui leur offrira une deuxième chance.

Restent les nouveaux livres sous droits. Mais à 9,99 dollars le titre, Amazon, qui ne supporte aucun coût de distribution ou de gestion des invendus, peut faire une sérieuse concurrence aux éditeurs papier tout en gagnant de l'argent. Alors que les plates-formes de distribution numérique seront mondiales, on se demande si le prix unique du livre et l'exception culturelle française ont encore une chance de tenir. S'ils ne veulent pas disparaître, les éditeurs sont donc condamnés à se réinventer comme l'ont fait, avec succès, ceux de l'édition scientifique. Mais pourquoi avoir attendu alors que l'on connaît depuis longtemps les effets ambivalents de la numérisation des contenus ? "Encore un peu de temps, monsieur le bourreau"??

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Commentaire 1
à écrit le 14/10/2009 à 6:08
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Mais de quel bourreau s'agit-il. La vraie question : qui de l'éditeur ou du "pirate" spolie le plus l'auteur ? Nulle accusation mais : 1 - la numérisation n'a ni appauvri la création musicale, ni obéré les revenus des créateurs ; ceux des majors, ou...

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