Après WeWork, la fin du culte de l’entrepreneur-roi  ?

VU DE LA SILICON VALLEY. L'affaire WeWork marque peut-être un tournant, la fin du culte de l'entrepreneur-roi au profit d'individus plus discrets, moins casse-cou... et peut-être plus efficaces.
La chute de Neumann (en photo) n'est pas sans rappeler celle de Travis Kalanick, fondateur d'Uber, en 2017.
La chute de Neumann (en photo) n'est pas sans rappeler celle de Travis Kalanick, fondateur d'Uber, en 2017. (Crédits : Reuters)

L'année devait être fastueuse pour WeWork. Le champion américain de la location d'espaces de travail collaboratif avait prévu d'entrer en Bourse cet automne, avec une valorisation estimée à 47 milliards de dollars. Une coquette somme pour une entreprise d'immobilier fondée il y a moins de dix ans. WeWork semblait bien partie pour conquérir le monde sous la houlette de son fondateur et directeur général, Adam Neumann, qui ne cachait pas son ambition de devenir l'homme le plus riche de la planète.

Mais la machine s'est enrayée en cours de route. L'entrée en Bourse a été annulée, Neumann remercié, et la valeur de l'entreprise est désormais estimée à tout juste 7 milliards de dollars. L'existence de l'empire du coworking, largement déficitaire, a même un instant semblé en péril, les investisseurs échaudés rechignant à le renflouer alors qu'il manquait de tomber à court de trésorerie. Le groupe japonais SoftBank, l'un de ses investisseurs historiques, est finalement venu à la rescousse, déployant un plan de sauvetage de 9,5 milliards de dollars et prenant ainsi le contrôle de l'entreprise.

Machine à brûler les billets verts

Que s'est-il passé ? Alors que WeWork préparait son entrée en Bourse, plusieurs informations ont commencé à circuler, qui n'ont pas tardé à refroidir les investisseurs. WeWork est apparue comme une machine à brûler les billets verts, dépensant près de deux dollars pour chaque dollar gagné. Les pratiques d'Adam Neumann, surtout, ont commencé à semer le doute. En plus d'avoir nommé des proches à la plupart des postes clés, il louait ses propres biens immobiliers à l'entreprise, réalisant ainsi de juteux bénéfices, et parcourait le monde à bord d'un jet privé payé par WeWork, dans lequel il organisait des soirées dantesques chargées en drogue et en alcool.

La chute de Neumann n'est pas sans rappeler celle de Travis Kalanick, fondateur d'Uber, en 2017. Tout comme Neumann, Kalanick s'était fait connaître pour sa personnalité hors norme et égomaniaque, sa capacité à repousser les barrières, et son nom était étroitement associé à celui de son entreprise, jusqu'à ce qu'il en soit mis à la porte. Citons encore Elizabeth Holmes, la fondatrice de Theranos, un moment comparée à Steve Jobs, qui a levé des millions grâce à un test d'analyse sanguine qui ne marchait tout simplement pas.

Lire aussi : Theranos, les inavouables secrets d'une startup frauduleuse

Les rock stars n'ont plus la cote

Autant d'entrepreneurs que la presse assimilait à des rock stars et dont la personnalité hors du commun a servi, dans un premier temps, le succès de leurs sociétés respectives. Davantage que sur un produit, les investisseurs misaient sur les capacités de ces dirigeants à le vendre, à convaincre le public qu'ils allaient changer le monde.

En échange, ces entrepreneurs-rois faisaient ce qu'ils voulaient, les investisseurs fermant les yeux sur leurs frasques et pratiques douteuses. Outre-Atlantique, cette culture, connue sous le nom de « founder friendly », semble toutefois sur le déclin.

L'affaire WeWork marque peut-être un tournant, la fin du culte de l'entrepreneur-roi au profit d'individus plus discrets, moins casse-cou... et plus efficaces ? Satya Nadella, le directeur général de Microsoft, montre la voie. Depuis que cet homme calme et réservé a pris la suite du flamboyant Steve Ballmer, Microsoft s'est imposée sur le marché du cloud, son action a grimpé en flèche et l'entreprise est passée du statut de dinosaure menacé d'extinction à celui de géant de l'innovation avec lequel il faut de nouveau compter. Peu de grain à moudre pour les tabloïds, mais du pain bénit pour les marchés financiers.

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Commentaires 2
à écrit le 13/12/2019 à 17:57
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Un bon entrepreneur est celui qui arrive à faire beaucoup avec peu et non à réaliser peu avec beaucoup. L'entrepreneuriat, le vrai, est à la base d'un capitalisme qui marche et qui ne dégénère pas en copinage purulent et parasitaire, à l'image de be...

à écrit le 13/12/2019 à 9:22
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D'un autre côté il ne faut pas non plus cracher dans la soupe, MZ est un leader charismatique même si avec le côté immature de sa jeunesse certes, mais il a eu une excellente idée qu'il a su porter et l'a emmené très loin explosant les vieilles oliga...

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