Et de droite et de droite, le « en même temps » de 2022

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. Le programme Macron débridé pour un quinquennat à droite toute. Des efforts désespérés pour limiter les conséquences de la guerre en Ukraine sur les prix de l'énergie et de l'alimentation, quoi qu'il en coûte ? Un nouvel ordre mondial qui s'affirme de plus en plus et des espoirs de négociation de paix encore ténus. Et autres informations de la semaine écoulée dans La Tribune.
Philippe Mabille
(Crédits : Elysée)

Et vous, vous êtes plutôt t-shirt kaki Zelensky-style... Ou bien costume sombre chemise blanche cravate atomique à la Poutine ? Ou alors Sweat noir à capuche siglé « CPA 10 » (Commando Parachutiste de l'Air N°10, forces spéciales basées à Orléans) façon Macron ? Tout le truc est dans la barbe (de trois jours), signe d'activité intense et de nuits sans sommeil. Le teint blanc cachet d'aspirine de chaque apparition du président russe inquiète. Le regard en coin du président français veut rassurer, dossier sous le bras entre deux portes, comme un clin d'œil à un Général de Gaulle habillé du même CPA 10, dont tous se revendiquent.

Chef de guerre et candidat, Emmanuel Macron a donc présenté ce jeudi entre deux portes son programme pour « cinq ans de plus à l'Elysée ». Le lendemain, il a parlé avec Poutine, comme chaque vendredi, et travaille à la paix mondiale avec Biden et Xi Jinping... Pas vraiment de temps pour débattre avec ses compétiteurs.

Les jeux de l'Elysée sont-ils faits, vraiment ?, interroge Marc Endeweld dans sa chronique Politiscope, ce vendredi. Pas si sûr. Certes, à plus de 30% au premier tour, le président creuse l'écart et seule Marine Le Pen reste au contact. Mais en filigrane de la guerre, ce qui inquiète les Français, au-delà de la fin du monde, cela reste la fin du mois.

Et si le vent avait déjà commencé à tourner ? Alors que le candidat Macron présente un programme à droite toute, un nouveau front s'ouvre, celui des prix de l'essence. Ce qui profite à Marine Le Pen et surtout à Jean-Luc Mélenchon, dont la dynamique est aussi spectaculaire que l'effondrement de leurs autres compétiteurs, de Valérie Pécresse à à Anne Hidalgo en passant par Eric Zemmour et Yannick Jadot.

A la guerre comme à la guerre, Emmanuel Macron n'a plus de limite. Sans ces tensions internationales, le candidat Macron aurait-il osé proposer l'âge de la retraite à 65 ans et un RSA conditionné à 15 ou 20 heures de formation ou de travail ? On ne le saura jamais sans doute. Valérie Pécresse a beau crier au hold-up, c'est bien une OPA, une Blitzkrieg sur la droite républicaine qu'opère Emmanuel Macron sans coup férir, profitant de la faiblesse historique de la gauche « dite de gouvernement », avec une Hidalgo inaudible dont le score devient inférieur à celui du litre du sans-plomb 95...

Où est passé le « en même temps » de 2017 ? Son centre de gravité s'est juste déplacé à droite toute. Le nouvel équilibre du macronisme, clairement assumé, est hérité de l'expérience du « quoi qu'il en coûte » du Covid : quand la croissance va, on dérégule à fond le marché du travail, on incite, on encourage à reprendre un emploi, en "traversant la rue" s'il le faut ; et quand les temps sont durs, l'Etat redevient protecteur, finance le chômage partiel et soutient massivement les entreprises. L'économie selon Macron reste inspirée par le rapport Attali dont il fut le rapporteur : c'est aide-toi, et si ça va mal, l'Etat te sauvera. Symbole de ce changement, « Pôle Emploi » sera rebaptisé « France Travail ». Pendant que la gauche hurle au démantèlement de toutes les conquêtes sociales du XXème siècle, le candidat Macron promet le plein emploi pour tous dans cinq ans, dans un modèle social à la danoise. Moderne ?

A la guerre comme à la guerre, La France se prépare aussi à s'adapter au choc de la crise géopolitique provoquée par l'invasion de l'Ukraine et les sanctions contre la Russie. Celle-ci pourrait conduire à un choc majeur sur l'offre pétrolière mondiale.

Il faut donc se préparer à se passer durablement du gaz et du pétrole russe. L'Agence internationale de l'énergie en propose le mode d'emploi et la solution qui ne plaira pas à tout le monde s'appelle à court terme la sobriété énergétique. Pour le gaz, il s'agit donc de baisser de quelque degré le chauffage et de mettre pulls et bonnets.

