Priorité à la chasse aux dépôts... mais pas tous !

Avec l'adoption des nouvelles règles prudentielles, les politiques commerciales des réseaux bancaires pourraient être davantage dictées par des contraintes réglementaires que par le besoin du client. C'est un risque à l'heure où de nouveaux acteurs, plus innovants, arrivent sur le marché de la banque de détail.
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Si la crise financière de 2008 n'avait pas suffi, celle de 2011 et le rappel à l'ordre de Christine Lagarde devraient résonner encore plus fortement : les banques doivent en permanence démontrer, et surtout renforcer, la solidité de leurs liquidités. C'est d'ailleurs le sens de la convention Bâle III qui impose, pour 2019, de nouvelles règles aux banques en privilégiant certains types de dépôts, conduisant ainsi les banques à prendre un virage stratégique vis-à-vis de l'épargne de leurs clients.

Les banques françaises ont tout à craindre de ce changement parce que leurs dépôts sont inférieurs à la moyenne européenne (31 % du total du bilan contre une moyenne de 36 %, selon UBS), et parce que, selon Bâle III, toutes les épargnes ne se valent pas. Les produits aujourd'hui plébiscités par les Français comme l'assurance-vie, les livrets A, les OPCVM ne rentrent plus - ou seulement en partie - dans le calcul des ratios de liquidités, et pourraient donc ne plus rentrer dans la stratégie marketing des acteurs bancaires. Par quels produits seront-ils alors remplacés ?

En disant que « l'incitation à la distribution d'un produit dépendra de la possibilité de l'inclure dans le bilan », François Pérol, président de la Fédération bancaire française, soulève une nouvelle fois la question du rôle du conseiller bancaire, à l'heure où la confiance des Français dans le système bancaire est en berne : peut-il en effet proposer à ses clients à la recherche d'un placement sûr, long terme et défiscalisé un dépôt à terme plutôt qu'une assurance-vie ?

Bien que démentie par les acteurs bancaires, la chasse aux dépôts par les banques est déjà en marche et prend deux formes. D'un côté, les banquiers tentent de drainer l'épargne des Français vers des produits d'épargne bilanciels (rentrant dans le calcul de Bâle III). Et ce, au détriment des produits d'épargne classiques, en s'appuyant - pour la cosmétique ? - sur certaines attentes des clients comme les livrets d'épargne solidaire et durable. De l'autre côté, les banquiers proposent des produits d'appel aux rémunérations apparemment attractives, à la façon « vente privée », mais liées à des critères plus ou moins lisibles pour le client final : durée limitée ; montant plafonné ; domiciliation des revenus ; indexation sur le nombre de souscripteurs, à l'instar de Monabanq et son application « Faites monter le taux ».

Où est le besoin client dans cette « stratégie produit » ? Trop centrées sur elles-mêmes, les banques peinent à innover sur l'épargne, pourtant au coeur des préoccupations de leurs clients : à quand un conseiller bancaire capable de proposer en direct ou sur le Web une gamme de produits d'épargne répondant à des besoins segmentés selon la durée d'immobilisation ou le risque du placement, avec une analyse sur l'ensemble des produits du marché ?

Et comment sécuriser le lien avec les clients et leurs dépôts ? Dans leur stratégie marketing, les banques ne peuvent plus ignorer ni la multibancarisation, qui avait déjà séduit un quart des Français en 2010 selon une étude Ifop, ni la venue de nouveaux acteurs sur le marché du paiement avec l'arrivée des établissements de monnaie électronique. Pour s'adapter aux changements comportementaux de leurs clients, à l'instar de Boursorama avec son MoneyCenter, les banques françaises pourraient s'inspirer du modèle de Mint aux États-Unis et se présenter comme une « métabanque » permettant demain de gérer, via une plate-forme unique en quelques clics, la totalité de son patrimoine et de ses opérations quotidiennes bancaires (virement, factures, prélèvements, dépenses, recettes...), voire non bancaires (coffre-fort électronique, par exemple).

Ce positionnement aurait au moins le mérite, pour le monde bancaire, de renouer avec l'innovation, de sortir de la simple guerre des taux et de prendre enfin en considération le client final et ses nouveaux besoins - notamment autour de la simplicité, de la transparence, du multicanal et de la communauté. Faute de quoi ce client final pourrait se tourner vers les nouvelles marques de l'économie mondiale, Apple, Orange ou Facebook et leur confier son épargne, après leur avoir confié sa vie privée, ses coordonnées bancaires... et même ses transactions financières.

 

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