
Comme il y a eu un « iPhone moment » en 2007 lorsque Steve Jobs, le fondateur d'Apple, prononça cette formule restée dans toutes les mémoires (« ceci est une révolution »), le monde est en train de vivre son « chatGPT moment ». Sauf que cette fois, c'est différent : « ceci » est une « révolution anthropologique », de nature à changer ce qui fait de nous des êtres humains, menacés de voir une machine devenir meilleure que nous-même. C'est proprement vertigineux et on comprend mieux les appels au moratoire lancés au départ.
En un an, 180 millions de personnes se sont mises à utiliser régulièrement ChatGPT. Et la bataille mondiale pour dominer cette nouvelle technologie fait rage, à coup de milliards. Des milliers de nouvelles applications ont déjà vu le jour, dont Midjourney, qui nous permis de générer la plupart des images de ce supplément (dont votre serviteur en « chatGPTman » ne représente qu'un modeste exemple.
L'objectif est simple : remplacer le cerveau humain dans des tâches qui auparavant lui étaient dévolues. La banque Goldman Sachs a évoqué la possible disparition de 300 millions d'emplois dans le monde. Elle est sans doute loin du compte. Pour la première fois dans l'histoire, une « révolution industrielle » va impacter les « cols blancs », qui se pensaient jusqu'ici plus épargnés que les « cols bleus » par la robotisation.
On assiste déjà aux premières grèves « corporatistes » : les scénaristes d'Hollywood ont commencé au printemps, obtenant des garanties. Ils ont été suivis par les acteurs et ce sera sans doute demain au tour des journalistes, des photographes, des avocats ou des comptables... En réalité, tous les métiers créatifs sont concernés. Et il ne faut pas se faire d'illusion : le système capitaliste ira chercher tout le potentiel de hausse de la productivité que rendra possible ces technologies.
Que faire ? Résister au progrès ? Ce n'est pas la méthode la plus sûre, sauf à connaître le sort des maréchaux-ferrants ! Une meilleure option est d'apprendre à devenir meilleurs avec l'IA, d'entrer résolument dans ce nouvel âge hybride. C'est un défi majeur pour l'école et pour les entreprises qui ont la responsabilité de ne pas laisser leurs salariés devenir obsolètes.
En retard, la France doit donc prendre le taureau par les cornes. Notre pays, qui forme et exporte à l'étranger les meilleurs mathématiciens de ses grandes écoles, a tous les atouts pour devenir l'un des leaders de l'IA, à condition de conserver et de motiver ses talents. A condition aussi que la régulation, certes nécessaire compte tenu des enjeux éthiques et moraux que soulève l'IA, ne tue pas l'innovation avant qu'elle ne puisse naître. La classe politique doit donc elle-aussi se mettre à jour. Et rapidement. Tout retard sera funeste.
Une chose est sûre, ce n'est que le début des aventures tumultueuses de l'intelligence artificielle générative. Et l'ironie de l'histoire veut que cet anniversaire coïncide avec l'annonce ce vendredi du licenciement du fondateur d'OpenAI, Sam Altman, par le conseil d'administration de son entreprise. Voir le gourou de ChatGPT, l'homme qui a passé l'année à entretenir le mythe de l'IA générale, qui pourrait renverser l'ordre du monde voire provoquer la fin du monde, se faire lui-même virer par des humains ne manque pas de piquant... Même si, dans un scénario digne de la série de fiction Silicon Valley, le fondateur d'OpenAI a fini par revenir à la tête de son entreprise, menacée d'une démission en masse de ses principaux cadres. Une histoire rocambolesque qui illustre à merveille le conflit entre la science et le business qui agite le monde de l'IA.
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