Pour le pétrole, le message de l'AIE est simple : restez plus souvent à la maison et limitez vos déplacements en voiture, ou achetez un vélo (notre chronique de la semaine dernière rappelait cette recommandation de Christine Lagarde déjà en 2007). Pas sûr que la proposition ait beaucoup de succès autour des ronds-points.

C'est donc le retour de la bonne vieille « chasse au gaspi », comme le racontait il y a quelques jours Marine Godelier, notre spécialiste énergie, avec une seule différence : la transition énergétique est engagée. Mais elle est très très en retard. Les plus malins ont déjà des panneaux solaires sur leur toit. Une nouvelle fracture énergétique se prépare dans monde d'après, entre le Nord et le Sud de la France.

Y-a-t-il d'autres solutions ? Remplacer le pétrole par du nucléaire prendra du temps et coûtera un « pognon de dingue ». L'Etat vient de faire un chèque de 2,7 milliards d'euros pour recapitaliser EDF. Et il va falloir sans doute aller bien au-delà pour financer les 25 EPR à venir. Marine Godelier a également exploré les options qui s'offrent et raconte ce que le candidat Macron a en tête, qui ressemble furieusement au projet Hercule de nationalisation de la partie nucléaire civil d'EDF.

Peut-on déconnecter, comme le proposait cet hiver Bruno Le Maire et comme le demandent plusieurs candidats à l'Elysée, dont Marine Le Pen, les prix du gaz et ceux de l'électricité au niveau européen ? Bruxelles y travaille et fera des propositions en mai, avec des marges de manœuvre limitées.

Pour le moment, l'urgence est de gagner du temps d'ici l'hiver prochain, afin de protéger en premier lieu les entreprises les plus intensives en énergie, qui s'inquiète de ne pouvoir passer l'année, à l'exemple de la plateforme chimique Les Roches - Roussillon, qui héberge et mutualise les infrastructures et les services pour une quinzaine d'industriels (dont Elkem, Hexcel, Seqens, Suez, etc) dans le Nord-Isère, raconte Marie Lyan, responsable de notre bureau en AURA.

Tenir, en espérant une désescalade en Ukraine ? Mais aussi se préparer au pire, et notamment au choc inflationniste qui vient. L'appel de Jean Castex au pétrolier TotalEnergies à baisser de 10 centimes les prix à la pompe, pour accompagner la baisse de 15 centimes accordée pour quelques mois par l'Etat, risque de n'être qu'un cautère sur une jambe de bois.

Le choc des prix va bientôt s'étendre aux prix de l'alimentation avec une forte hausse du panier de la ménagère. A peine achevées, sur une hausse déjà prévue de 3% en 2022, les négociations sur les prix alimentaires doivent reprendre et cela risque de faire mal, s'inquiète Giulietta Gamberini.

En France, mais surtout en Afrique où l'absence du blé ukrainien fait redouter à l'ONU « un océan de famines »... En Egypte, écrit La Tribune Afrique, les autorités encadrent pour la première fois le prix du pain, dont le nom signifie aussi en arabe égyptien « la vie ». Le conflit en Ukraine menace donc aussi l'agriculture française et fait des céréales l'autre enjeu géopolitique d'une crise qui est sans doute la première guerre de la transition écologique.

La crise n'est qu'en apparence régionale. Ses répercussions sont d'ores et déjà mondiales, par le jeu des sanctions et de l'affirmation d'un nouvel ordre mondial opposant l'Occident et pour aller vite la Chine et la Russie. C'est la revanche des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), cet acronyme inventé par la banque d'investissement américaine Goldman Sachs lorsque l'Occident rêvait d'un monde plat, tel que le décrivait Thomas Friedman, l'éditorialiste du très libéral New York Times.

Combien de temps Poutine peut-il tenir ? Comme l'explique Robert Jules, la Russie a accumulé un trésor de guerre en nous vendant son pétrole et son gaz et tant que l'Europe n'y renoncera pas, elle financera de facto la guerre qu'elle dénonce en Ukraine. En attendant la signature d'un nouveau Yalta et le succès de négociations de paix qui traînent en longueur.

Philippe Mabille

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Commentaires 20
à écrit le 21/03/2022 à 18:59
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Parce que Melenchon ferait mieux que Macron? La démagogie n’a jamais fait bon Président!

à écrit le 21/03/2022 à 11:04
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Et tous les socialistes qui ont rejoint Macron !!!! Que pensent-ils de ce programme ? Vont-ils continuer à le soutenir ? J'aimerais bien avoir l'avis de Marisol Touraine sur l'âge de départ en retraite, sur la fiscalité des successions, par exemple...

