Coronavirus : un nouvel environnement pour les investisseurs

OPINION. L'ensemble des dettes publiques et privés représentent aujourd'hui plus de 240 trillions de dollars, soit trois fois le produit intérieur brut mondial. Et nul ne sait encore si les banques seront capables d'assumer de telles ardoises. Par Nicolas Tarnaud, Frics directeur du MBA Immobilier International à Financia Business School et chercheur associé à LAREFI, Université de Bordeaux.
(Crédits : DR)

La baisse immédiate de la croissance mondiale est inéluctable cette année avec les conséquences inattendues du coronavirus. Les usines asiatiques, européennes, américaines et africaines sont à l'arrêt pénalisant ainsi le fonctionnement du commerce et des marchés financiers. Avec des économies si dépendantes les unes des autres, de nombreuses questions sur les effets de la mondialisation actuelle seront posées à l'issu de cette crise. Une nouvelle gouvernance devra probablement être abordée entre États afin de mieux anticiper et gérer les crises futures.

Les bourses mondiales retrouvent des mouvements baissiers aujourd'hui comme nous n'en avions pas connu depuis la crise financière de 1987 et de 2008. La volatilité des marchés actions et obligataires a été très élevée ces dernières semaines, les conséquences du trading à haute fréquence ne sont pas étrangères à de tels mouvements. Ces ordres automatisés représentent autour de 70% aux États-Unis des transactions contre 35% environ en Europe. Lorsque les marchés deviennent aussi volatils comme c'est le cas aujourd'hui, les investisseurs adoptent le « flight to quality » en se réfugiant sur des actifs sécurisés. Ainsi l'once d'or évolue aujourd'hui au plus haut historique depuis 2012 et le franc suisse se consolide en monnaie refuge. Si les investisseurs ont besoin demain de liquidités, ils allègeront certains actifs de leurs portefeuilles entraînant par un effet domino une dépréciation de ces valeurs dans un marché baissier. Toutes les classes d'actifs vont être touchées avec des impacts différents selon la confiance et la réactivité des investisseurs.

Dans ces conditions, les stratégies d'investissement devront s'adapter tant que la situation restera ambiguë avec une absence de visibilité dans chacune de nos économies. En relation avec les banques centrales, les États sont particulièrement sollicités et impliqués afin d'éviter qu'une crise de confiance s'installe parmi les populations, les agents économiques et les investisseurs avertis ou non. Comme à chaque crise, ces derniers sont plus fragilisés que jamais.

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La confiance des investisseurs

La confiance, « sentiment de quelqu'un qui se fie entièrement à quelqu'un d'autre, à quelque chose », selon le Larousse, est le fondement même du fonctionnement des institutions financières et monétaires. L'indice Sentix de la confiance des investisseurs de la zone euro a atteint son plus bas niveau historique en avril. Il a baissé de 25,8 points à -42,9 points. Les fondamentaux de l'investissement dépend de celui des investisseurs envers les institutions et de celui des institutions entre elles. Comme le rappelait D. Lacoue-Labarthe dans une interview du 14 octobre 2008 : « Le crédit est pratiquement gelé́ du fait de la perte de confiance entre établissements. C'est comme dans une partie de poker : s'ils savent qu'un ou deux joueurs ne paieront pas leurs dettes, ceux qui sont solvables arrêtent de jouer. Là, plus personne ne faisait confiance à personne. »

Au-delà des fondamentaux caractérisant le prix des actifs financiers et immobiliers, la confiance est probablement le facteur impactant le plus la décision de l'investisseur, quelle que soit sa surface financière. La confiance est donc l'élément le plus difficile à quantifier dans une analyse prospective où l'objectivité et la neutralité doivent être respectées. Dans un environnement où l'impact humain et économique va être considérable, les acteurs du monde financier et de l'immobilier devront s'adapter aux nombreux ajustements comme la diminution de nombre de transactions et la correction du prix de certains actifs. La dépréciation de ces derniers résultats est inéluctable et il conviendra de l'intégrer dans les nouvelles stratégies d'allocation d'actifs. Les investisseurs pourront à nouveau renouer avec un optimisme relatif tant que la crise ne sera pas inscrite au passé.

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Le rôle des banques

Depuis une vingtaine d'années, les économies mondiales se sont développées à crédit. Le marché de la dette n'a cessé de se développer sur la même période. En un mot les États, les entreprises et les ménages se sont endettés afin de maintenir une croissance et un pouvoir d'achat relatif dans de nombreux pays industrialisés comme les États-Unis.

L'ensemble des dettes publiques et privés représentent aujourd'hui plus de 240 trillions de dollars, soit trois fois le produit intérieur brut mondial. Un chiffre qui n'a jamais diminué. Les questions vont se poser sur le coût de l'argent et sa disponibilité après la crise du Covid19.

Si le crédit devait s'arrêter avec la formation d'un « credit crunch » temporaire alors l'économie mondiale pourrait s'enrhumer. La psychose des banquiers est d'éviter de se retrouver dans une scénario dans lequel les clients fermeraient leur compte bancaire. On parlerait alors d'un effet « bank run ». Il est encore trop tôt pour connaître la politique de crédit des banques françaises et la liquidité dont elles disposeront. Dès lors, il est légitime de s'interroger sur la gestion du risque crédit qu'elles mettront en place. Ce dernier va-t-il évoluer ou non et quelles seront les conséquences sur l'attitude de la clientèle d'entreprises et de particuliers ? Selon certains analystes, la distribution du crédit ne sera plus comme avant. En effet, la Banque Centrale Européenne va injecter 750 milliards d'euros, en plus des 350 milliards d'euros qui étaient déjà prévus soit un total de 1 100 milliards d'euros pour 2020.  Ces liquidités sont nécessaires pour accompagner les secteurs de l'économie les plus touchés par la crise tels que les hôtels, les restaurants, le secteur des loisirs, les commerces, le BTP et les transports.

Les banques vont devoir aussi jouer un rôle auprès des auto-entrepreneurs, des indépendants, des professions libérales, des TPE et des PME. Malgré un taux d'épargne les plus élevés au monde, les Français auront toujours besoin de crédit pour financer leur achat immobilier. Ainsi, 90% d'entre eux ont toujours besoin d'un financement pour acheter leur résidence principale. S'ils n'ont plus confiance dans l'économie, ils reporteront leurs acquisitions immobilières car la reprise économique sera lente. Le crédit immobilier est un engagement à long terme. Enfin, parallèlement aux mesures publiques, la politique des banques va être déterminante pour relancer la croissance des entreprises, des PME, des TPE et des entrepreneurs, véritables pourvoyeurs d'emplois et moteur de l'économie française. Comment ne pas conclure par cette question : avec les contraintes prudentielles de Bâle 3 et les aspects réglementaires, les banques françaises auront-elles les moyens d'être audacieuses dans les prochains mois ?

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Commentaire 1
à écrit le 09/04/2020 à 18:11
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Que de contorsions pour tromper le bon peuple... Ce sont les banques centrales qui doivent comme en angleterre assumer l'ardoise, car elle ne leur coute rien ! Juste un trait de plume ! Il n'y aura pas d'inflation car pas de pénurie et une moindre ...

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