à écrit le 20/03/2022 à 4:28
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Ridicule personnage, et dire qu'il est president de l'europe. Quelle mauvaise farce. En avril Z.

le 20/03/2022 à 11:17
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un mot. pitoyable. image de la FRANCE

à écrit le 19/03/2022 à 15:55
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oui oui, hollande melenchon jadot et duflot aussi ils sont de droite.......tout est une question de definition! pour memo, il etait ministre chez hollande, pas chez sarkozy, et il etait encarte au ps, pas chez lr !!

à écrit le 19/03/2022 à 15:04
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Heu…on est quand même plus proche ici de la politique de Mitterand dans son deuxième mandat, que de Sarkozy. Il n’y a jamais eu autant de dépense publique depuis plusieurs décennies…À moins bien sûr d’une tribune en faveur de la gauche de la gauche q...

le 19/03/2022 à 17:19
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Les faux politiques de gauche hommes et femmes , qui ont fait temps de mal au parti Socialiste parce que Bourgeois dans l'âme , ont retrouvé dans la politique d'Emmanuel Macron leurs pendants !d'où l'union sacrée de perdre leurs situations satisfaisa...

à écrit le 19/03/2022 à 15:02
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Tout est dans l'marketing.. l'emballage c'est s'qui planque la misère... bon la tenue jogging parachutiste ça va plaire à dup(c)ondlajoie.. donc c'est bon coco.. la barbe barbouze ça aussi quelle trouvaille.. havas c'est des bon !.. pareil pour la co...

à écrit le 19/03/2022 à 14:21
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Cette élection présidentielle est d'une rare médiocrité ! Comment peut -on s'enflammer pour l'un des candidats tous plus affligeants les uns que les autres ?! La nouveauté ? Un juif antisémite qui hait les arabes alors que ses parents étaient de nati...

le 19/03/2022 à 21:12
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Macron n est pas liberal, il etait au PS et maintenant il copie Pecresse qui est un clone de chirac. Si Macron etait liberal il aurait fait comme Reagan ou Thatcher: reduire l emprise de l etat. Il a fait exactement l inverse ! Je passe sur le pass ...

à écrit le 19/03/2022 à 13:19
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Quel guignol ! Il va bientot jouer du piano avec sa $ite ! Comme ben grivaux !

à écrit le 19/03/2022 à 12:34
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La dépense sociale française est la plus élevé de la zone euro. La France est donc un pays où on a méné objectivement des politiques d'extrême gauche pendant 40 ans. Le resultat est que tout le monde en démande plus et tout le monde veut en faire moi...

à écrit le 19/03/2022 à 10:56
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Ça n’est pas parce que Macron est venu piller le programme de Pecresse qu’il en récupèrera forcément les électeurs. On peut aussi penser que ceux-ci sont sensibles au style de gouvernance du bonhomme et à sa pratique d’un pouvoir solitaire et très pe...

à écrit le 19/03/2022 à 10:51
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Son programme consiste à emmerder les français,Pompidou qui était 1er ministre de De Gaulle appliquait une politique de droite, avec comme idée de cesser d'emmerder les français, vraiment Macron c'est aucune idée, pas de perspective,le nez dans le g...

à écrit le 19/03/2022 à 10:33
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Z'avez légèrement oublié feignant.... qu'il ( macron ) avait traité ainsi une partie des français en promettant de s'en occuper.. c'était avant les gilets jaunes.

à écrit le 19/03/2022 à 10:19
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Le tout est de savoir si supprimer la redevance TV est un programme de gauche ou de droite?

le 20/03/2022 à 13:32
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Supprimer la redevance TV n'est pas une fin en soi. Ce qu'il faut, c'est ramener le service public à 2 ou 3 chaines, tout comme la radio. Il est hallucinant de financer des chaines avec des deniers publics pour des groupuscules de téléspectateurs ou ...

à écrit le 19/03/2022 à 9:23
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Je vous le dis il ne veut pas y retourner, il y est obligé son cdd étant de 5 ans renouvelable mais il ne le veut pas, sa campagne manque singulièrement d’enthousiasme et on le comprend, 5 ans de plus à saigner les français et il serait obligé de viv...

le 20/03/2022 à 12:01
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Son ego le depasse. Il tentera le tout pour le tout, meme a vendre son ame au diable. L'hubris on vous dit.

le 20/03/2022 à 14:29
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Il y est poussé par beaucoup d'intérêts financiers qui "jouent" leur survie. D'ailleurs, les 600 milliards de dettes supplémentaires qu'il a crée, ne servent qu'à assurer un revenu supplémentaire, à ceux qui la possèdent. Cette dette, confisque encor...

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